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Habitat des bords de Loire : profiter des paysages ligériens (3/3) Réservoirs d'eau de la Contrie

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Îles et atterrissements (2/2)


Au début du 19e siècle, la gestion du domaine fluvial est confiée au service des Ponts et Chaussées. Une campagne d’enrochements des rives est alors lancée afin de les consolider et permettre la réalisation de grands travaux sur les îles et les rives du fleuve. Ces travaux changent progressivement la morphologie du fleuve et des îles avec la disparition des boires et étiers. 

La gestion des atterrissements aux 18e et 19e siècles

Le 21 mars 1758, un arrêt du conseil d’État concède à la Ville de Nantes « les atterrissements faits et à faire dans la Loire au-dessus et au-dessous des ponts ». Cette cession est assortie de l’obligation d’utiliser les revenus générés par la vente ou la mise en fermage de ces atterrissements pour des travaux d’amélioration de la navigation. Par cet arrêt, l’État abandonne ses prérogatives mais également ses devoirs d’entretien du domaine public et de la voie de circulation de première importance que constitue le fleuve. La Ville de Nantes, nouveau propriétaire de toutes les îles consolidées ou en formation et de tous les atterrissements de rive, prendra dès lors en charge le bornage des îlots, leur attribution par fermage ou par vente ainsi que l’entretien du fleuve depuis Nantes jusqu’à la mer.

Les réclamations pour l’établissement des limites du domaine public fluvial dureront plusieurs décennies et, en 1822, un État des lais et relais de mer, des îles, îlots et atterrissements dans les fleuves et rivières navigables ou flottables qui existent entre les mains du domaine et de ceux qui ont été concédés avant la publication de la loi du 1er octobre 1790, ou qui étaient usurpés par des particuliers est réalisé par la Direction générale de l’Enregistrement et des Domaines. Entre Mauves et le Pellerin, l’enquête recense une centaine d’îles et atterrissements, et l’ingénieur en chef Joseph-Marie Rapatel expose au Préfet de la Loire-Inférieure que « les riverains de la Loire, interprétant à leur gré la loi sur les alluvions, usurpent sans cesse sur le lit de ce fleuve ». Sous la Restauration, la gestion du domaine fluvial est remise au nouveau service des Ponts et Chaussées. Rapidement, les ingénieurs s’attèlent à cartographier le fleuve et à encourager la consolidation des rives par des enrochements. Les enrochements sont faits par les propriétaires qui demandent à protéger leurs propriétés attaquées par les eaux. Entre 1847 et 1849, une véritable campagne d’enrochements est lancée sur l’intégralité des rives et des îles nantaises. La carte du fleuve se stabilise et les travaux d’envergure des 19e et 20e siècles pourront être lancés sur une base solide.

Plan à joindre à la demande de M. Pelloutier

Plan à joindre à la demande de M. Pelloutier

Date du document : 13-07-1849

Un réseau de boires et d'étiers

Les atterrissements favorisent la naissance d’un réseau de boires et d’étiers. Le mot « boire » est un nom commun typique de la zone ligérienne. S’il désigne aujourd’hui des bras morts de la Loire, souvent ensablés ou envasés, remis en eau l'hiver au moment d'une crue, il était naguère utilisé pour désigner les petits bras du fleuve qui divisaient les îles ou les séparaient de la rive. Les boires pouvaient être de grosses dérivations naturelles du fleuve sinuant entre les îles et îlots. Elles pouvaient également être alimentées, comme les lônes rhônaises, par infiltration depuis la nappe alluviale ou directement par le fleuve en période de crue et former des zones d’eau stagnantes. Les plus petites boires peuvent également être nommées douves, comme celle qui traversait l’île Gloriette jusqu’au milieu du 19e siècle avant qu’elle ne soit comblée pour l’extension de l’Hôtel-Dieu.

Ces boires semblent être en eau toute l’année jusqu’au 17e siècle, puis, soumises aux inflexions du cours du fleuve commencent à s’assécher lors des périodes d’étiage. Ce phénomène d’exhaussement des boires est largement observable à l’échelle de l’estuaire, notamment à la faveur des grands travaux de chenalisation du fleuve.

