Cimetière de Miséricorde
Le cimetière de Miséricorde, situé dans le quartier des Hauts-Pavés, est l’un des cimetières emblématiques de Nantes. Ouvert en 1793, il abrite dès le 19e siècle les plus grands noms de la ville. Surnommé le Père-Lachaise nantais, Miséricorde est connu pour la richesse et la variété de ses sépultures. Lieu de mémoire, il est aussi devenu un lieu de promenade apprécié.
La chapelle avant le cimetière
Le cimetière doit son nom à son site d’origine où fut bâtie la chapelle Notre-Dame de Miséricorde aujourd’hui disparue. La chapelle, liée à la paroisse de Saint-Similien, est vraisemblablement fondée en 1026 rue du Bourget à la gloire des chevaliers de la légende du dragon de Sautron. Selon cette dernière, trois chevaliers seraient partis combattre le dragon terrorisant la forêt de Sautron près de Nantes. Alors que le premier se serait fait dévorer, les deux autres seraient parvenus à terrasser la bête. Les deux héros auraient ensuite ramené à Nantes la mâchoire du dragon, remise selon son souhait à l’évêque de la ville. La chapelle, construite avec l’aumône des fidèles, est néanmoins partiellement détruite puis reconstruite avant d’être abandonnée en 1791. Pour laisser place à l’agrandissement du cimetière, la chapelle, dont il ne reste plus que des vestiges, est finalement démolie en 1823.
Carte de localisation de la chapelle de Miséricorde
Date du document : 18e siècle
La création d’un cimetière face à l’accroissement de la mortalité
L’origine du cimetière s’explique par deux besoins urgents auxquels la ville doit répondre à la fin du siècle. Nantes voit d’abord ses cimetières de plus en plus saturés et incapables d’accueillir de nouvelles sépultures. Avec la Révolution, la ville subit ensuite un nouvel afflux de population et en même temps une forte mortalité. Un accord est donc passé le 6 juin 1791 auprès des Carmes pour l’acquisition de leur tenue de la Miséricorde, près de l’actuelle place Viarme. Le site, aussi connu sous le nom de pré Dachon, sert de tenue maraîchère aux frères et est entouré de jardins et de moulins. Le 3 novembre 1792, le conseil municipal délibère pour faire du nouveau terrain un cimetière commun aux paroisses de Saint-Similien, Saint-Nicolas et Notre-Dame. C’est finalement en mai 1793 que le cimetière de Miséricorde est ouvert. La première inhumation, celle de Jean Clouet, a lieu début mai.
Plan de la tenue dite de Miséricorde
Date du document : 1793
Une évolution au fil des transformations urbaines
Ouvert depuis seulement quelques semaines, le site, qui accueille de plus en plus de victimes de la guerre de Vendée, se retrouve rapidement saturé. La bataille de Nantes du 29 juin 1793, qui fait de la place Viarme son cœur, finit de dévaster le cimetière. Après une période d’abandon dès décembre 1793, Miséricorde ne reprend ses fonctions que trois ans plus tard, toujours sous forme de pré ouvert. En 1803, le lieu est enfin clos de murs. Un an après, selon le décret impérial du 12 juin 1804, la Ville acquiert la gestion des lieux. De nouvelles mesures sont imposées, telles qu’une occupation plus large des sépultures. Les tombeaux commencent dès lors à emplir les lieux. De multiples agrandissements se succèdent ensuite tout au long du siècle.
Plan du premier projet d’agrandissement du cimetière de la Miséricorde
Date du document : 1816
La première extension de 1816, projetée dès 1809, concerne l’agrandissement du carré protestant du cimetière jugé insuffisant un an plus tôt. En 1823, la municipalité instaure le découpage de ses cimetières en divisions et de nouvelles dimensions élargies pour ses fosses. Une deuxième extension est donc nécessaire dès 1830 pour pallier le manque de places. En 1847, le problème d’humidité du site impose la création de nouvelles fosses et douves qui permettront de drainer le terrain. Malgré l’avis défavorable des riverains, une troisième extension est votée en 1850. Cet agrandissement, acquis auprès de la famille Durand-Gasselin, est à l’origine du cimetière privé de Miséricorde. En 1852, une quatrième extension est projetée. En 1856, l’entrée de la rue du Bourget est ouverte en complément de l’entrée primitive rue de Miséricorde. Des travaux d’aménagement ont cours en 1868. Un cinquième agrandissement, par acquisition d’une tenue maraîchère, est encore choisi en 1878 au détriment de la création d’un nouvel espace plus éloigné. L’extension est prévue pour une période de trente ans. Toutefois, un énième agrandissement par échange de parcelles est à nouveau privilégié en 1890 face au projet de création d’un nouveau cimetière. Au tournant du siècle, l’entrée de la rue de la Pelleterie est mise en service. Dans les années 1920, le cimetière, plus particulièrement les carrés protestant et israélite anciens, arrive à saturation. En 1930, le cimetière de Miséricorde arrive enfin à la forme que la ville lui connaît.
