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Aménagements portuaires aux temps modernes (3/7)


Si le port de Nantes est pour l’essentiel un port fluvial dédié au transit des marchandises jusqu’à la fin du 16e siècle, l’essor du commerce transatlantique oblige le réseau portuaire à évoluer. À Nantes, le port commence son déplacement vers l’aval matérialisant la mutation de l’économie et de la provenance du trafic : le port maritime commence à dominer le port fluvial.

La naissance d'un grand port

Dès le premier quart du 17e siècle, le royaume de France entreprend la colonisation des îles de l'arc antillais et les colons s’installent à Saint-Christophe avant de prendre pied sur Saint-Domingue. Les Nantais entretiennent rapidement des rapports avec ces terres lointaines où sont cultivés tabac, sucre et indigo. En 1638, quatre vaisseaux partent de Nantes pour les Antilles. Dès lors, la ville liera des liens solides avec les îles et domine dès le début du 18e siècle le trafic transatlantique avec 90% des navires affrétés. Cette augmentation rapide du trafic portuaire engendre des transformations physiques et une nouvelle organisation du port.

Ainsi, alors qu’au Moyen Âge et à la Renaissance, l’activité portuaire de Nantes se concentre en amont des ponts – au port Maillard –, une mutation s’opère dans la seconde moitié du 17e siècle. Elle est principalement engendrée par le commerce du sucre porté par le trafic triangulaire et la traite négrière. Face à des navires toujours plus gros et toujours plus chargés, le port de Nantes, premier port d’Europe et but ultime de la majorité des voyageurs au long-cours, doit s’adapter car malgré son niveau commercial, la ville n’a toujours pas de réels équipements portuaires.

Les prémices de cette mutation se font entrevoir dès le premier quart du 17e siècle. A cette époque, la construction d’un premier quai au faubourg de la Fosse pour améliorer le Port-au-Vin a permis d’augmenter l’importance du port aval où « les navires et autres vaisseaux [...] avoient accoustumeé de venir de la mer aborder et mouiller l'ancre au port et havre de la Fosse ».

En 1625, à la suite d’une crue dévastatrice, les marchands de la Fosse déclarent que « les bancs de sables qui s'y trouvent et empeschent l'abord des vaisseaux, qui, à cette occasion, sont contraints de demeurer à quatre ou cinq lieues de ladite ville, où ils ne peuvent estre chargez ny deschargez que par gabarres et batteaux plats, dont la dépense est si grande que le proffict de la marchandise n'y peut suffire ». Ils demandent alors à poursuivre les quais qui mesurent moins de 600 mètres de long à partir du Port-au-Vin jusqu’à l’île Lemaire, située à plus d’un kilomètre, pour resserrer la Loire et augmenter le tirant d’eau dans le bras nord qui déjà commence à s’assécher.

Détail du profil ou nouvelle description de la ville épiscopale et port de mer de Nantes en Bretagne

Détail du profil ou nouvelle description de la ville épiscopale et port de mer de Nantes en Bretagne

Date du document : 17e siècle

Leur souhait reste lettre morte car ni la Ville, ni le roi, ni les usagers ne peuvent prendre en charge la dépense. Néanmoins, pour essayer de remédier aux désagréments, la Ville adjuge en 1632, l’élargissement d’un des quais : « masone requize et nécessaire estre faicte pour l'eslargisemant d'un cail, que messieurs les maire et eschevins entendent et veulent faire faire vis-à-vis de la tonnelle d’ormeau, proche le logis du sieur Pinard, pour la meilleure commodicté de tous les particuliers pour les charges et descharges de toute sorte de marchandises ». La description de ce quai « amarche en la rivière hors l'enliguement des murailles des cailz ja basty » laisse penser que cet élargissement constitue en fait un escalier, peut-être comme celui du port Sablet à Lyon. Ce premier quai de la Fosse s’arrête à la croix des Capucins (au niveau de l’actuelle médiathèque Jacques Demy). Son parapet en pierre de taille est ponctué d’échelles - terme qui semble alors désigner une cale ou un escalier - et il a été remblayé par des sables tirés du fleuve. Il ne forme pas un ensemble uni et les descriptions et représentations de l’époque évoquent une succession de quais dont certains ont deux parois latérales. En outre, les quais sont entretenus et modifiés par leurs utilisateurs sans projet d’ensemble ainsi que le confirment les archives : « [...] Le quay ensuyvant qui est à vis la maison de la dame Rozée, n'est parachevé du côté d'à bas, fors celui d'amont. Avons remarqué le quai ensuite à vis la rue de la Haute-Folie, les murailles des deux costés d'icelluy ont esté desmollyes et enlevées par le Sr de Tirboudé, et y avons veu quantité de terriers qui y auroient esté apportés et fait apporter par le Sr du Bois, marchand, qui occupe ce passage et le port d'icelle ». En 1647, le mauvais état du perrée permet « que les eaux qui s'écoullent des rues en la rivière, deffait le pavé et emportent de la terre qui gaste ladicte rivyère, mesme empesche l'abord des batteaulx et la descharge des marchandises ».

