Grands ensembles de Nantes Nord
À partir de 1956, une nouvelle forme d’habitat métamorphose le paysage du quartier Nantes Nord et participe à l’accélération de son urbanisation : à la Boissière, au Chêne-des-Anglais ou encore au Bout-des-Landes, les terres agricoles et baraquements d’après-guerre laissent place à de grands ensembles HLM, largement dominés par les immeubles collectifs.
Le 21 février 1913, le conseil municipal de la ville de Nantes crée l’Office Public d’Habitations à Bon Marché (OPHBM) avec pour mission de construire, aménager et gérer des logements à destination des ouvriers habitant dans des taudis. À Nantes Nord, les premiers logements sociaux ne sont construits par l’Office qu’après la Seconde Guerre mondiale, dans un contexte de crise nationale du logement.
La crise du logement : le tournant de 1956
Dans les années 1950, l'État doit trouver des solutions rapides et peu coûteuse afin de répondre à la forte demande en logements. Après avoir subventionné la construction de maisons individuelles, il imagine un habitat beaucoup plus concentré, fait d'immeubles, permettant d'accueillir de nombreuses familles sur un espace réduit : c'est le début de l'ère des grands ensembles.
Le point de départ de cette nouvelle politique du logement est la loi-cadre déposée en octobre 1956, qui restreint les crédits affectés à l'accession à la propriété privée et favorise les immeubles collectifs. Cette mesure est proposée dans un contexte de dégradation de la situation économique et budgétaire de la France. L’inflation qui en résulte impacte particulièrement le secteur du bâtiment : au manque de main d’œuvre s’ajoute une hausse des coûts de construction, alors que le nombre de chantiers est conséquent.
À Nantes, le principal maître d'œuvre de la réalisation de logements sociaux locatifs est l'Office Public d'Habitations à Loyer Modéré (OPHLM, anciennement OPHBM, qui devient Nantes Habitat, puis Nantes Métropole Habitat).
Les premières cités HLM de Nantes Nord
Nantes Nord présente l'avantage de disposer de vastes espaces de terres agricoles, acquis par la Ville de Nantes à des prix convenables. C’est sur ces terres que sont bâties des cités HLM, au gré des opportunités financières offertes par l'État.
À la fin des années 1950, le premier grand ensemble HLM de Nantes Nord est construit sur les terres agricoles de la ferme de la Bourgeonnière. La cité de la Boissière est réalisée en deux tranches successives : les Renards (1956-1959) et la Boissière-Fantaisie (1959- 1962).
À proximité de la cité de la Boissière, deux autres ensembles sont édifiés à la même période au cœur d’une zone pavillonnaire :
• Le collectif rue Maurice-Barrès (1960) : cet immeuble à rez-de-chaussée commercial de 40 logements collectifs HLM,
• Le collectif HLM Boissière-Rennes ou Boissière 100 (1962) : dessiné par Choisel, cet ensemble de trois immeubles de 100 logements est détruit à partir de la fin de l’année 2018 et remplacé par de nouvelles habitations collectives.
Les opérations réalisées dans le cadre de la résorption de l'habitat provisoire
À Nantes Nord, deux projets sont réalisés dans le cadre du programme national de résorption de l'habitat provisoire, financé par le « Programme Social de Relogement » (PSR), afin de reloger les habitants des cités provisoires du Chêne-des-Anglais et du Grand-Blottereau. Ces baraquements au confort rudimentaire ont été construits après la guerre pour accueillir de manière temporaire les sinistrés n’ayant plus de toit depuis les bombardements de 1943, le temps qu’ils trouvent un logement disposant de toutes les commodités.
À la Petite-Sensive, 90 pavillons associés à 285 logements collectifs sont achevés en 1970. Cette opération est suivie par la construction du lotissement des Bruyères qui se termine en 1973, rue de Pont-Aven. Il est composé de 76 maisons et 23 logements collectifs. Ce lotissement est entièrement détruit en 2008-2009 pour laisser place à de nouveaux aménagements.
L'intensification de l'implantation des HLM à bas coût de revient : la politique des « Modèles »
La pénurie de logements entraîne la mise au point de nouvelles techniques du bâtiment qui s'inspirent de l'industrie afin de diminuer les coûts et les durées de construction.
En 1968 et 1969, plusieurs circulaires ministérielles généralisent la politique des « Modèles » : les entrepreneurs s’associent avec des architectes pour concevoir des plans-types d’immeubles réplicables facilement, qu’ils soumettent à l’agrément du ministère de l’Équipement et du Logement. Non seulement le « Modèle » définit des caractéristiques techniques très strictes pour chaque appartement, mais aussi la composition de la cité qui doit comporter des logements peu coûteux (des tours), très coûteux (des plots) et au prix de revient intermédiaire (des barres). Les subventions de l'État sont attribuées prioritairement aux projets utilisant les « Modèles ». Les architectes vont jusqu’à imaginer de positionner les immeubles d’une cité en fonction des chemins de grue afin d’éviter les coûteux montages et démontages de ces engins.
