Gare de l’État
La gare de la Prairie-au-Duc est le premier projet public implanté sur cette île. Sa création témoigne de la prise de conscience du potentiel du secteur pour la ville et ses habitants. Son agrandissement ultérieur en fait un véritable interface entre le fleuve et la ville.
Un premier projet de gare refusé par la Ville
En 1844, l’État, via ses ingénieurs, commence à étudier la possibilité de faire arriver la ligne de chemin de fer de Nantes sur la Prairie-au-Duc. Ce projet plébiscité par les industriels prend corps dans un plan plus large qui comprend la création de bassins pour le déchargement des navires et la création d’une deuxième ligne de ponts entre la Prairie-au-Duc et la Fosse. Ce plan ampute le port maritime d’une partie du quai de la Fosse à la suite de la construction d’un pont mais compense le linéaire de quai perdu par celui des bassins et par la présence de la gare de la Prairie-au-Duc. L’État espère que les dispositifs créés permettront d’implanter un nouveau centre commercial sur la Prairie-au-Duc.
A causes des nombreuses inconnues qu’il soulève, ce projet est refusé par la ville en 1845. Le conseil municipal s’inquiète de l’amputation du port pour un projet de bassins qui ne seraient vraisemblablement pas accessibles aux plus grands navires puisque le chenal de la Fosse n’a pas la profondeur nécessaire. Il s’insurge également contre la création d’un nouveau quartier commercial sur la Prairie-au-Duc qui, en favorisant les grandes industries, mettrait en péril l’équilibre interne du quartier de la Fosse, le cœur du commerce nantais.
La création de la gare de Nantes-Prairie-au-Duc
En 1870, la création d’un nouveau terminus à la ligne du pays de Retz est envisagée. Sur la Prairie-au-Duc, des terrains sont encore vierges et permettent une implantation propice dans un quartier en construction. Six années de travaux sont nécessaires pour implanter les rails. La nouvelle gare, baptisée gare de Nantes-Prairie-au-Duc, est le terminus de la ligne de Nantes à la Roche-sur-Yon. Exploitée par la Compagnie des chemins de fer nantais, c’est un ensemble relativement modeste, une station parmi les autres sur la ligne des stations balnéaires. Elle est desservie par la seconde ligne du tramway et elle est reliée à la gare d’Orléans par une « navette » ferroviaire. Cet aménagement est alors complètement dissocié d’un projet d’aménagement portuaire.
Gare d’Orléans près du quai Malakoff et du canal Saint-Félix
Date du document : début du 20e siècle
Un nœud ferroviaire stratégique pour le port de Nantes
En 1878, la Compagnie des chemins de fer nantais est en faillite. L’État la rachète et entame de métamorphoser la gare. En 1882 le projet d’agrandissement est mis à l’étude par la société des chemins de fer de l’État qui ambitionne de faire de la gare de la Prairie-au-Duc un nœud ferroviaire, axé sur le transport des marchandises débarquées des bateaux. Ce projet replace la gare de la Prairie-au-Duc au cœur du dispositif portuaire nantais.
A partir de 1884, des édifices en pierre dont un monumental bâtiment pour les voyageurs, mais également une halle de marchandises et des installations pour le déchargement sont élevés. Tout en maintenant le trafic de voyageurs, l’État transforme la petite gare en un échangeur gigantesque où transitent toutes les marchandises chargées ou déchargées sur les quais de la Prairie-au-Duc, ceux des bassins nord et sur la boire de Toussaint au sud.
Plan général du projet d'agrandissement de la gare de la Prairie-au-Duc
Date du document : 1883
Une gare aux multiples fonctions
Véritable interface entre le fleuve, la ville et le reste du pays, la gare regroupe de nombreux équipements.
En avant du bâtiment des voyageurs, une conciergerie et un édifice de toilettes ferment la cour d’entrée. Un second édifice de toilette est construit sur le premier quai. Trois quais desservant cinq voies de trains de voyageurs sont mis en place.
Gare de l’État
Date du document : début du 20e siècle
A l’ouest du bâtiment de voyageurs, la zone dédiée au transport de marchandises s’étend jusqu’aux quais portuaires. Trois quais découverts et deux halles – l’une pour les départs, l’autre pour les arrivées – permettent le chargement et le déchargement des wagonnets qui acheminent les marchandises depuis les quais portuaires ou les amènent directement dans les usines limitrophes. En arrière des quais, vers la rue, la cour des marchandises autorise un stockage de moyenne durée avant transport.
Intérieur d’une des halles de la gare de l’État
Date du document : 1988
La zone est complétée par un bureau des douanes, un bureau d’octroi et un réservoir.
