Route de Vannes
À la fois entrée de ville, zone économique et commerciale majeure, et espace urbain à part entière, l’appellation « route de Vannes » recouvre un périmètre imprécis situé aux limites de trois communes, Orvault, Saint-Herblain et Nantes, suivant une ligne de crête entre les vallées de la Chézine et du Cens.
Vue depuis le sommet de la Tour Bretagne en direction de l'immeuble du Sillon de Bretagne
Date du document : années 1980
Un espace de loisirs et de villégiature bucolique
Ancienne voie romaine puis route royale qui relie Nantes à Audierne (Finistère Sud), la route de Vannes aboutit initialement aux fortifications de la ville, devant la Porte Sauvetout. Elle devient une portion de la RN 165 en 1824 et continue aujourd’hui la RD 965 qui relie Nantes à Sautron avant de retrouver l’actuelle N 165, dont le trafic a été dévié plus à l’ouest de l’agglomération.
Son urbanisation est tardive et, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, la route de Vannes reste un espace de loisirs et de villégiature très bucolique et prisé de la bonne société nantaise. De nombreux châteaux et demeures bourgeoises servent de « résidences secondaires » aux grandes familles industrielles et commerçantes.
Photographie aérienne du château de la Cholière
Date du document :
En 1940, les troupes d’occupation, largement motorisées, s’installent confortablement dans ces demeures cossues, espérant y trouver la quiétude ainsi qu’une relative protection contre les bombardements qui ciblent (en principe !) les infrastructures industrielles et portuaires. Mais en septembre 1943, même cette partie de l’agglomération est impactée.
Le tramway, qui désert le rond-point de Vannes depuis 1902, ne se relèvera pas véritablement des conséquences des bombardements successifs. Il est remis en service progressivement, sans être tout à fait reconstruit, avec des lignes qui ne sont plus toutes interconnectées. Son exploitation est finalement définitivement abandonnée en 1958, victime autant des affres de la guerre que de l’air du temps et du développement de l’automobile.
La croissance urbaine d’après-guerre
Immédiatement après-guerre, des lotissements de maisons individuelles grignotent le paysage de moins en moins rural, entre le boulevard des Américains et celui de Longchamp à Nantes, le long de la rue de la Bouvardière à Saint-Herblain, et le long des rues Félix-Vincent, de la Morlière et de Vincennes à Orvault. Le lotissement dit de Sainte-Thérèse, situé entre l’église et la rue de Malville, est créé en 1955. À cette date, la ville ne s’étend pratiquement pas après Beauséjour.
L’évolution du paysage s’accélère à partir du début des années 1960 avec l’implantation des premiers grands ensembles de logements collectifs, qu’ils soient HLM ou en accession à la propriété. En 1961 débute la construction de la cité du Breil (plus de 1 600 logements). En 1962, le grand immeuble de Beauséjour est achevé alors que commence la construction de la cité Plaisance (950 logements), sur la commune d’Orvault, à la limite de Nantes. Tandis qu’à Saint-Herblain, la ZUP de Bellevue est bâtie entre 1964 et le milieu des années 1970 (7 000 logements pour 30 000 habitants).
Le commerce, moteur de l’attractivité
En 1962, les premières constructions commerciales d’envergure apparaissent de part et d’autre de la route de Vannes, dont l’enseigne Atlantic plein air (vente de caravanes) de la famille Hardy, au n°277, en face de la célèbre brocante, Les Puces d’Orvault, située au lieu-dit La Botte d’Asperge, sur la commune d’Orvault. Beaucoup plus loin, aux Lions, la succursale Renault Nantes ouvre une antenne dédiée aux poids lourds et au matériel agricole. Il s’agit alors de répondre aux besoins des maraîchers environnants. Simultanément, au lieu-dit Le Croisy (au-delà du futur périphérique), s’installent des entreprises de fourniture de matériaux de construction, de BTP et de transport routier, notamment de produits pétroliers.
En 1964 un permis de construire est accordé à Monsieur Bentz, pour la société Versailles automobiles, qui souhaite implanter un garage Mercedes près des Thébaudières, à Saint-Herblain.
