Pont de Pirmil (1/4)
Le pont de Pirmil est l’un des plus anciens ponts édifiés à Nantes sur la Loire. Sa construction remonterait au 9e siècle. La nécessité pour les autorités de le maintenir en bon état est motivée par le rôle central qu’il joue dans l’économie de l’Ouest du royaume.
L’entretien du pont de Pirmil au Moyen Âge
Comme les autres ouvrages de la ligne des ponts, la construction du pont de Pirmil est attribuée, par Ogée, à Charles le Chauve. Mais aucune documentation n’a été conservée sur ce pont du 9e siècle. Celui-ci est ensuite cité dans la charte de fondation du prieuré de la Madeleine que le duc Conan III place sous le contrôle de l’abbaye de Toussaints d’Angers en 1118. Avec cette donation, le duc transfère à l’abbaye l’entretien des ponts de la Loire tout en lui conférant la facilité de prélever dans les forêts ducales tout le bois nécessaire. Si l’abbaye semble s’être acquittée correctement de cette obligation jusqu’à la fin du 12e siècle, elle délaisse peu à peu ces travaux trop coûteux.
En 1397, le mauvais état des ponts pousse le duc Jean IV à les confier au conseil de ville. À partir de cette époque, c’est donc la Ville de Nantes qui veille sur le pont de Pirmil. Dès le 15e siècle, les archives ayant trait à l’entretien et aux reconstructions de cet ouvrage sont particulièrement nombreuses.
En effet, il est rare que le pont de Pirmil tienne plus de dix ans sans devoir être réparé ou « refait ». Ces travaux plus ou moins longs et complexes concernent la plupart du temps le tablier de bois qui est régulièrement emporté par les crues ; les réparations nécessaires sont alors effectuées dans les semaines qui suivent. En revanche, la reprise des piles de pierre qui plongent dans le fleuve est une toute autre affaire et l’hiver, les officiers publics chargés de l’entretien des pont craignent par-dessus tout que les piles ne rompent sous la puissance des flots.
Un pont soumis aux aléas climatiques
La première rupture documentée des piles du pont de Pirmil remonte à l’hiver 1564. Les ponts de la Loire, fragilisés par les chutes de neige, le gel et l’eau glacée de la Loire cèdent face à ces conditions météorologiques extrêmes.
Ce sont les piles élevées au milieu du fleuve qui ont été brisées ; leur reprise est confiée à Pierre Heudes, « maistre architecteur et conducteur de l'œuvre des ponts de pierres de Pirmil ». Le roi ordonne que les ponts soient rebâtis de pierre : cette volonté modifie sans doute la forme des ponts et faire apparaître les premières arches et tabliers de pierre.
L’ampleur du chantier explique peut-être le déplacement de Louis de Foix à Nantes pour expertiser le pont en 1568. Cet ingénieur et architecte de génie ayant fait ses armes au service de Philippe II d’Espagne sur les ouvrages hydraulique de Tolède est chargé par le roi Charles IX du détournement du cours de l’Adour pour donner à la ville de Bayonne un accès direct à la mer. Ce déplacement, consigné dans les délibérations de la ville de Bayonne, témoigne également de l’enjeu national des travaux du pont de Pirmil.
La reconstruction du pont
Un procès-verbal de 1568 prouve que la reconstruction partielle du pont a été lancée quelques mois après la débâcle. Sept piles, espacées de 18 pieds (environ 6 mètres), sont en cours de construction au-dessus des semelles de pilotis enfoncés dans le sol sablonneux du fleuve ; 9 autres sont prévues pour joindre l’îlot de Vertais à la rive sud. Ces nouvelles piles s’alignent vraisemblablement avec celles qui ont échappé à la débâcle.
Pour bâtir, la Ville bénéficie d’une donation royale de 500 pieds d’arbres et puise dans la carrière de Miséry pour se fournir en pierre de grison. Mais la fourniture de pierre rencontre le refus de plusieurs propriétaires, sous prétexte « de quelque interrest qu'ilz disent y avoir ». Cette situation oblige le lieutenant général du gouvernement de Bretagne à intervenir afin de les contraindre à laisser les ouvriers récupérer la pierre sans causer de trouble.
Cette première grande reconstruction se complexifie en 1574 lorsque Pierre Heudes interpelle la Ville sur l’impossibilité de terminer la grande arche du pont « du côté de la tour, où y a roc, lequel n'est descouvert d'eau en alcune saison de l'année, et n'y peult on planter estappes, pilliers de pierres pour la lubricité du dit roc ». La voie est donc terminée en bois grâce aux arbres de la Poictevinière et de la forêt de Melleray, coupés en 1576.
Une architecture de bois et de pierre
Douze années ont été nécessaire pour rebâtir le pont et entamer sa transformation. En 1576, Pirmil a vraisemblablement une architecture composite avec une partie entièrement en bois au sud, une autre faite d’un tablier en bois sur pile en pierre au nord et enfin un espace central bâti en arche de pierre. Dans les années qui suivent, la Ville continue son effort et remplace peu à peu les piles simples en pierre par des arches, occasionnant parfois des désordres dans les pêcheries accrochées à ces piles. Ce n’est vraisemblablement que vers 1604-1605, après 40 ans de chantier permanent que le pont de Pirmil est entièrement composé de quinze arches de pierre ; la sortie du pont entre la rive et l’îlot de la forteresse de Pirmil reste encore en bois à cause de la présence du rocher, celle de l’îlot de Vertais conserve un tablier de bois pour pouvoir être détruite en cas d’attaque.
Ce pont renouvelé ne semble pas avoir connu de gros dégâts jusqu’en 1645. À cette date, la Ville doit engager 3700 livres pour « remassonner et mettre des pierres de taille de grisson aux pilliers et arcs-boutans du pont de Piremil, tant vers amont que vers aval, en la place de celles qui estoient tombées par la force des glaces et grandes eaux » : la crue a encore emporté une partie de l’ouvrage. Ces travaux de reprise en sous-oeuvre et confortement concernent l’ensemble des piles depuis la tour de Pirmil jusqu’à la porte de Vertais, ainsi que les « avant-beches et poinctes desdits piliers qui sont rejointoyées et les pilotis qui sont protégés par cent cinquante gabarrées de pierre froide déposées devant eux ».
Suite Pont de Pirmil (2/4)
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
En bref...
Typologie : architecture civile publique et génie civil
En savoir plus
Bibliographie
Caraës Jean-François, « La disparition des vestiges de l'ancien pont de Pirmil », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°148, 2013, p. 259-273
Dantin Ch., « Constructions métalliques : le nouveau pont-route métallique de Pirmil, sur la Loire, à Nantes », Le Génie civil : revue générale hebdomadaire des industries françaises et étrangères, Tome 90, n°15, 47e année, n°2330, 9 avril 1927, p. 353-356
Lazard R., « Travaux publics : la démolition des anciens ponts en maçonnerie de Pirmil et de la Madeleine, à Nantes », Le Génie civil : revue générale hebdomadaire des industries françaises et étrangères, Tome 59, n°19, 51e année, n° 2569, 7 novembre 1931, p. 476-480
Rousteau-Chambon Hélène, « Le pont de Pirmil au 18e siècle et l'Académie royale d'architecture », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°136, 2001, p. 163-178
Véronneau Frédéric (dir.), « Le pont de Pirmil », dans Les ponts de Nantes d'hier et d'aujourd'hui, Coiffard, Nantes, 1995, p. 63-69
Documentation
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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