Cassegrain
Le lapin blanc a remplacé en 1970 Mélanie la Bretonne sur les boîtes de conserve, mais la marque Cassegrain est toujours là, signe de la notoriété d’une marque déposée par Charles Cassegrain sous le Second Empire.
Portrait de Léopold Cassegrain, maire de Nantes
Date du document : 20e siècle
Comme la majorité des conserveurs nantais du milieu du 19e siècle, il n’est pas originaire de la région. Il est né en 1831 dans le Loiret, dernier d’une famille de douze enfants. À 13 ans, il est apprenti charcutier à Paris, puis gagne Nantes en 1850. Il fonde en 1856 une entreprise de salaisons et conserves au Fresne-Rond à Saint-Sébastien-sur-Loire, dans la banlieue nantaise. Le succès est rapide ; dès 1861, il reçoit un diplôme, délivré par l’impératrice Eugénie, attestant la qualité de ses conserves, présentées six ans plus tard à l’Exposition universelle de Paris. Cassegrain participe à « l’arc de la sardine » sous influence nantaise par la création d’usines à Saint-Guénolé dans le Finistère, à Croix-de-Vie et à l’Herbaudière en Vendée.
« Fils de ses œuvres », Charles Cassegrain est dès la fin du Second Empire l’homme le plus riche de la commune de Saint- Sébastien. Son fils, Léopold, participant officiellement à l’entreprise depuis 1896, hérite à sa mort d’une société au capital, essentiellement familial, de 600 000 francs. Léopold s’associe à son cousin Maurice Garnier. L’entreprise connaît un nouvel essor, une usine est créée en 1904 à Concarneau, et fait appel à des affichistes de renom pour concevoir sa publicité. Eugène Ogé dessine le personnage de la Bretonne Mélanie qui identifie les conserves Cassegrain jusqu’en 1959 ; il utilise aussi l’actualité pour vanter les mérites des produits de son commanditaire : en 1905, une affiche évoque la livraison de conserves aux troupes russes à Port-Arthur lors de la guerre russo-japonaise.
Affiche de ravitaillement de Port-Arthur par les conserves Cassegrain
Date du document : 1904-1905
Si Charles a accumulé le capital financier, son fils Léopold ajoute le capital social. Il fait figure de notable ; en 1911, son cousin Garnier et lui sont les seuls à Saint-Sébastien à posséder une automobile de luxe, une Delaunay-Belleville de 15 CV et une Panhard-Levassor. Surtout il se lance dans la politique. Républicain, il siège au Conseil municipal de Nantes dès 1900. Adjoint pendant vingt et un ans, il est élu maire en 1929 à la tête d’une liste radicale. Durant son mandat, il poursuit les grands travaux engagés par Paul Bellamy, en particulier le détournement de l’Erdre et l’aménagement de la place de la Duchesse Anne. C’est une ville en plein chantier qu’il fait visiter au président de la République, Gaston Doumergue, en 1930. Son nom est donné à une rue du centre-ville en 1961, vingt ans après sa mort.
Facture à en-tête de la maison Cassegrain de Nantes
Date du document : 30-12-1918
Pour se consacrer à la vie politique, Léopold avait cédé les parts de l’entreprise aux deux frères Garnier en 1913. Mobilisés pendant la Grande Guerre, ils sont remplacés par leurs épouses. L’entreprise résiste mieux que d’autres à l’interdiction des exportations car elle fournit à l’armée des conserves de viande, le « singe ». L’expansion se poursuit dans l’entre-deux-guerres, Cassegrain dispose en 1930 de 27 marques déposées, de Pilot club à Überall für alle qui montrent l’importance des exportations. En 1938, le capital de la société est double de celui de 1902 et reste familial.
Dans le grand mouvement de concentration des années 1960, Cassegrain est achetée en 1966 par Saupiquet, qui revend la marque à Bonduelle en 1989. La production a quitté Nantes pour la Picardie. Le lapin blanc a définitivement éclipsé la Bretonne.
Didier Guyvarc'h
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d’auteurs réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Bonnault-Cornu Phanette de, « Les conserveries nantaises, moteur du développement industriel de
l’ouest au 19e siècle », dans Croix, Alain (dir.), Nantes dans l’histoire de la France, Ouest éd., Nantes, 1991, p. 135-147
Comme des sardines en boîte. L’industrie nantaise des conserveries alimentaires et industries annexes aux 19e et 20e siècles, catalogue d’exposition, Musée du château des ducs de Bretagne, Nantes, 1991
Fiérain Jacques, « La restructuration de la conserverie à Nantes », Enquêtes et Documents, n°4, 1978, p. 207-272
Rochcongar Yves, « Cassegrain, Charles Philippe Léopold », dans Capitaines d’industrie à Nantes au 19e siècle, MeMo, Nantes, 2003, p. 152-153
Rochcongar Yves, « Les fabricants de conserves alimentaires à Nantes », dans Rouzeau, Marie (dir.), Conserveries en Bretagne : l'or bleu du littoral, actes du colloque, Loctudy, Institut culturel de Bretagne, septembre 2005, Coop Breizh, Spézet, 2007, p. 12-17
Pages liées
Tags
Contributeurs
Rédaction d'article :
Didier Guyvarc'h
Vous aimerez aussi
Bus
Architecture et urbanismeDans les années 1920, l’autobus apparaît comme un moyen de transport moderne et d’utilisation plus souple que le tramway auquel il sert d’appoint. En 1924, la CTN, Compagnie des tramways...
Contributeur(s) :Jean-Pierre Branchereau
Date de publication : 25/02/2019
3471
Les plus anciens Nantais se souviennent d’un magasin Raab Sports situé au 24 rue Racine, en face alors du cinéma L’Apollo. Jusqu’au milieu des années 1980, il était une référence, notamment...
Contributeur(s) :Denis Roux
Date de publication : 28/08/2023
1282
Gérard Mellier (1674-1729)
Personnalité nantaiseC’est après le décès de son père que Gérard Mellier vient à Nantes où il s’intègre grâce au réseau relationnel de son oncle, le financier Nicolas Ballet. Officier royal des finances...
Contributeur(s) :Guy Saupin
Date de publication : 20/01/2020
2291