Pont de Pirmil (4/4)
Achevé en 1745, l’oeuvre de Jacques-Ange Gabriel remplit son office pendant tout le 19e siècle.
Un pont ancré dans la modernité
Vers 1860, le pont de Pirmil fut légèrement modifié par la stabilisation du trait de rive de l’îlot de Vertais et l’exhaussement de l’îlot par le service des Ponts et Chaussées. À cette occasion un mur de confortement, toujours en place aujourd’hui est érigé de part et d’autre du pont. Un nouveau massif de culée est aménagé, et une cale est mise en place en aval du pont.
Mur de soutèment et cale au pont de Pirmil
Date du document : 22-02-2018
La rive amont reste en grève naturelle à laquelle ont accède par des escaliers. Ces travaux détruisent les deux dernières piles du pont, anciens vestiges de l’ouvrage du 16e siècle. Une petite passerelle métallique relie alors l’ouvrage de Gabriel au massif de culée.
Pont de Pirmil
Date du document : 1887
À la suite de ces aménagements, les rails de tramways furent installés ainsi que des poteaux de bois pour accrocher les câbles électriques nécessaires à leur circulation. Après avoir fait traverser charrettes et carrosses, le pont du 18e siècle fait passer d’une rive à l’autre tramways, voitures et piétons.
En 1921, les Ponts et Chaussées dynamitent les vestiges sud du pont du 16e siècle et les maisons bâties dessus de peur que ces ouvrages ne s’écroulent sur le pont en service. L’opération se déroule sans dommage pour l’ouvrage du 18e siècle.
La fin du pont de Gabriel
Trois ans plus tard, le 26 mai 1924, l’arche médiane, fragilisée par les dragages intensifs qui ont favorisé l’érosion du lit, s’écroule, entraînant dans sa chute sa voisine nord.
Écroulement du pont de Pirmil
Date du document : 26-05-1924
Pour éviter les désagréments d’une interruption de la circulation dont la durée est difficile à déterminer, le 6e régiment du Génie cantonné à Angers installe, en cinq jours, un pont de bateaux en amont de Pirmil.
Cet ouvrage de substitution est constitué d’un tablier de bois fixé à une enfilade de barques. Ce tablier constitue une voie centrale d’environ 3 mètres de large dédiée aux voitures et aux charrettes. Celles-ci circulent en sens unique : l’obligation d’alterner les flux, ralentit d’autant le trafic. De part et d’autre de cette voie, deux passerelles pour piéton, larges d’environ 1 mètre, sont fixées aux extrémités des barques.
Cette solution provisoire permet aux voitures et piétons de traverser mais a l’inconvénient de bloquer la circulation fluviale sur le bras sud de la Loire. Pour les navigateurs, ce désagrément s’ajoute à ceux causés par le comblement des bras nord de la Loire : en 1924, seul bras de la Madeleine permet de rejoindre la partie fluviale de la Loire depuis le port.
En 1925, une passerelle de type Pigeaud est installée sur la brèche du pont. La circulation – en particulier celle des tramways – est à nouveau possible sur le pont de Pirmil.
De la pierre au métal
Dans la foulée, un pont-route métallique de 228 mètres de long est mis en œuvre par les établissements Daydé – un des grands établissements de construction métallique dont les ateliers sont alors situés à Creil. Bertrand de Fontviola, ancien centralien, dirige les études. Le projet arrête le choix d’une structure de poutre d’acier en treillis formant des porte-à-faux à partir des piles centrales : un pont de type cantilever à charpente métallique rivetée.
Pont de Pirmil
Date du document :
Deux piles en béton de plan ovale sont coulées dans le lit du fleuve. Elles soutiennent la structure en treillis d’acier riveté aux sablières légèrement courbes au-dessus de laquelle un posé le tablier. Le pont a trois travées : les sections latérales entre les piles et les rives mesurent environ 60 mètres ; la section centrale avoisine les 110 mètres. Grâce aux qualités structurelles de l’acier, le pont de Pirmil s’extrait au maximum des contraintes du fleuve, et devient plus stable.
