Saupiquet
Saupiquet est de ces marques prestigieuses nées à Nantes, comme Amieux, Cassegrain, LU, BN ou Say. Pendant 128 ans, ce nom a rappelé le rôle pionnier et capital joué par la ville dans l’industrie de la conserve.
Né en 1849 à Jussac, Arsène Saupiquet est le fils d’un petit négociant et le descendant de plusieurs générations de marchands, négociants, ferblantiers, rabilleurs et chaudronniers. En 1872, il quitte son Cantal natal à l’âge de 23 ans pour s’installer à Nantes. Il y aurait réalisé son apprentissage dans l’usine de boîtes métalliques d’Alfred Riom. Il poursuit son initiation dans cette ville, matrice de la conserverie depuis 1824. En 1875, Arsène Saupiquet crée une société avec le conservateur Jean-Baptiste Jacquier, qui est dissoute en 1878. Fort de cette expérience, il fonde en 1877 sa propre entreprise en nom personnel rue de Crucy. À cette date, Nantes compte 24 conserveries dont dépendent 150 usines installées sur le littoral de Douarnenez aux Sables-d’Olonne.
La réussite d’Arsène est rapide. Face à la concurrence, il innove en inventant un système d’ouverture rapide des boîtes et en s’appuyant largement sur la publicité pour promouvoir ses boîtes de sardines Jockey-Club. En 1891, à la tête de six usines, il crée la Société anonyme des établissements Saupiquet, qui perd alors son caractère strictement familial. De nouveaux locaux sont érigés boulevard de Sébastopol. Mais dès la création de cette société, Arsène en perd le contrôle. Les rapports deviennent très vite conflictuels avec certains administrateurs, ce qui l’amène à quitter l’entreprise. Le groupe, qui dépend d’une banque parisienne, réagit à la crise de la sardine du début du siècle, en multipliant d’une part les implantations en Afrique du Nord et à Madagascar, ainsi qu’au Portugal, en diversifiant d’autre part sa production par la mise en boîtes de thon, de légumes, de viande.
Carte-réclame des conserves Saupiquet
Date du document : fin du 19e siècle
À partir de 1955 Saupiquet, deuxième affaire française de conserve de poisson et de légumes, s’engage dans le regroupement de vingt entreprises familiales nantaises. L’initiative de cette concentration revient à son directeur, Henri Polo, l’un des derniers héritiers de la bourgeoisie industrielle nantaise du 19e siècle, fils d’un armateur allié familialement aux Cossé et Dubigeon. Après l’intégration de Cassegrain en 1966, Saupiquet est la seule entreprise de conserverie encore présente à Nantes. Elle subit à son tour les effets de l’intégration européenne et de la mondialisation. Elle est rachetée en 1985 par la Compagnie mixte de navigation, qui la vend en 2000 au groupe italien Bolton. Recentrée sur la conserve de poisson, l’entreprise ferme de nombreux sites de production. Les 2 000 salariés de 1998 ne sont plus que 542 en 2005, dont 80 pour le siège social de Nantes, qui ferme alors dans une certaine indifférence. L’entreprise rompt les amarres avec son port d’attache ; la marque subsiste, mais la référence à Nantes disparaît. Restent alors le patrimoine et l’histoire.
Aujourd’hui Saupiquet est pour le plus grand nombre des consommateurs une simple marque à l’origine sans doute inconnue. Pour les Nantais, pour tous les visiteurs du Musée d’histoire de Nantes, qui peuvent retrouver ou découvrir boîtes anciennes, affiches, supports publicitaires, ce nom évoque un long cycle industriel qui a fait la notoriété de la ville dans le monde entier.
Didier Guyvarc'h, Laurent Venaille
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018 (mis à jour en 2023 sur la base de recherches menées par Laurent Venaille)
(droits d'auteur réservés)
Album « Saupiquet »
En bref...
Localisation : Evellin (rue François) 14, NANTES
Date de construction : 1848
Auteur de l'oeuvre : Fraboulet, Mathurin (architecte)
Typologie : architecture industrielle
En savoir plus
Bibliographie
Fiérain Jacques, « La restructuration de la conserverie à Nantes », Enquêtes et Documents, n°4, 1978, p. 207-272
Fiérain Jacques, « Saupiquet et les crises de la conserve (1877-1945) », Enquêtes et Documents, n°5, 1980, p. 193-240
Fiérain Jacques, « Saupiquet et l'industrie du thon en Afrique noire (1956-1979) », Enquêtes et Documents, n°6, 1981, p. 171-216
Guyvarc'h Didier, « Saupiquet », Place publique Nantes Saint-Nazaire, n°14, mars-avril 2009, p. 58-59
Rochcongar Yves, « Saupiquet, Pierre Gérard Arsène », dans Capitaines d’industrie à Nantes au 19e siècle, MeMo, Nantes, 2003, p. 301-3024
Rouzeau Marie (dir.), Conserveries en Bretagne : l'or bleu du littoral, actes du colloque, Loctudy, Institut culturel de Bretagne, septembre 2005, Coop Breizh, Spézet, 2007
Pages liées
Ancienne chocolaterie de la Compagnie Nantaise des Chocolats
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Contributeurs
Rédaction d'article :
Didier Guyvarc’h
Enrichissement d'article :
Laurent Venaille
Anecdote :
Anaïs Mailet
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