Alice Milliat (1884 – 1957)
Une résidence universitaire porte bien discrètement, depuis 2005, le nom de cette Nantaise par ailleurs parfaitement inconnue dans sa ville, alors qu’elle a eu un rôle et une notoriété internationaux.
Une apparente logique l’explique : modeste institutrice, Alice Milliat (née Alice Millon) quitte la ville dès 1904 pour épouser à Londres un employé qui la laisse veuve quatre ans plus tard, ce qui la contraint à rentrer à Paris. Elle y est tour à tour traductrice, comptable, représentante de commerce, et sa tombe au cimetière Saint-Jacques ne porte même pas de nom.
Or cette femme est une sportive – elle pratique l’aviron, la natation, le hockey, le football…– mais surtout une organisatrice et l’inlassable militante de la reconnaissance du sport féminin. Dès 1915 – c’est en partie un effet de la féminisation imposée par la guerre – elle prend la présidence du doyen des clubs sportifs féminins fondé trois ans plus tôt, Femina sport, puis en 1919 celle de la Fédération féminine sportive de France créée en 1917. Elle y promeut avec beaucoup d’efficacité, notamment, le football féminin (avec une équipe de France dès 1920, et des championnats régionaux, dont un à Nantes), le basket-ball, la natation, le hockey, crée un bulletin qui prend en 1922 le titre de Sportives et fait si bien que la Fédération compte 451 clubs en 1934.
Dans le même mouvement, elle lance en 1921 un meeting international à Monte-Carlo, qui s’accompagne de la création d’une Fédération sportive féminine internationale, et se heurte alors au conservatisme et au machisme du mouvement sportif international. Pierre de Coubertin, sollicité dès 1920 pour l’introduction d’épreuves féminines aux Jeux olympiques, estime que « le véritable héros olympique est à [ses] yeux l’adulte mâle individuel. Une olympiade femelle serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte ».
Cette mise en contexte idéologique est essentielle pour mesurer la nature de l’engagement féministe d’Alice Milliat, autant que sa volonté. En 1922, elle organise à Paris des « Jeux olympiques féminins » qui ont lieu ensuite tous les quatre ans, à Göteborg puis à Prague, avec un succès réel : plus de 200 participantes de 17 pays à Prague.
Le Comité international olympique réplique en intégrant, à partir de 1928, cinq puis six épreuves d’athlétisme féminin, non sans de fortes réticences. Et surtout, la Fédération d’athlétisme parvient à prendre arbitrairement le contrôle de la pratique féminine de ce sport, en 1936, ce qui entraîne la disparition des Jeux féminins.
À cette date il est vrai, l’influence d’Alice Milliat est sur le déclin. Le football féminin s’étiole, peine à constituer des équipes complètes. La présidence de la Fédération française lui est disputée, autour d’un vrai débat entre le sport de compétition, qu’elle prône, et un sport féminin « édulcoré ». Après 1935, en mauvaise santé, elle ne joue guère de rôle, et disparaît en 1957, totalement oubliée du mouvement sportif et de l’histoire du sport. Il faudra la volonté des féministes, et la curiosité de quelques rares historiens du sport, pour que la figure de cette personnalité exceptionnelle réapparaisse dans les premières années du 21e siècle, bien timidement il est vrai…
Alain Croix
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Devron André, Alice Milliat : la pasionaria du sport féminin, Vuibert, Paris, 2005
Gachet Stéphane, Alice Milliat : les vingt ans qui ont fondé le sport féminin, Compagnie du livre, La Crèche, 2019
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Alain Croix
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