A l’est du bâtiment des voyageurs se situe la zone dédiée aux cheminots. Le bâtiment des vestures, proche de la gare, permet de déposer les uniformes. Puis viennent les bâtiments techniques : bureau et parc des contrôleurs balanciers, parc de la brigade, maison du garde-barrière ; enfin, au sud-est, la rotonde avec les différents ateliers de réparations de locomotive et le dortoir des cheminots.
Bâtiments de la gare de l’État détruits par les bombardements
Date du document : 09-1943
Les multiples fonctions de la gare justifient également le développement des voies ferrées qui desservent la gare de voyageurs ainsi que les quais couverts spécialisés dans le chargement et le déchargement de diverses matières premières et qui se prolongent jusqu’au quai des Antilles et quai Wilson.
Plan de la ligne de jonction entre les deux gares de Nantes
Date du document : 1887
Après cette phase d’agrandissement, la gare ne reçoit plus de grandes modifications. Seul le réseau des rails se complexifie encore pour rejoindre le quai Wilson vers 1910.
Bâtiments de la gare de l’État détruits par les bombardements
Date du document : 09-1943
Désaffectation et réhabilitation
L’ensemble ferroviaire subit de lourds dégâts pendant la Seconde Guerre mondiale. Les bâtiments sont réhabilités et les rails rapidement remis en état de fonctionnement. Intimement liée au fonctionnement du port, elle accompagne également son déclin et fonctionne jusqu’en 1994. A cette date, elle est désaffectée.
La SNCF dépose alors un permis de démolir. Après une mobilisation de la société civile, le bâtiment est acheté par la Ville de Nantes. En 2001, le bâtiment des voyageurs est transformé en Maison des Syndicats par l’agence Forma 6.
Plan définitif de la gare de l’État
Date du document : 1912
La composition architecturale de la Maison des Syndicats
A l’origine, la gare de l’État présentait une composition néo-classique à corps principal axé avec ailes basses latérales. Des constructions utilitaires en retour délimitaient une place.
Sa transformation en Maison des Syndicats a donné l’occasion de restaurer le corps central. Celui-ci a sept travées développées sur un étage carré et un comble à surcroît mansardé et couvert d’ardoise. Les niveaux sont séparés par un bandeau horizontal imitant une corniche et individualisés par des formes de baies différentes : l’arc segmentaire est utilisé pour toutes les ouvertures du rez-de-chaussée, tandis que celles de l’étage sont rectangulaires, encadrées par de fines colonnettes et d’une archivolte imitant un entablement. Une corniche à frise de glyphes somme la composition et annonce le comble. Celui-ci est éclairé de lucarnes bâties en pierre surmontées d’un fronton triangulaire et accostées de petites consoles.
Gare de l’État transformée en Maison des Syndicats
Date du document : 20-07-2004
La travée centrale, en léger ressaut, est encadrée par deux dosserets au rez-de-chaussée et par des doubles pilastres engagés sommés de chapiteaux corinthiens à l’étage. Au rez-de-chaussée, une porte en arc plein cintre est percée, tandis qu’à l’étage, une baie rectangulaire encadrée de fines colonnettes à chapiteaux et surmontée d’un fronton triangulaire éclaire le milieu de la composition axiale. Au niveau du comble, un attique sculpté et surmonté d’un fronton en arc de cercle reçoit une horloge. Au-dessous de l’horloge, un cartouche porte la mention ETAT sur un fond rouge. Quatre personnages portant canne ou casquette sont placés, par groupe de deux, de chaque côté de l’attique.
De part et d’autre de ce corps central, deux ailes latérales sont élevées. Leurs cinq travées, séparées les unes des autres par des demi-pilastres corinthiens, sont percées de baies en arc segmentaire soulignées par de fines baguettes. Naguère couvertes par des toits mansardés, ces ailes ont maintenant un comble à surcroît en retrait de la façade dont le niveau bas est entièrement vitré. Elles sont couvertes de longs pans en ardoise.
Gare de l’État transformée en Maison des Syndicats
Date du document : 21-07-2004
Deux ailes contemporaines ont été construites en retour. Elles closent une vaste place plantée d’arbre et de jardins d’eau, dessinée par l’équipe Chemetov – Berthomieu. Ces ailes à deux niveaux d’élévation sont précédées par des galeries de circulation placées sous de légers portiques. Celles-ci relient les locaux de chacune des organisations syndicales. Des espaces communs enterrés y sont également regroupés. Des patios végétalisés éclairent ces locaux dans leur épaisseur.
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
Album « Gare de l'État : construction, déclin et renaissance »
En bref
Localisation : Duc (boulevard de la Prairie au), Gare de l'État (place) 3, 4, 5, 6, 7, NANTES
Date de construction : 1887
Auteur de l'oeuvre : Madelaine, Ed. (ingénieur) ; Perraud, François (sculpteur)
Typologie : architecture civile publique et génie civil
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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