Plan du cinquième projet d’agrandissement du cimetière de la Miséricorde
Date du document : 1877
Une ville dans la ville
Avec près de six agrandissements, le site, situé en plein milieu des quartiers Monselet et Hauts-Pavés, couvre aujourd’hui 9 hectares pour plus de 16 000 sépultures. 80 carrés suivent ses extensions de la rue du Bourget à celle de la Pelleterie. Trois ensembles peuvent ainsi se dessiner : le cimetière originel du début du 19e siècle aux tombes d’inspiration romantique accompagné des anciens carrés confessionnels et du cimetière privé, le grand ensemble monumental de la seconde moitié du 19e siècle et la partie récente. Accessible par deux entrées, Miséricorde reste néanmoins un lieu de mémoire encore méconnu pour de nombreux Nantais. Pourtant, le Guide de l’étranger à Nantes le décrit en 1845 comme « le seul que les étrangers doivent visiter ». C’est en effet une part de l’histoire de la ville qui se dévoile au travers des sépultures. De nombreux noms de rues nantaises font notamment sens à la lecture des épitaphes des grandes familles qui ont marqué la ville. À l’époque, l’essor des concessions perpétuelles rencontre un vif succès auprès des particuliers qui rivalisent de créativité dans la construction de leurs tombes. Comme beaucoup de cimetières, Miséricorde devient un véritable musée des codes sociaux, reflet des modes architecturales et funéraires du siècle. Dans son roman Antoine Bloyé (1933), Paul Nizan dépeint Miséricorde telle « une grande ville » composée de son « avenue principale » traversant « le quartier des morts qui [furent] riches ». Il est vrai que le cimetière est connu pour sa grande allée d’arbres bordée de chapelles familiales aux allures néogothiques autour de laquelle s’organise l’ensemble du site. Aujourd’hui, de nouveaux columbariums et cavurnes, permettant d’accueillir les urnes cinéraires, traduisent l’évolution récente des modes d’inhumation.
Plan d’ensemble du cimetière de la Miséricorde
Date du document : 1925
Un lieu de mémoire reconnu pour son patrimoine
Le cimetière possède une grande variété de tombeaux allant du début 19e siècle à aujourd’hui. Pour les concessionnaires, les monuments funéraires illustrent une double volonté : privée, celle du recueillement, mais aussi publique, celle d’exprimer sa position sociale. Au 19e siècle, de nombreux architectes et artistes nantais participent ainsi à la réalisation de ces monuments sur-mesure. Leurs empreintes se traduisent aujourd’hui par les nombreux bronzes, bustes, portraits en médaillons et autres éléments décoratifs présents dans le cimetière dont on peut lire parfois encore la signature. À travers eux, des noms de sculpteurs tels qu’Amédée Ménard, Charles Lebourg, Sébastien de Boishéraud ou encore Guillaume Grootaers témoignent de la richesse artistique du cimetière.
Le patrimoine funéraire de Miséricorde tend ainsi à être reconnu. En ce sens, une campagne de restauration a été lancée en 2009 par la Ville et la Fondation du Patrimoine pour le protéger et le valoriser. Ce projet, mené en partenariat avec les propriétaires des sépultures concernées, a également donné lieu à la restauration de monuments d’intérêt majeur tels que la pietà à l’entrée de la rue du Bourget ou la Colonne de Juillet 1830. Le cimetière, aujourd’hui pleinement intégré au tissu urbain, constitue enfin un paysage à part entière. Outre ses monuments, diverses essences d’arbres et végétaux participent à sa forme actuelle. Miséricorde, comme les autres cimetières nantais, voit ainsi revenir peu à peu le végétal, à l’image des lieux de mémoire d’il y a encore cinquante ans.
Agathe Cérède
Secteur des Cimetières, Ville de Nantes
2021
Album « Le cimetière de Miséricorde »
En bref...
Localisation : Bourget (rue du) cimetière, NANTES
Date de construction : 1791
Auteur de l'oeuvre : Falaise (entrepreneur)
Typologie : architecture religieuse
En savoir plus
Bibliographie
Kahn, Claude, « L’art statuaire au cimetière Miséricorde », Annales de Nantes et du pays nantais, n°254, 4e trimestre 1994, p. 36-40
Lange, Pierre-Yves, « Miséricorde, le « Père-Lachaise nantais » », Nantes au quotidien, 27/11/2009
Lassère, Madeleine, « Les cimetières de Nantes au 19e siècle : un impossible transfert », Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest, n°101-4, 1994, p. 59-71
Péron, André, « Cimetière de Miséricorde », Dictionnaire de Nantes, 2013
Documentation
Dépliant « Parcours découverte du cimetière de Miséricorde »
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Contributeurs
Rédaction d'article :
Agathe Cérède
Anecdote :
Agathe Cérède, Xavier Trochu, Kévin Lognoné
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