Amieux
« Notre devise est comme notre nom : “Toujours A…mieux” ». Ce slogan publicitaire, inscrit depuis la fin du 19e siècle sur une fourchette en forme de sardine, est le symbole de la réussite industrielle et commerciale d’une conserverie nantaise restée familiale jusqu’en 1967.
Maurice Amieux (1807-1865) est à l’origine de cette dynastie. Ce fils d’un aubergiste des Alpes est négociant en produits alimentaires à Rennes en 1850 ; il crée une confiserie de sardines à Étel en 1852 et s’installe en 1856 à Nantes, ville qui fait alors figure de capitale de la conserverie. Deux de ses fils, Émile et Jean-Maurice, fondent en 1866 la société en nom collectif Amieux Frères ; les conserves sont produites dans l’usine rue Haudaudine, plus tard à Chantenay. Le développement est rapide : en 1878 la société possède cinq usines en Bretagne et en Vendée. À partir de 1881, la raréfaction de la sardine impose un redéploiement vers le Portugal et une diversification des productions : conserves de thon, de viande, et surtout de légumes, qui s’appuient sur l’activité maraîchère nantaise. En 1908, Amieux produit 18 millions de boîtes dans douze usines qui emploient 4 000 ouvriers.
Affiche publicitaire Amieux-Frères
Date du document : 1899
Ses dirigeants, influents dans la ville, pratiquent un paternalisme affirmé. Dès 1917, ils créent le parc de la Chaumière à Chantenay pour accueillir l’été les enfants des ouvrières. Louis Amieux, petit-fils du fondateur, fonde une revue mensuelle, Nantes social, dans laquelle sont décrits les taudis et les œuvres sociales de Nantes.
Cueillette des petits pois devant l'une des usines Amieux-Frères
Date du document : 20e siècle
Les frères Amieux font figure de précurseurs dans la mise en valeur du patrimoine industriel nantais. En 1923, Louis et Maurice Amieux rachètent l’ancienne fabrique de conserves que Joseph Colin avait créée en 1824 rue des Salorges. Ils transforment ce lieu en un musée industriel et maritime. Légué à la ville, le Musée des Salorges, endommagé par les bombardements en 1943, est transféré au Château des ducs, puis ses collections nourrissent le nouveau Musée d’histoire de Nantes. En 1963, la ville attribue le nom des frères Amieux à une rue de Roche-Maurice malgré le vote négatif des conseillers municipaux communistes.
Affiche publicitaire pour les sardines Amieux-Frères, chromolithographie
Date du document : 1902
Devenue société anonyme en 1925, Amieux Frères reste, malgré son statut juridique, une affaire familiale. En 1967, la quatrième génération tient encore les rênes de l’entreprise, mais elle ne peut faire face à la concentration en marche et doit vendre 85% de ses parts à la coopérative d’Ancenis : c’est alors la plus importante transaction jamais réalisée à la Bourse de Nantes.
La plumée des oies pour le cassoulet, Usine Amieux, vers 1900
Date du document : 1913
C’est aussi la fin d’un symbole du capitalisme industriel familial nantais. Une autre histoire commence. En 1969, la production cesse à Nantes au profit d’Ancenis. En 1974, la coopérative vend à son tour Amieux au groupe Buitoni, qui ferme toutes les usines mais conserve la marque. Cette transaction confirme alors la notoriété d’un nom devenu, grâce à une très précoce stratégie publicitaire, symbole de qualité. Aujourd’hui, la marque n’appartient plus au monde des affaires mais au patrimoine.
Didier Guyvarc'h
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Bonnault-Cornu, Phanette de, « Les conserveries nantaises, moteur du développement industriel de l’ouest au 19e siècle », dans Croix, Alain (dir.), Nantes dans l’histoire de la France, Ouest éd., Nantes, 1991, p. 135-147
Comme des sardines en boîte. L’industrie nantaise des conserveries alimentaires et industries annexes aux 19e et 20e siècles, catalogue d’exposition, Musée du Château des ducs de Bretagne, Nantes, 1991
« La famille Amieux et le Musée des Salorges », Cahiers des Salorges, n°8, sans date
Pinson Daniel, Chantenay : l'indépendance confisquée d' une ville ouvrière, Arts-Culture-Loisirs, Nantes, 1982
Rochcongar Yves, « Les fabricants de conserves alimentaires à Nantes », dans Rouzeau, Marie (dir.), Conserveries en Bretagne : L'or bleu du littoral, actes du colloque, Loctudy, Institut culturel de Bretagne, septembre 2005, Coop Breizh, Spézet, 2007, p. 12-17
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Rédaction d'article :
Didier Guyvarc'h
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