Sur le quai, comme 25 ans auparavant, les marchands regardent vers la Chézine où s’est construit un petit quartier portuaire avec un quai, des entrepôts et une raffinerie. Mais la Ville, dans la seconde moitié du 17e siècle, conserve les berges de Loire situées le long de la chaussée de Chézine comme « terrain vague pour radouber, calfeter, construire, gaudronner et eschouer les barques, basteaux et bastimans, et pour la conservation des gabarres pendant les glaces, tempestes et mauvais temps ». Le terrain est loué à différents chantiers de construction en 1688.

Ce n’est qu’au début du 18e siècle, alors que Nantes est en passe de devenir le premier port d’Europe que les équipements portuaires vont pouvoir être réellement améliorés. Dans un premier temps, le maire, Gérard Mellier s’appuie sur les propriétaires des maisons du front urbain de la Fosse pour poursuivre le quai depuis la rue des Capucins jusqu’à la Chézine mais cette première solution ne donne pas satisfaction : le quai bâti est en réalité une succession de petites cales indépendantes qui ne se rejoignent pas toujours et n’ont donc d’utilité ni pour le port ni pour la population nantaise.

En 1736, Nicolas Portail, architecte-voyer de la ville, dresse donc le plan du premier quai unifié à la Fosse. Financé à 50% par la Ville sur les octrois que lui rapportent le passage des bateaux et à 50% par les propriétaires riverains, le nouveau quai s’élance vers la Chézine à partir de 1742. Quai unique ponctué à distance régulière de cales doubles à tablier haut ou de simples cales en tablier, cet équipement, terminé entre 1760 et 1780, commence à transformer le paysage rivulaire car il rétrécit le lit du fleuve de 20 mètres et surélève la ville d’1,65 mètre au-dessus du niveau d’étiage

 <i> Du quai de la Machine à celui du Sanitat </i>  , projet de quais

  Du quai de la Machine à celui du Sanitat   , projet de quais

Date du document : 04-04-1740

Dans la foulée du quai de la Fosse, la commune lance, en 1762, la construction du quai de l’Aiguillon avec pour volonté de ménager un espace de halage sur lequel les particuliers ne pourront plus empiéter.

Autour de 1780, Nantes propose ainsi au commerce maritime transatlantique une anse profonde aménagée et 1,6 km de quais à cales bordés d’entrepôts entre le Port-au-Vin et le quai d’Aiguillon.

Un port fluvial en déclin

Dans un mouvement inverse, le port fluvial commence à décliner. Entre 1644 et 1699, diverses descriptions rappellent que « le Port-Maillard, joignant le chasteau, un des plus beaux et commodes de cette ville, de tout temps immémorial destiné pour la charge et descharge des marchandises qui sortent de cette ville et qui arrivent, se trouve occuppé et rempli de terres, terriers, manis et fumiers, qui infectent ce lieu et causent une telle corruption qu'il peut en arriver de fascheux accidents et des malladies très dangereuses, outre que les habitants de la ville et faubourgs n'y peuvent librement passer ny mettre les marchandises d'ardoises, tuffeaux, carreaux, chaux et bois » et que le port Lorido - partie aval proche de la Poissonnerie - est presque démoli.

En outre, l’ensablement des abords rend l’ancien port principal inadapté au mouillage des bateaux. La décision de refaire le quai du Port-Maillard est prise en 1720 mais les travaux des cales ne sont adjugés qu’en 1731. Si ces chantiers participent évidemment au commerce portuaire, cette destination n’est plus prioritaire : à partir de 1720, la construction des quais du centre-ville (quai Brancas, Flesselles et Port-Maillard mais également quais des îles Feydeau, Gloriette et Madeleine) participe avant tout de l’expansion et de la rénovation urbaine. Construire des quais permet de gagner des terrains à urbaniser sur le fleuve, de mettre hors d’eau les édifices et de faciliter les déplacements urbains, leur utilisation quotidienne pour le commerce est presque secondaire. Les 2 kilomètres de quais construits dans le centre-ville sont colonisés par les lavandières et les dépôts de denrées destinées au marché nantais quotidien : bois de chauffage et de construction, foin, légumes, poissons sont donc débarqués.

Panorama de Nantes

Panorama de Nantes

Date du document : 18e siècle

À la fin du 18e siècle, le port de Nantes a évolué sous l’impulsion du commerce transatlantique pour devenir le premier port commercial de France et surtout, son premier port maritime. Avec 3,5 kilomètres de quais, il reste toujours divisé en deux parties mais ce n’est plus la ligne des ponts qui sépare les deux entités. La nouvelle répartition est conditionnée par les hauteurs d’étiage et les profondeurs adaptées aux évolutions de la construction navale maritime. L’anse du quai de la Fosse/quai d’Aiguillon concentre la totalité du commerce maritime. Les marchandises y sont déchargées par une corporation de portefaix très organisée et les cales tout d’abord dévolues à leur utilisateur principal se spécialisent peu à peu. Les grands négociants y stockent leurs biens avant de les vendre aux fabriques de transformation nantaises ou de les expédier vers le marché national intérieur. Les quais du centre-ville, quant à eux, sont majoritairement dévolus aux besoins de la vie quotidienne des Nantais et ils permettront essentiellement l’expansion de la ville.

Suite Aménagements portuaires aux temps modernes (4/7)

Julie Aycard, Julien Huon
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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