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Jean-Baptiste Daviais (21 juillet 1878 – 9 janvier 1945) ASPTT Salle Georges-Ovinet

1506

Île de la Prairie-au-Duc


La Prairie-au-Duc fait face au quai de la Fosse au nord et est bordée par les eaux profondes et rapides de la Loire à l’ouest. Entre 1840 et 1920, les travaux de construction des quais, de comblements des boires et d’exhaussement des sols rendent l’île habitable et déplacent le cœur du port de Nantes.

Carte Ile de la Prairie au Duc au 18e siècle

Carte Ile de la Prairie au Duc au 18e siècle

Date du document : 02/2021

Une île enclavée et délaissée 

Jusqu’à la Révolution, la majeure partie de l’île de la Prairie-au-Duc est inculte et appartient à l’Hôtel-Dieu de Nantes.

Plan des îles de la Loire situées à l’ouest de la ligne des ponts

Plan des îles de la Loire situées à l’ouest de la ligne des ponts

Date du document : Fin du 18e siècle

En 1794, l’île est divisée en sept lots « par une grande rue de 30 pieds de large d’est en ouest, trois rues de mêmes dimensions traversant perpendiculairement la première et allant du nord au sud ». Les terrains sont vendus et, la Ville n’ayant pas créé les rues, les espaces qui auraient dû être dévolus à la voirie sont absorbés par les propriétaires. 

Plan de la Prairie-au-Duc

Plan de la Prairie-au-Duc

Date du document : 1799

La délimitation définitive des rues n’a lieu qu’en 1833. En 1834, pour éviter de nouvelles usurpations du domaine public, 542 peupliers sont plantés le long des quatre voies principales. Néanmoins, les communications entre la Prairie-au-Duc et la ligne des ponts restent précaires. En 1837, il n’existe qu’un chemin qui a été ouvert aux frais de quelques habitants en achetant et faisant abattre les maisons qui séparaient l’étier de Toussaint de la ligne des ponts. Cette voie submersible est impraticable une grande partie de l’année.

Des aménagements motivés par des besoins économiques 

La nécessité de conserver les revenus communaux liés à la présence des industries, et en particulier aux chantiers de construction navale, favorise l’inclusion de la Prairie-au-Duc dans le dispositif portuaire puis son urbanisation.

En effet, faute de place, les industriels commencent vers 1830 à s’installer sur les rives de la commune de Chantenay, et les revenus de l’octroi diminuent. En 1838, le déplacement des chantiers de construction navale sur la rive nord de l’île est acté. Les rives appartenant à l’État, les Ponts et Chaussées sont chargés en 1839 de l’adaptation des rives aux besoins des chantiers. En 1845, un plan incliné, des rues, des cales publiques et des clôtures nécessaires pour le service et la sûreté des ateliers ont été bâtis : dans la foulée, les bassins sont mis en œuvre par une société privée.

Projet d'aménagement du rivage pour l'établissement des chantiers de construction navale

Projet d'aménagement du rivage pour l'établissement des chantiers de construction navale

Date du document : 1839

A partir de cette date, de nombreuses entreprises s’implantent peu à peu et de nouvelles rues sont percées. Les nouveaux quartiers qui en résultent modifient les limites du port. De 1844 à 1866, cette limite est fixée à la rue Alain Barbe Torte avant d’être remplacée par une ligne joignant l’octroi de la Prairie de Mauves à l’octroi de Pirmil.

Plan des nouveaux quartiers de la Prairie-au-Duc

Plan des nouveaux quartiers de la Prairie-au-Duc

Date du document : vers 1859

Les quais Hoche et André Rhuys

Le travail de consolidation de l’île commence par la construction du quai Hoche et du quai André Rhuys entre 1860 et 1880. Jusque-là, les rives de l’île sont enrochées ou laissées en grèves naturelles.

Photographie de la rive nord de la Prairie-au-Duc

Photographie de la rive nord de la Prairie-au-Duc

Date du document : vers 1890

Le quai Hoche possède une double cale en tablier pour les bateaux et se poursuit par une cale douce qui permet l’abord des gabarres. Il permet de mettre hors d’eau les habitations autour de la ligne des ponts. A l’aube des années 1880, le quai André Rhuys est un perré taluté discontinu ponctué d’escaliers. Il est terminé en 1886 par la construction d’une cale en pente douce.

Lancement des travaux du quai André Rhuys

Lancement des travaux du quai André Rhuys

Date du document : 05-08-1898

En 1890, il est envisagé de créer sur le quai André Rhuys une première gare maritime qui relierait les bassins de l’île à la gare de l’État. Le projet déclaré d’utilité publique en 1896 s’engage avec la création d’une estacade en bois sur la rive nord (actuel quai Mitterrand) dont la réalisation est adjugée à l’entreprise Taillebourg, établie à Bordeaux. Cette entreprise ayant fait défaut, l’estacade sera réalisée par l’entreprise nantaise Ducos. Elle est terminée en 1900.