Photographie aérienne de la Route de Vannes
Date du document : 1968
Dans ce même quartier s’ouvre, en 1967, le magasin Record, aujourd’hui Auchan, au pied du futur immeuble du Sillon de Bretagne. C’est chronologiquement le quatrième hypermarché de France et le premier dans l’Ouest. La famille Decré, qui en est à l’initiative, s’appuie sur les projections de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui fonde de grands espoirs en termes de développement industriel, commercial et donc démographique, sur l’axe Nantes-Saint-Nazaire. Le succès populaire de l’enseigne dépasse les prévisions de ses promoteurs et accessoirement les capacités du réseau routier. Attraie de la nouveauté, les témoins de l’époque parlent d’un embouteillage monstre, jusqu’à la place Viarme, qui se reproduit tous les jours pendant près d’une semaine… En 1969, pour remédier à ce capharnaüm, sous l’impulsion de Michel Chauty, alors maire de Saint-Herblain, la route de Vannes est doublée entre le boulevard de Longchamp et les Thébaudières, avec l’aménagement d’un important carrefour à l’angle de l’hypermarché Record.
Photographie aérienne de la Route de Vannes
Date du document : 1967-1969
Toujours aux Thébaudières, à la fin de ces années 1960, sortent de terre différents ensembles immobiliers, dont Le Sillon de Bretagne, un important projet à forte dimension sociale, porté depuis 1962 par une coopérative HLM, Le toit coopératif, qui deviendra le Home Atlantique.
Le magasin Record, rejoint par Global Meubles au début des années 1970, puis Conforama en 1975, joue un rôle de « locomotive » et attire de nombreuses enseignes et grandes surfaces spécialisées, notamment dans l’équipement de la maison, les loisirs et bien évidemment l’automobile. En 1983, Alain Mustière se sépare de la marque Citroën pour prendre le panneau Ford et déplace le garage familial, du numéro 82 au numéro 365 de la route de Vannes. Ce faisant, il contribue à la constitution d’un pôle automobile, à proximité immédiate de la future Porte de Sautron (cette partie du périphérique entre en service en 1994), où se retrouvent aujourd'hui les principales marques. Les garages et concessionnaires automobiles se déplacent progressivement vers le Solay, Les Lions et Le Croisy dont les transporteurs routiers et les entreprises de BTP disparaissent.
Il se produit alors un phénomène de « chaises musicales » entre les commerces d’automobiles et d’ameublement. Les marchands de voitures ayant besoin de plus en plus d'espace, les garages laissent souvent la place à des magasins de meubles pour se déplacer vers l'Ouest et profiter de parcelles encore plus grandes (et relativement bon marché). Mais ils n’abandonnent pas pour autant la propriété de leur précédent emplacement et, de simples commerçants, ils deviennent également bailleurs commerciaux.
Un espace densément urbanisé et peuplé
Le succès économique de ce modèle d'urbanisme commercial est incontestable. Et en 1987, les services de la DDE et de l’AURAN (Agence d’urbanisme de la région nantaise) produisent des plans de masse qui sont sans équivoque : sur les 5 kilomètres qui séparent la place Alexandre-Vincent du rond-point du Croisy, à Orvault, des deux côtés de la route de Vannes, il n’y a pratiquement plus un seul terrain disponible ou non bâti, alors même que ceux-ci étaient quasiment vierges au début des années 1960.
Photographie aérienne de la Route de Vannes
Date du document : années 1980
Ce développement accéléré, conjugué à la croissance démographique de l'agglomération, aboutit, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, à un entrelacs de grands ensembles, souvent HLM, de lotissements pavillonnaires (habités par une population plus « aisée ») et de grandes surfaces commerciales, aux qualités architecturales médiocres (les urbanistes parlent de « boîtes à chaussures »). À cela s’ajoute une tertiarisation du tissu économique, avec l’implantation de sièges sociaux régionaux et de services administratifs tels que la CAF ou le Ministère des Affaires étrangères.