Son tablier est soutenu par six fermes longitudinales de 3 mètres d’entraxe. Au droit des culées, chaque ferme repose sur les maçonneries par l'intermédiaire d'un appareil d'appui à balancier et à rouleaux. La travée cantilever s'appuie sur des bielles à ses deux extrémités. Pour éviter les risques de soulèvement des fermes sur les culées, deux contrepoids en béton armé d'environ 100 tonnes sont disposés à chaque extrémité́ du tablier métallique.
La structure métallique est surmontée d'un hourdis béton d’une épaisseur de 16,5 centimètres. Qui sert de support à la chaussée posée sur un lit de sable. De garde-corps en fonte, haut de 90 centimètres, bordent l’ensemble.
Le trait est simple, l’esthétique épurée : les Ponts et Chaussées – maître d’ouvrage – n’ont pas tenu compte des propositions d’Étienne Coutan visant à mettre en place des haubans sur piliers de pierre pour magnifier le pont.
Pont de Pirmil effondré et sa passerelle provisoire
Date du document : 16-08-1944
Ce nouveau pont construit légèrement en amont adopte un nouvel axe : Pirmil s’aligne avec le pont de la Madeleine afin de pouvoir à moyen terme créer un axe de communication direct entre les deux ponts.
Une fois, le nouveau pont créé, les Ponts et Chaussées entérinent la démolition de l’ouvrage du 18e siècle. Celle-ci est lancée en 1926 concomitamment à celle du vieux pont de la Madeleine. En une année à peine, le pont que Nantes avait mis 34 ans à construire disparut.
Nouvelle rupture de la ligne des ponts en 1944
Dix-sept ans après sa mise en service, le 12 août 1944, le pont métallique est dynamité par l’armée allemande protégeant sa retraite : triste rappel de l’époque médiévale, la ligne des ponts est interrompue pour la seconde fois en vingt ans. Reprenant la solution éprouvée du pont de bateaux, un pont flottant provisoire est mis en place. Celui-ci est réservé aux piétons et aux cyclistes. Comme au Moyen Âge, un service de passage en barque entre la Prairie d'Aval et la rue Dosdane est mis en place.
Pont de Pirmil
Date du document : début du 20e siècle
Dès le mois de septembre 1944, un pont provisoire en bois est mis en place en aval. Construit sur des piliers en treillis de bois, il mesure 286 mètres de long sur 6 mètres de large. Étroit et glissant les jours de pluie, ce pont est ouvert le 17 mars 1945.
En 1946, les travaux de rétablissement du pont sont lancés. Les travées nord et sud intactes sont sauvegardées. La travée centrale brisée est refaite à l’identique. Le pont rétabli est inauguré le 27 septembre en 1947.
Face à l’intensification du trafic routier, il est décidé de doubler le pont de Pirmil par un pont de béton étroit. Les travaux sont lancés en 1985 et le pont se termine en 1987. Il n’est toutefois pas mis en service. En 1989, le pont de béton est intégré dans le trajet de la nouvelle ligne de tramway (ligne 2) qui n’ouvre qu’en 1994. Sept ans après sa construction, le second pont est enfin mis en fonction.
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
Album "Pont de Pirmil"
En bref...
Typologie : architecture civile publique et génie civil
En savoir plus
Bibliographie
Caraës Jean-François, « La disparition des vestiges de l'ancien pont de Pirmil », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°148, 2013, p. 259-273
Dantin Ch., « Constructions métalliques : le nouveau pont-route métallique de Pirmil, sur la Loire, à Nantes », Le Génie civil : revue générale hebdomadaire des industries françaises et étrangères, Tome 90, n°15, 47e année, n°2330, 9 avril 1927, p. 353-356
Lazard R., « Travaux publics : la démolition des anciens ponts en maçonnerie de Pirmil et de la Madeleine, à Nantes », Le Génie civil : revue générale hebdomadaire des industries françaises et étrangères, Tome 59, n°19, 51e année, n° 2569, 7 novembre 1931, p. 476-480
Rousteau-Chambon Hélène, « Le pont de Pirmil au 18e siècle et l'Académie royale d'architecture », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°136, 2001, p. 163-178
Véronneau Frédéric (dir.), « Le pont de Pirmil », dans Les ponts de Nantes d'hier et d'aujourd'hui, Coiffard, Nantes, 1995, p. 63-69
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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