Avant-projet de gare maritime sur le quai André Rhuys, profil type du quai

Avant-projet de gare maritime sur le quai André Rhuys, profil type du quai

Date du document : 1894

Le quai des Antilles 

Dans la dernière décennie du 19e siècle, il apparaît clairement que le trafic maritime s’effectue en majorité dans la partie occidentale du port, entre l’extrémité orientale du quai de la Fosse, le quai des constructions et la Prairie-au-Duc. Afin de profiter des profondeurs existantes à la pointe de la Prairie-au-Duc, il est décidé de créer un quai vertical et une estacade pour permettre le déchargement de navires de gros tonnage. 

Les études sont lancées en 1898 et le projet est déclaré d’utilité publique en 1900. Sa réalisation est adjugée à l’entreprise Ducos, concessionnaire Hennebique. En avant du quai vertical, une estacade en bois – sapin rouge de Prusse – est mise en place. Mais en cours de travaux, la Chambre du commerce informe l’administration qu’elle souhaite installer de nouvelles grues électriques de 30 tonnes. Il apparaît rapidement que l’estacade en bois ne pourra soutenir ce poids. Le service des Ponts et Chaussées propose donc de construire l’estacade en béton selon le système Hennebique. En 1903, trois ans avant la circulaire du 20 octobre 1906 qui pose les fondements de l’utilisation du béton armé en France, le ministre approuve la substitution du béton armé au bois pour la construction du quai des Antilles. Une expérience est menée sur 30 mètres de long. L’estacade sera entièrement reconstruite en béton Hennebique en 1922.

Quai des Antilles vu depuis le quai Ernest Renaud

Quai des Antilles vu depuis le quai Ernest Renaud

Date du document : 16-08-1944

Le quai Wilson

Le nouveau quai entame également une jonction entre la Prairie-au-Duc et l’île Sainte-Anne. La boire de Toussaint qui les séparait est dérivée et en partie comblée. L’île Sainte-Anne, par sa situation géographique et ses vastes terrains vierges, attire les investisseurs et fait l’objet d’une spéculation.

En 1905, tous les crédits alloués à la construction du quai des Antilles n’ayant pas été consommés, la Chambre de commerce demande le prolongement du quai sur la rive sud de l’île Sainte-Anne. Dès 1913, les travaux d’un quai sur voûtes en béton partant de la pointe de l’île sont commencés par l’entreprise Perchot, Bonnardel et Léonard. Les besoins sont tels que la construction du nouveau quai Wilson est suivie en 1917 par l’adjudication à l’entreprise Dodin des travaux d’un quai sur pieux de 164 mètres qui doit rejoindre la dérivation de la boire de Toussaint.

Mais, en pleine guerre, ces travaux subissent de plein fouet la pénurie de main-d’œuvre. En 1918, le gouvernement alloue au port de Nantes des travailleurs « exotiques » chinois et marocains et des camps sont construits sur l’île. Parallèlement, des prisonniers de guerre sont également employés au remblaiement de la boire. En 1920, l’entreprise Perchot et Bonnardel emploie ainsi 52% d’ouvriers étrangers dont 23 soldats russes pour terminer le quai sur voûtes. Quant au quai sur pieux, les travaux ne sont repris qu’en 1925 et adjugés à la société Nord France, établie à Lille.

Des prisonniers allemands travaillant au remblai de la boire de Toussaint

Des prisonniers allemands travaillant au remblai de la boire de Toussaint

Date du document : 1917

L’intégration de la Prairie-au-Duc au tissu urbain 

La construction des quais permet de s’attaquer à l’affermissement de l’île et à son urbanisation. En 1904, le comblement du canal Pelloutier qui n’est plus qu’un déversoir pour les eaux sales et toxiques des entreprises riveraines est ordonné ; suivi, en 1909, par celui des canaux « Nord-Sud » et « Est-Ouest » : ceux-ci sont alors tellement encombrés par les sables que les gabarres ne peuvent plus y entrer à certaines marées. L’île cesse d’être un espace fluvial uniquement dévolu au port et à l’industrie pour devenir un lieu pleinement intégré dans l’espace urbain.

Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021

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En savoir plus

Bibliographie

Lelièvre, Françoise, « Une île en six tableaux », dans Place publique, n°4, 2007

Lelièvre, Françoise, « De l’industrie sur la prairie », dans L’archéologie industrielle en France, CILAC, n°41, décembre 2002, pp. 6-13

Lelièvre, Françoise, « Entre deux rives et entre deux eaux, l’invention d’un territoire : l’île de Nantes », dans Estuaire, 2015

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Dossier : Aménagement du fleuve et des rives de Loire

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Chantier naval Ile de Nantes Port Quai Île

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Rédaction d'article :

Julie Aycard

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