Équipements des quais
Outil de structuration de l’espace urbain et espace d’échange entre fleuve et terre, les quais sont également des espaces de travail. Pour permettre aux hommes de charger et de décharger les bateaux, de conditionner les marchandises et de les expédier, ces espaces ont besoin d’équipements qui créent une coupure visuelle avec le fleuve.
A partir du milieu du 19e siècle, l’équipement des quais de Nantes appartient, en majorité, à l’Etat et sa gestion est déléguée à la Chambre de Commerce. Il voisine avec quelques équipements privés érigés par des armateurs ou des marchands pour leurs propres besoins sur les parcelles qu’ils occupent. Loué à l’heure ou à la journée, l’équipement public génère une grande partie des rentrées pécuniaires du port. De ce fait, son entretien et son amélioration au fur et à mesure de l’évolution des techniques est un enjeu majeur pour la Chambre de Commerce et pour le service des Ponts et Chaussées.
Cinq grandes catégories d’équipement coexistent : des outils d’aide à la navigation, des outils d’aide au chargement et au déchargement, des espaces de stockage, des voies de circulation et de l’éclairage.
Les outils d’aide à la navigation
L’un des premiers engins mis à disposition des utilisateurs du port de Nantes est un treuil de halage. Décrit comme un « tour en bois », ce treuil, est peut-être de type « cage à écureuil » - une machine qui permet à quatre hommes de tirer des charges d’environ 2,2 tonnes - ou de type cabestan à tambour vertical.
La mention de ce treuil est rarissime au Moyen Âge même s’il est parfois nécessaire de tirer les bateaux, et ce jusqu’au 19e siècle, dans certaines villes comme Dinant qui est construite sur la rive opposée au chenal navigable de la Meuse. La présence de cet équipement répond à deux questions : comment solutionne-t-on l’arrêt brusque du chemin de halage occasionné par la muraille de la ville ? Comment est-il possible de passer les ponts à contre-courant sans utiliser de voiles (puisque les mâts sont rabattus), de rames (puisque les espaces entre les piles sont réduits à peau-de-chagrin par la présence des pêcheries) ou de halage ?
Les outils d’aide au chargement et déchargement des marchandises
Jusqu’au 19e siècle, le chargement et déchargement se font essentiellement à dos d’hommes. Ancêtre des dockers, la corporation des portefaix gère l’ensemble des charges et décharges des navires sur les quais de Nantes. Le développement du commerce renforce et multiplie la profession. Nantes est un entrepôt gigantesque et pour pouvoir être efficaces, les « quais », ou plutôt les cales, sont spécialisées. Les portefaix sont rattachés à une cale particulière et se spécialisent au fur et à mesure que le trafic du port s’intensifie. La profession retire une réelle fierté de ses qualifications et de son expérience.
Parallèlement à ces ouvriers, le port s’équipe d’outils mécaniques : en 1741, une grue à bras est bâtie dès la première phase de construction du quai de la Fosse.
  Du quai de la Machine à celui du Sanitat   , projet de quais
Date du document : 04-04-1740
Détruite à la fin du 19e siècle, elle est remplacée par des engins privés.
Gravure de l'entrée du port de Nantes
Date du document : 1850
Néanmoins, il faut attendre la fin du 19e siècle pour constater la multiplication et la diversification de ces outils concomitamment aux reconstructions ou améliorations des quais : grues à bras, grues à vapeur et bigues.
Port de Nantes : quais, grues et pont Transbordeur
Date du document :
Leur poids ne cesse d’augmenter jusqu’à ne plus pouvoir être soutenu par les piquets de pins qui sont généralement utilisés pour bâtir les quais.
Durant le 20e siècle, les besoins se diversifient et en 1916, les premières trémies ensacheuses avec bascule automatique ainsi que des bennes preneuses pour la manutention des céréales sont installées.