Les cités de Nantes Nord construites sur la base des « Modèles »
Dans les années 1970, plusieurs cités HLM sont réalisées sur la base de « Modèles » conçus par différents architectes et entrepreneurs :
• Le Bout-des-Pavés (1972) : 717 logements collectifs construits selon le « Modèle Coignet » de l'entreprise Coignet et des architectes Georges Evano et Jean-Luc Pellerin,
• Le Chêne-des-Anglais (1974) : 841 logements collectifs construits selon le « Modèle Coignet ». Le revêtement extérieur des immeubles, en mosaïque, est une évolution du modèle permettant de réduire les coûts,
• Le Bout-des-Landes (1975) : 526 logements collectifs construits selon le « Modèle Ouest » des architectes Doucet et Herbert. Cet ensemble est composé uniquement de plots disposés autour du terrain, laissant un large espace central verdoyant,
• La Route-de-la-Chapelle (1977) : 374 logements collectifs avec loggias et balcons construits selon le « Modèle C2 » des architectes Georges Evano et Jean-Luc Pellerin,
• Les Roches (1978) : 120 logements collectifs construits selon le « Modèle C2 ».
Le temps de la réhabilitation
La construction massive de logements sociaux répondait à la demande urgente après la guerre. Très vite le vieillissement prématuré du bâti associé aux dégradations volontaires, symptômes du malaise social naissant, conduit les instances nationales et locales à s'interroger sur le concept des grands ensembles et sa poursuite. En 1972, des études réalisées par le ministère de l'Aménagement du Territoire, de l'Équipement et du Logement font le constat de l'insuffisance de qualité de l'urbanisme, de l'habitat et du cadre de vie. En 1973, une circulaire ministérielle engage la fin des grands ensembles tels qu'ils avaient été conçus jusqu'alors.
Au niveau local, il faut attendre l’arrivée de la gauche au conseil municipal de Nantes en 1977 pour voir se mettre en place une nouvelle approche de la gestion du logement social. En octobre 1980, le conseil d'administration de l'OPHLM de Nantes, engage une véritable politique de réhabilitation de son patrimoine, en concertation avec les locataires.
Suivant les immeubles, les travaux de réhabilitation sont de nature différente :
• Isolation des combles ou des parois extérieures,
• Installation de volets inexistants à la construction,
• Redistribution des pièces et agrandissement des logements,
• Modification des aspects extérieurs par une action sur l'esthétique du ravalement,
• Mise en place de décors.
Alors que les logements sont rénovés à partir de 1982, les espaces extérieurs sont également traités. Des travaux importants sont engagés au Bout-des-Pavés, au Chêne-des-Anglais et à la Petite-Sensive :
• Création de buttes de terre végétalisées afin d’atténuer les effets du vent, aggravés par les turbulences provoquées par les immeubles,
• Plantation de gazon,
• Installation d’espaces de jeux pour les plus jeunes.
Des grands ensembles au cœur d’un projet de renouvellement urbain
En 2016 est lancé un vaste projet de renouvellement urbain à Nantes Nord, soutenu financièrement par l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) et élaboré en concertation avec les habitants et acteurs du quartier. Il concerne plus particulièrement le Chêne-des-Anglais, le Bout-des-Pavés, la Boissière et la Petite-Sensive, au regard des difficultés socio-économiques que leurs habitants rencontrent. Confié à Loire Océan Métropole Aménagement, le projet prévoit notamment la création et la réhabilitation de logements, l’aménagement de nouveaux cheminements doux et espaces publics valorisant le patrimoine végétal et naturel ou encore la création de nouveaux pôles réunissant services publics et activités économiques. Dans ce but, les élus de Nantes Métropole ont voté le 8 octobre 2021 la création de la Zone d’aménagement concertée Nantes Nord (ZAC).
Plusieurs opérations sont achevées ou en cours sur ces secteurs :
• Destruction du centre commercial de la Boissière (2023) : deux immeubles d’habitation avec rez-de-chaussée commercial sont en cours de construction,
• Ouverture d’une maison de santé, rue des Renards (janvier 2024),
• Destruction de la tour 8 Champlain (2024) en prévision de la création d’un Pôle d’équipements publics et d’un nouveau cœur de quartier.
Plusieurs centaines de logements ont déjà été requalifiés, et une serre bioclimatique a été installée sur le toit d’un des immeubles de la rue Jacques-Cartier. 2025 verra la démolition de deux immeubles de la rue Vancouver et la poursuite de l’aménagement des espaces publics du secteur du Bout des-Pavés. Au jardin du Canada, un bassin planté sera aménagé. Il permettra de recueillir les eaux pluviales du quartier et constituera un nouvel îlot de fraîcheur, au cœur d’une boucle verte allant jusqu’au parc de l’Amande.
Francis Peslerbe, Noémie Boulay
Groupe Histoire des quartiers Nord de l’association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB) – Direction du patrimoine et de l’archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2025
Album « Les grands ensembles de Nantes Nord »
En savoir plus
Bibliographie
Peslerbe Francis, Association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB), Histoire des quartiers nord de Nantes. Entre Cens et Erdre, un quartier « mosaïque » des années 50 à aujourd’hui, livre 4, AASCEB, Nantes, 2007
Ressources Archives de Nantes
Consulter les ouvrages de l’AASCEB au format numérique
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Contributeurs
Rédaction d'article :
Francis Peslerbe, Noémie Boulay
Témoignage :
Danielle, Miguel, Franck, Joachim, Isabelle, Pascal Péneau
Anecdote :
Joseph et Thérèse Rupaud
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