Du point de vue immobilier, cette zone se caractérise par le découpage de la propriété foncière, fruit d’un développement finalement peu réglementé, à une époque où la propriété était accessible à des entrepreneurs individuels et à des projets familiaux. Ici, toutes les configurations capitalistiques ou commerciales coexistent : propriétaires exploitants, sociétés foncières familiales, promoteurs, locataires franchisés, succursales, indépendants…
Des acteurs accompagnant le développement local
Compte-tenu de sa localisation aux confins des trois communes, souvent de couleurs politiques différentes, et de l’absence d’interlocuteur unique, les pouvoirs publics donnent l’impression de chercher constamment le dispositif le plus adapté pour accompagner le développement de la route de Vannes.
C’est dans ce contexte qu’est créée l’Association des commerçants de la route de Vannes en 1992 (qui deviendra l’Association de la route de Vannes). À cette époque se dessine le projet de troisième ligne de tramway et plusieurs chefs d'entreprise, membres de la Jeune chambre de commerce, décident de s'organiser afin d'être informés et de peser sur les décisions d'aménagement. Ils redoutent à la fois les nuisances engendrées par le chantier et les conséquences de l'arrivée du tramway dans un périmètre géographique exclusivement organisé autour de l'automobile. Certains commerces, dont la zone de chalandise dépasse l’agglomération et parfois le département, craignent notamment de voir disparaître une partie de leur clientèle d’automobilistes.
Le retour du tramway, jusqu’à Plaisance en 2000, jusqu’au Sillon de Bretagne en 2004, puis jusqu’à Marcel-Paul en 2009, marque la volonté des collectivités de réinvestir la route de Vannes et de la doter des équipements nécessaires à son développement à long terme. Paradoxalement, si les commerçants se sont organisés pour se prémunir des conséquences de la création de la ligne de tramway, ils souhaitent aujourd’hui le développement des transports en commun et revendiquent d'être associés à l'élaboration des projets d'aménagements futurs. Après le chantier du tramway, un projet de réaménagement de la voirie aboutit partiellement en 2006, entre le rond-point de la porte de Sautron et celui de Thébaudières-Morlière. Bien qu'inachevés, ces aménagements ont un effet incitatif sur les enseignes qui engagent d’importants travaux d’aménagement et d’embellissement de leurs magasins.
Travaux du tramway devant le magasin Motorep, au n°57 de la route de Vannes
Date du document : 1998-1999
Un pôle commercial majeur
L’histoire de la route de Vannes apparaît comme un concentré de la politique de la ville. Elle reste un lieu d’expérimentations et d’innovations économiques et sociales, accueillant le premier hypermarché de l’Ouest à côté de logements coopératifs et d’autres grands ensembles, d’une galerie marchande autogérée, entouré de concentrations de commerces concurrents (et en réalité complémentaires) qui s’efforcent d’investir le e-commerce et d’être moins dépendant du « tout voiture ». Ici s’est « forgée » la société de consommation contemporaine au sein d’un écosystème unique, donnant naissance à un champion économique regroupant environ 450 entreprises et plus de 7 500 emplois directs, soit, selon les statistiques de Nantes Métropole, le premier pôle commercial de l’agglomération.
Ce texte est inspiré des travaux réalisés dans le cadre du projet Le Voyage route de Vannes
Xavier Nerrière
2021
Album « La route de Vannes : évolution d'un pôle commercial nantais »
En savoir plus
Bibliographie
Collectif, Dictionnaire de Nantes, Presses Universitaires de Rennes, 2013
Collectif, Orvault dans l’agglomération nantaise – Les quartiers urbains, CLO, 2014
Gracq Julien, La forme d’une ville, Paris, José Corti, 1985
Pot Marie-Dominique, Naître et renaître – Mille ans d’histoire – Saint-Herblain, ACL, 1985
Webographie
Site internet du projet Le Voyage route de Vannes
AURAN, Nantes Métropole, Les chiffres clés du territoire, janvier 2021
IGN – Remonter le temps, archives photographiques en ligne
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Rédaction d'article :
Xavier Nerrière
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