Marionnettes
Le succès du marionnettiste forain, d’origine italienne, Domenico Segalea est attesté, dans les archives nantaises, dès avril 1648. En ville, il fait « palque » comble - espace clos entre bâches à ciel ouvert – et en remontre à un certain Molière, qui joue, alors, dans une salle de la rue Saint-Léonard, La Jalousie du Barbouillé.
Parmi nombre d’autres, Le Petit Théâtre de Lucas plante son castelet quai de la Fosse le 18 Ventôse an VII (8 mars 1799), Le Théâtre de Fantôches, le sien, place Bretagne en 1801, Le Théâtre de l’Enfer, en 1887, fait de même…
Cette vogue de spectacles de marionnettes foraines en plein air ne se dément pas pendant plus de deux siècles. Les histoires qu’on y raconte (drames romantiques, farces, railleries, critiques sociales), l’illusion créée entre la source vocale et le sujet manipulé, les effets de mise en scène, les héros populaires révoltés, enflammés ou sans vergogne, emportent le public. Que l’on considère, encore aujourd’hui, l’attrait qu’a pu susciter, à la télévision, le retour de marionnettes comme celles des « Guignols de L’Info » !
Porté par cet engouement s’ouvre, en 1832, rue du Calvaire, dans un local précaire mais permanent et couvert, le célèbre Théâtre Rikiki, dont plusieurs marionnettes sont heureusement conservées dans la collection du costumier Peignon. Ses propriétaires y feront fortune.
Un siècle plus tard, en 1938, les marionnettes font leur retour à Nantes, cours Saint-Pierre, dans une baraque en planche, Le Théâtre Guignol, inspirée du parisien Guignol du Luxembourg. Margueritte et Edgar Créteur, enfants de la balle, chassés de leur théâtre de plein air ambulant par l’arrivée du cinéma parlant jusque dans les plus modestes villages, héritiers d’une lignée de marionnettistes roubaisiens, renouent avec leur savoir-faire familial. Ils reprennent le répertoire lyonnais, celui de Guignol, archétype malicieux de l’homme du peuple dont il porte la parole et propose, jusqu’à la fermeture de la baraque en 1966, des créations d’Edgar, avec des poupées « à gaine ». Le cinéaste Jacques Demy assure y avoir, enfant, « appris à raconter des histoires ».
Marionnettes jouant  Le Loup et le Petit Chaperon rouge 
Date du document : 03-02-2010
À son tour, leur fille, la comédienne Monique Créteur, née pendant une représentation à Vertou dans la banlieue nantaise, enrichit, à son tour, le legs. Elle crée « La Compagnie des marionnettes de Nantes », change de registre et élargit son public avec Le guignol au gourdin de Lorca, représenté dans la cour d’un hôtel particulier de l’île Feydeau en 1969, puis avec Les fourberies de Scapin, Le Barbier de Séville, mis en scène par Georges Vitaly, ou encore expérimente l’approche d’une démarche brechtienne appliquée au castelet, dans son Petit Théâtre installé dans l’ancien palais nantais du Champ de Mars. Elle gagne la consécration avec La Belle et la Bête, adapté de Cocteau, donnée au Centre national des marionnettes en 1976. Vingt ans plus tard, elle fonde « La Maison de la marionnette » qui trouvera à se loger dans la galerie marchande de Beaulieu. Elle y donnera toujours, jusqu’en 2014, Guignol au Pôle Nord mais aussi Ubu Roi et Pierre et le Loup.
On peut souhaiter la venue d’une relève pour donner place à cet héritage car Monique Créteur aura participé pleinement à la transmission d’un patrimoine théâtral d’où sont issues aussi d’autres marionnettes nantaises : celles géantes, à fils et urbaines, de Royal de Luxe.
Marc Grangiens
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Guidet Thierry, « Une brève histoire du théâtre à Nantes/Saint-Nazaire », Place publique Nantes Saint-Nazaire, n°48, novembre-décembre 2014, p. 23-26
Lebeau Bernard, « Des marionnettes au théâtre. De “riquiqui” aux “Variétés" : la famille Leroux à Nantes au 19e siècle », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°136, 2001, p. 237-263
Pajot Stéphane, « Du théâtre Chabot aux marionnettes des Créteur », 303 : arts, recherches et créations, n° 86, juin 2005, p. 102-107
Richard Bernard, « Les marionnettes à Nantes, cinquante ans après », 303 : arts, recherches et créations, n°19, 1988, p. 8-15
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Marc Grangiens
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