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Le dessous des sols : fouille archéologique de la ZAC du Pré Gauchet – Îlot 6


Le diagnostic réalisé par la DPARC à l’angle des rues de l’Indre et de l’Allier, au mois de novembre 2014, a été déclenché par la construction d’un ensemble de logements au lieu-dit « ZAC Pré Gauchet – îlot 6 », localisé à l’extrémité ouest de l’ancienne prairie de Mauves, à 900 m environ de l’occupation dense de la ville antique et médiévale de Nantes. Il s’agit d’un secteur peu touché par les recherches archéologiques.

Commentaire historique

Pour les périodes anciennes, seuls deux dépôts d’objets métalliques de l’Âge du Bronze sont à signaler, mis au jour l’un sur les berges de la Loire en 1881, l’autre au jardin des Plantes en 1868.

Dépôt d’objets en bronze de la prairie de Mauves

Dépôt d’objets en bronze de la prairie de Mauves

Date du document : avant 750 av. JC

Ces deux découvertes majeures expliquent que les contextes anciens, pré et protohistoriques, figurent au premier plan des objectifs visés par ce diagnostic.

Durant l’époque moderne, le plan Cacault (1756) montre la prairie de Mauves comme une ancienne zone inondable, délimitée au sud par le bras de la Madeleine et à l’ouest par le canal dit de Saint-Félix, une création anthropique mal datée.

Plan du bâti actuel, ZAC du Pré-Gauchet

Plan du bâti actuel, ZAC du Pré-Gauchet

Date du document : 08-01-2015

Elle était également traversée au nord par l’étier de Mauves, autrement dénommé Seil, qui longeait le chemin de Toutes-Aides pour venir se jeter dans le canal Saint-Félix, au niveau de Richebourg. Le bras de la Madeleine et le canal Saint-Félix étaient alors beaucoup plus larges qu’aujourd’hui et leurs rives étaient nettement plus proches du terrain faisant l’objet de ce diagnostic : elles se situaient au niveau des actuels boulevard de Sarrebrück et quai Malakoff. Le cadastre de 1835, dit « napoléonien », indique en outre que la prairie est alors traversée à l’ouest par un canal qui s’écoule entre le Seil et la Loire, celui-ci traversant le terrain diagnostiqué dans sa partie sud-ouest, ainsi qu’à l’est par un petit cours d’eau, le ruisseau des Renards. Cette prairie était donc fréquemment soumise aux inondations, et l’on pouvait y observer jusqu’à quatre ou cinq crues chaque hiver ; la configuration particulière des lieux explique la faible occupation humaine de la zone jusqu’à la fin du 19e siècle. Le secteur est toutefois remblayé au début de ce même siècle et accueille des courses de chevaux dès la fin des années 1830.

Le milieu du 19e siècle marque une étape importante dans le développement de cette partie de la prairie, avec l’arrivée en 1851 du chemin de fer et la construction en 1853 de la gare près de Richebourg. Ce nouvel équipement vient consacrer l’isolement de la partie ouest du pré Gauchet des secteurs urbanisés de Nantes. Ceux-ci continuent de se développer au-delà de l’étier de Mauves, au nord, et en arrière du canal Saint-Félix, sur la prairie de la Madeleine, à l’ouest. Le ruisseau des Renards est toujours figuré à l’est, tandis que le canal longeant le canal Saint-Félix à l’ouest semble déjà disparu. Il peut s’agir d’une conséquence de la reprise de l’étier de Mauves, largement canalisé au niveau de la nouvelle gare.

Un début de densification de l’occupation du quartier s’opère dès la fin du 19e siècle le long du bras de la Madeleine et du canal Saint-Félix, entre la gare d’Orléans et le pont ferroviaire joignant la prairie de Mauves et l’île de Biesse. Ce développement s’articule autour d’ateliers, d’usines et de commerces de proximité. La construction du stade Malakoff en 1937, rebaptisé Marcel Saupin en 1965, participe à la dynamisation du quartier. Cette période de l’entre-deux-guerres voit la traduction, sur ce secteur, des grands comblements de la Loire et de l’Erdre par le comblement de l’étier de Mauves à la suite de celui de la partie amont du canal Saint-Félix (1934). La proximité des lignes de chemin de fer et de ponts permettant le franchissement de la Loire expliquent les bombardements intensifs qui ont eu lieu durant la Seconde Guerre mondiale, particulièrement ceux de 1944.

Travaux de voirie, quai Malakoff

Travaux de voirie, quai Malakoff

Date du document : 14-03-1946

Le quartier connaît une nouvelle étape d’urbanisation importante à la fin des années 1960, lors de la réalisation du projet de Zup Malakoff-Beaulieu qui occasionne le remblaiement massif du secteur. C’est à cette même époque qu’est construite, sur les parcelles diagnostiquées, la chapelle Saint-Christophe (1960) qui deviendra la mosquée El Forqane en 1976. Celle-ci a été démolie, en même temps que le gymnase situé à côté, au début de l’année 2014.

