Habitat des bords de Loire : les évolutions des 19e et 20e siècles (2/3)
Si les exemples d’habitat adapté aux crues sont encore visibles aujourd’hui, c’est à cause de leur situation topographique qui n’a pas permis de remblayer les zones sur lesquelles ils ont été bâtis. Pour le reste de la centralité urbaine, les anciennes îles ou les rives ont été surélevées de 6 mètres par rapport à l’étiage de la Loire pour les mettre hors d’eau et permettre l’urbanisation des différents quartiers.
Les conséquences des travaux de remblaiement
Les opérations de remblaiement ont donné lieu à deux phénomènes. Le premier, majoritaire, est l’enfouissement des typologies constructives adaptées aux crues ; le second, plus rare, est l’enclavement de secteurs habités par le remblai.
Projet de construction de maison rue des Récollets
Date du document : 19e siècle
Le remblaiement des îles commence dans la première moitié du 19e siècle grâce aux travaux titanesques lancés par les Ponts et Chaussées pour consolider les rives par des quais et les rendre propices à l’économie portuaire. Le remblai des quais va ceinturer l’intérieur des îles qui se retrouve de fait en contrebas. Pour remédier aux désagréments rencontrés, la Ville rachète aux particuliers les rues et venelles qui avaient été ouvertes au fur et à mesure de l’établissement d’immeubles et de maisons pour les porter au niveau des quais. C’est ainsi que les aménagements prévus lors de la construction des premiers habitats des îles nantaises ne sont aujourd’hui plus visibles. Plusieurs d’entre eux sont néanmoins connus grâce aux archives : dans la rue Marmontel, les rez-de-chaussée des maisons étaient surélevés de plus de 3 mètres et accessibles par des escaliers ou des rampes qui ont été ensevelies ; celles qui bordent le quai Favre n’ont été rendues habitables que par la construction du quai et le remblai de sa chaussée ; la maison Avril et Fiteau - actuel consulat de Turquie - aujourd’hui en rez-de-chaussée était surélevée et accessible par un escalier de trois marches qui a disparu dans la construction du quai Hoche et le remblaiement de sa chaussée.
Travaux du quai Hoche
Date du document :
Le remblaiement des rives et des rues a également donné lieu à des enclavements de quartiers anciens. Ce phénomène est visible rue de la Haute Saulzaie puisque le rattachement de l’île Feydeau à l’île de la Saulzaie ne s’est effectué que grâce à un remblai dans la première moitié du 19e siècle. Les habitats de la Saulzaie en contrebas de l’île Feydeau ont été partiellement enterrés. Ils présentent donc sur la rue une façade adaptée au quai et, en arrière-cour, un, voire deux niveaux supplémentaires. L’enclavement est également identifiable dans le quartier Malakoff où un hameau du 19e siècle est aujourd’hui en contrebas de la chaussée du quai bâti entre 1881 et 1891. Cet îlot dont le parcellaire n’est pas régulier n’est accessible que par des passages soumis à servitude dans les parcelles voisines ou par une entrée de garage rue de l’Indre.
Un habitat qui cesse de s’adapter à la Loire
La disparition des adaptations de l’habitat aux crues ou l'enclavement de quartiers témoignent d’une marche à rebours de l’urbanisation des îles jusqu’au 20e siècle : la « conquête » de ces nouveaux espaces est tout d’abord le fait de particuliers qui parient sur les hypothétiques travaux de remblai et profitent de terrains peu chers ; puis elle se pérennise ou se développe grâce aux travaux de génie civil lancés par l’État et à ceux de voirie lancés par la Ville.
Ce processus inédit d’urbanisation s’inverse seulement dans la seconde moitié du 20e siècle avec le projet de l’île Beaulieu. En 1961, l’île Beaulieu, associée à 19 hectares du quartier Malakoff, est classée en ZUP. Pour bâtir sur l’île, la Ville doit exhausser de 4 à 5 mètres la totalité de ses terrains pour les protéger des crues. Des millions de mètres cubes de sable sont pompés dans la Loire et acheminés avant le démarrage des constructions.
Photographie aérienne du quartier Beaulieu-Malakoff
Date du document : 05-1970
Sur ces terrains encore instables, les immeubles, élevés sur des pieux de 35 mètres de long pour atteindre le rocher, ne montrent plus aucune adaptation à la Loire. Tours et barres adoptent une typologie classique de la fin du 20e siècle.
Suite Habitat des bords de Loire : Profiter des paysages ligériens (3/3)
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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