Navire bananier le   Kolente  , quai Saint-Louis
Date du document : 11-03-1935
Au fur et à mesure des années, le poids des marchandises augmentant, la capacité de levage des grues devient de plus en plus importante. En 1964, la Chambre du Commerce et de l’Industrie installe le colosse du port : une grue pouvant lever 60 tonnes construite par les établissements Joseph Paris.
Les espaces de stockage
Les quais en tant qu’interface de chargement et de déchargement des navires ont vocation à accueillir des marchandises qui stationnent plusieurs heures ou plusieurs jours. Si certaines d’entre elles peuvent rester à l’air libre, d’autres doivent être mises à l’abri qu’un hangar.
A partir du milieu du 18e siècle, les quais sont loués parcelle par parcelle comme espace de stockage à des entrepreneurs privés (armateurs, marchands, etc.). Certains locataires les couvrent de hangars, d’autres les ceignent simplement de palissades pour éviter les intrusions.
L’érection des hangars est généralement réalisée par les compagnies d’import-export comme Chevillotte qui effectue des transports vers Brest, Le Havre ou Dunkerque ; Légal qui a des lignes vers Bordeaux ; Flornoy dont les navires vont jusqu’en Espagne, ou enfin Hutchison qui relie Glascow et Liverpool. Leurs hangars mesurent généralement 10 mètres de long sur 7 mètres de large. Seule exception le hangar de la gare maritime du quai d’Aiguillon, construit par Compagnie des chemins de fer d’Orléans, qui fait 50 mètres de long sur 14 mètres de large.
Plan des nouvelles estacades, exhaussement des terres-pleins et renforcement pour voies de grues et voies ferrées
Date du document : 1937
Ainsi, il n’existe pas de hangars publics à Nantes avant la construction du quai des Antilles. En effet, à l’achèvement du quai, le service des ponts et chaussées entreprend la construction de plusieurs hangars dont la gestion est confiée à la Chambre de Commerce.
Plan du quai des Antilles, emplacement des hangars n°18, n°19, n°20, n°21
Date du document : sans date
Des années 1900 jusqu’à la destruction du dernier hangar du quai de la Fosse dans les années 1990, les quais du port maritime de Nantes sont continuellement encombrés de tas de bois, de fer, de charbon et équipés de hangars si imposants qu’ils bouchent la vue sur Loire jusqu’au second étage des immeubles du front urbain.
Plan actuel des quais des Antilles et quais Wilson
Date du document : 1948
Les voies de circulation
Dès les années 1860, l’espace de travail des quais est pourvu de rails à destination exclusivement des entreprises. Ces rails permettent la création de gares maritimes d’où les marchandises partent vers les deux grandes gares de Nantes – gare d’Orléans et gare de la Prairie-au-Duc – pour leur expédition dans tout le pays. La première gare maritime est celle du quai d’Aiguillon, puis une seconde est installée quai André Rhuys en 1900, enfin la dernière est créée quai des Antilles en 1905.
Enquête parcellaire pour l'établissement d'une estacade et d'une gare maritime sur la rive gauche
Date du document : 1896
Le transport ferroviaire depuis les gares maritimes entraîne plusieurs innovations. En 1917, des cabestans électriques pour la traction des wagons sont installés. En 1925, un transporteur monorail électrique est installé quai Wilson pour le transport de la pyrite et du phosphate destiné à la société Saint-Gobain, Chauny et Cirey.
Plan des voies de chemin de fer autour du hangar à bananes
Date du document : 1947
L’éclairage
L’éclairage du port est depuis le Moyen Age à la charge de la Ville de Nantes. Jusque dans les années 1850, l’éclairage du quai se fait à la torche ou à la lampe à huile. Le quai est rarement éclairé toute la nuit. Seules les catastrophes, comme la débâcle de 1830, incitent le capitaine du port à ordonner l’éclairage. La nuit, dans le noir quasi-complet, les quais sont donc des espaces de danger : accidents, larcins et fraudes sont communs. En 1864, des appareils d’éclairage au gaz sont placés sur les quais par l’administration municipale. Puis, l’éclairage électrique arrive peu avant la Première Guerre mondiale.
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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