Carte de la Loire nantaise

Carte de la Loire nantaise

Date du document :

Jusqu’au milieu du 20e siècle, les boires principales de la Loire nantaise sont celles des Récollets et de Toussaint qui traversent l’actuelle île de Nantes. Elles sont tout d’abord utilisées pour la mise en valeur des zones agricoles et, en 1770, des digues à vannes sont mises en place sur les deux boires afin d’éviter qu’un courant ne s’établisse, ne corrode les rives et n’enlève une partie des propriétés riveraines et des récoltes. En ville comme dans les zones rurales, les boires offrent aux communautés riveraines des zones propices au travail quotidien : lavage du linge, petite pêche, mégisserie, zone de débarquement des marchandises, refuge pour les bateaux durant les glaces de l'hiver, rouissage du chanvre en amont de Nantes, etc. À Nantes, le processus de conquête des îles par l’industrie transforme ces boires en égouts à ciel ouvert. Au gré des périodes d’assec, elles dégagent, dès le milieu du 19e siècle, des odeurs méphitiques. Les habitants demandent leur remise en eau mais l’urbanisation en cours sonne leur glas : leurs lits offrent les futurs espaces de circulation des nouveaux quartiers insulaires. Dès 1847, la boire des Récollets est destinée à être transformée en voie de communication de 20 mètres de largeur. Le comblement des deux boires est à nouveau discuté en 1874. Le comblement partiel de la boire de Toussaint et sa dérivation vers le bras de Pirmil est mis en oeuvre à la faveur de la construction du quai des Antilles, à partir de 1903 ; puis les deux boires disparaissent définitivement avec le nouveau plan d’urbanisme d’après-guerre.

Le terme d’étier désigne aujourd’hui un chenal étroit, alimenté en eau de mer, pouvant faire plusieurs kilomètres. Dans la Loire nantaise, le terme – et son équivalent local de « seil » – sont souvent utilisés pour désigner des faux bras qui remontent dans les terres et s’amenuisent au bout de quelques dizaines ou quelques centaines de mètres. Les zones autour des étiers sont généralement marécageuses et, dans l’ensemble les étiers semblent n’avoir jamais retenu l’attention des administrateurs généraux ou municipaux, hormis dans certaines zones de marais (Couëron) où les étiers jouent un rôle majeur en tant qu’artères d’irrigation et de dessèchement des prairies humides. Le port de Nantes les utilise, à l’instar des boires principales, comme port-refuge pendant les périodes de crues ou de débâcles mais ils ne font l’objet d’aucun aménagement spécifique car pour les ingénieurs des Ponts et Chaussées : « Dans un fleuve à marée, c'est le bras principal qui seul s'entretient naturellement. Tous les faux bras et bras secondaires se colmatent plus ou moins rapidement. L'effet des dragages ne sont que de très courte durée. »

Photographie de l’étier de Mauves et de la gare

Photographie de l’étier de Mauves et de la gare

Date du document : avant 1927

L’étier de Mauves et l’étier de Chézine sont les deux principaux du genre à Nantes. Si le second disparaît dès 1740 pour laisser place au quai de la Fosse et aux nouveaux chantiers de construction navale, le premier est chenalisé à la suite de l’installation de la gare d’Orléans et subsiste jusqu’au milieu du 20e siècle.

Jadis situé à la confluence de la Sèvre et de la Loire et aujourd’hui disparu, le seil de Rezé – bien que nommé « seil » – n’était pas un étier. C’était une boire, ou peut-être une bifurcation du lit mineur de la Sèvre, née à la suite de l’émergence des îles méridionales de la Loire nantaise et de la modification progressive du point de confluence par l’apparition de nouveaux bancs de sable. 

Seil de Rezé

Seil de Rezé

Date du document : sans date

Il semble que jusqu’au 17e siècle, le seil de Rezé ait été en eau toute l’année. Puis, la baisse de l’étiage permit de le traverser à pied pendant l’été par un gué entre Trentemoult et les Couëts. À la fin du 18e siècle, la construction d’une chaussée submersible entre l’île des Chevaliers et le coteau du Port-au-Blé coupe l’arrivée de l’eau pendant l’été et le seil se comble peu à peu. Au début du 20e siècle, il n’est plus qu’une douve asséchée l’été. Canalisé, il disparaît totalement sous la voie rapide joignant Rezé à Bouguenais en 1951.

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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