Commentaire archéologique

Au terme de l’opération, les observations archéologiques restent limitées, puisque seules quelques structures maçonnées d’époque contemporaine ont été mises au jour, au sein desquelles deux ensembles principaux se dégagent. Le premier est une construction formée de trois murs en schiste et d’un refend de même nature (dont ne subsistent que les fondations), qui délimite donc deux espaces internes ; si l’espace sud ne peut être caractérisé plus précisément, la partie nord s’apparente à une cave. Les accès à chaque espace sont conservés au sein des maçonneries et donnent sur le second espace. Celui-ci correspond à une cour ou une allée, ouverte sur le quai Malakoff. Il est fermé à l’ouest et au nord par des bordures de trottoir en granit et des maçonneries, l’une d’entre elle disposant d’une ouverture circulaire en son centre. La base de toilettes turques a aussi été dégagée, composée d’un bac en porcelaine avec orifice central et repose-pieds antidérapants, le tout intégré dans une dalle en béton de forme quadrangulaire.

Sondage archéologique, ZAC du Pré-Gauchet

Sondage archéologique, ZAC du Pré-Gauchet

Date du document : 03-11-2014

La fonction de ces deux ensembles reste incertaine, mais l’hypothèse de bâtiments à vocation industrielle ou commerciale peut être avancée, compte-tenu de l’organisation de l’espace autour d’une cour tournée vers la Loire, des dimensions du bâtiment principal et de la présence dans les déblais de supports cylindriques en granit, dont le sommet est perforé sans doute afin de recevoir une grille en métal. Plusieurs établissements de ce type sont d’ailleurs connus dans le quartier durant l’entre-deux-guerres, comme par exemple la fonderie Lemer et Brisson, les charpentes métalliques Ménard et Hérou, rue de Lourmel, l’entreprise Cattoni située rue de Cornulier ou encore l’entreprise Charon, quai Malakoff.

Toutefois, l’intérêt principal de ce diagnostic réside dans le volet géomorphologique de l’opération qui a permis, en comparaison avec d’autres sites, de mieux appréhender la mise en place et le fonctionnement de la prairie de Mauves avant son anthropisation aux époques récentes.

En effet, si l’on exclue la présence des éléments bâtis mentionnés ci-dessus, la stratigraphie des sondages est relativement simple. En partant du niveau de circulation actuel, on observe tout d’abord des couches de remblais liées à la récente déconstruction de la parcelle, ainsi qu’au comblement des trous d’obus hérités des bombardements de la Seconde Guerre mondiale. Puis se trouve un remblai de sable jaune de plusieurs mètres d’épaisseur, qui recouvre un fin niveau de sable noir malodorant reposant lui-même sur une argile de couleur bleutée.

Sondage archéologique, ZAC du Pré-Gauchet

Sondage archéologique, ZAC du Pré-Gauchet

Date du document : 03-11-2014

Cette dernière correspond certainement à des limons d’inondation déposés lors du débordement des cours d’eau coulant aux alentours, tandis que la couche de sable noir sus-jacente résulte probablement de la décomposition de la prairie de Mauves, dont la végétation s’était auparavant développée sur le toit de ces limons d’inondation.
Bien que cela n’ait pu être observé lors du diagnostic, il est plus que probable que la couche d’argile bleutée repose sur des argiles marines témoins de la transgression flandrienne, phénomène de remontée brusque et importante du niveau de la mer, qui passe alors de - 14 m à un niveau compris entre - 8 m et le niveau actuel. Survenue entre 5500 et 2000 ans avant notre ère, cette transgression entraîne une avancée du trait de côte sur le continent et le recul de l’estuaire jusqu’à Nantes puis Oudon, déposant au passage une épaisse couche d’argile bleue pouvant atteindre 15 m d’épaisseur, qui constitue certainement le socle de la future prairie de Mauves.

Mathieu Laurens-Berge
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2018

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En savoir plus

Bibliographie

Archives Municipales de Nantes. Vieux-Malakoff, un quartier, des mémoires. Nantes : Archives Municipales de Nantes, 2002. 80 p.

Le Boulaire Christian. Nantes (44). ZAC du Pré Gauchet, îlot 6. Rapport de diagnostic archéologique. Nantes : DPARC, 2015. 63 p.

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Architecture artisanale, commerciale et tertiaire Architecture industrielle Archéologie Loire Sport

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Rédaction d'article :

Mathieu Laurens-Berge

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