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Fontaine de la place Royale Conseil Général

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Bâtiment Ateliers et Chantiers de Nantes


Ce bâtiment en béton armé, érigé entre 1917 et 1918, abritait la direction des Ateliers et Chantiers de la Loire, les bureaux et des services nécessaires au bon fonctionnement de l’entreprise. Symbole des luttes ouvrières, il a également vu plusieurs générations de grévistes venant demander tant leur augmentation que l’amélioration des conditions de travail ou la suppression des licenciements.

Bâtiment de la direction des Ateliers et Chantiers de la Loire

Bâtiment de la direction des Ateliers et Chantiers de la Loire

Date du document : sans date

Un bâtiment à l’emplacement de l’ancien canal est-ouest

Ce que l’on nomme aujourd’hui « île de Nantes » est en fait le regroupement d’un archipel d’îles. Si ce regroupement va s’effectuer naturellement dans un premier temps, il va être accéléré artificiellement à partir des années 1840 et l’installation d’une véritable zone industrielle à deux pas du centre-ville. Les premiers chantiers navals à s’installer sur l’île de la Prairie-au-Duc sont les chantiers de la Chézine en 1842. Un canal nord-sud relie alors le port au bras de Pirmil et se situe à l’emplacement de l’actuel boulevard Léon-Bureau.

Ce canal est desservi par le canal Pelloutier, orienté est-ouest. Et par un autre canal situé à l’emplacement même du bâtiment.

Canal Pelloutier

Canal Pelloutier

Date du document : sans date

Ces cours d’eau, doublés des boires de la Toussaint et des Récollets, favorisent le développement et le maintien d’un tissu industriel fort, à proximité du centre-ville : raffineries de sucre, filatures de coton et de lin, fabriques d’indiennes, brasseries, tanneries. Ces industries assurent alors une activité industrielle intense sur la pointe ouest de l’île.

Les canaux seront rendus obsolètes à partir de 1864 et l’arrivée du chemin de fer. Au début du 20e siècle, un vaste programme de compléments de voies d’eau voit le jour, inauguré par le comblement du canal Pelloutier, qui deviendra la rue Pierre-Landais. De ces travaux émerge une île unique, d’où l’eau est bannie, et qui est entourée des seuls bras de Pirmil et de la Madeleine.

Ménard et Le bot, des architectes loin d’être des inconnus à Nantes

Les architectes nantais Émile Le Bot (1889-date de mort inconnue) et Ferdinand Ménard (1873-1958) sont à l’origine des plans du bâtiment.

À Nantes, ils réalisent les plans de la villa Jeannette, aujourd’hui labellisée « Patrimoine du 20e siècle » par le ministère de la Culture.

Ils participent aussi à la décoration intérieure des salons Mauduit. Leurs créations se distinguent alors par leur style art-nouveau, très en vogue à l’époque, puis art-déco.

Hors de leur ville natale, les deux architectes seront sollicités de nombreuses fois pour la construction de cités ouvrières. Par exemple la cité ouvrière du Bois à Noyant-la-Gravoyère, de Brèges, de Charmont à Nyoiseau, et de la cité de Baugé ou cité des Mines à Segré. Leur style se fait alors plus sobre.

La commande par les Ateliers et chantiers de la Loire d’un bâtiment dédié à l’administration a lieu en 1913.

Plan de la façade principale du bâtiment d'administration et bureaux des ACL

Plan de la façade principale du bâtiment d'administration et bureaux des ACL

Date du document : 25-08-1913

Un bâtiment conçu sur mesure

Les sols à proximité de la Loire sont principalement constitués de sable, ce qui complique considérablement la construction de bâtiments. Si la technique de la construction sur des pieux enfoncés profondément dans le sol a été très utilisée afin de stabiliser les constructions, le bâtiment de la direction a été construit suivant une technique différente et originale, celle dite « du radier ». Cette technique inventée au Pays-Bas est caractéristique de la construction en zone marécageuse. Le bâtiment repose sur une semelle en béton armé de presque deux mètres d’épaisseur. Cette semelle sert de support à tout le bâtiment construit d’un seul tenant avec une ossature métallique.

Plan de coupe transversale du bâtiment d'administration et bureaux des ACL

Plan de coupe transversale du bâtiment d'administration et bureaux des ACL

Date du document : 05-09-1913

Un vide servant à l’installation des canalisations a été prévu entre la semelle et le plancher du bâtiment. Conscients de la nature du sol et de l’impact des marées sur la Loire toute proche, Ménard et Lebot avaient anticipé que cette galerie pourrait aussi se remplir en cas de grande marée sans pour autant que cela n’ait de conséquence sur le bâtiment.

Un bâtiment voulu comme une vitrine des chantiers

Le bâtiment est un bâtiment hybride dont la conception en béton armé (façade et fondations) et ossature métallique est caractéristique des ouvrages industriels. Ces éléments sont « camouflés » derrière une façade dans le plus pur style néo-classique du début du 20e siècle. Pour la façade, les architectes ont souhaité un décor ornemental élaboré avec un avant-corps surmonté d’une horloge. Le choix du décor alternant brique et pierre (parement reconstitué), les linteaux marquetés de brique rouge, les grandes fenêtres, l’entrée du bâtiment avec son encadrement sculpté, et son allure très symétrique accentuent son aspect monumental. Il faut souligner qu’une porte monumentale, marquetée et décorée, existait à l’entrée de ce bâtiment. Malheureusement, celle-ci a été subtilisée à la fermeture des chantiers...

Parc à tôles et bâtiment de la direction des Ateliers et Chantiers de la Loire

Parc à tôles et bâtiment de la direction des Ateliers et Chantiers de la Loire

Date du document : sans date

Or, cette ornementation dans le but de montrer la puissance des Chantiers de la Loire est à nuancer puisque la façade est en béton armé recouverte. De même, la façade principale donnant sur la Loire a été particulièrement soignée alors que sur la façade côté sud, les ornementations sont moindres et les parements ont laissé place au crépi. Ces éléments montrent que malgré une volonté d’afficher leur puissance, le budget des Chantiers de la Loire devait demeurer serré.

Façade sud du bâtiment Ateliers et Chantiers de Nantes

Façade sud du bâtiment Ateliers et Chantiers de Nantes

Date du document : 10-09-2018

Siège de la direction et des bureaux, il a aussi été décidé de faire apparaître le nom du chantier en grand sur la façade, nom qui sera changé en Ateliers et Chantiers de Nantes après la fusion entre les chantiers de la Loire et les chantiers de Bretagne en 1961. La première inscription est encore visible aujourd’hui.

L’ironie de l’histoire voudra que la montée en puissance des chantiers se traduise par un besoin d’espace grandissant et la construction d’ateliers toujours plus grands. Le fringant bâtiment de la direction, voulu comme un repère sur le site, sera vite caché au milieu des ateliers et finira même par devenir l’un des plus petits bâtiments sur le site des chantiers navals nantais.

Élèves dessinateurs en formation à la crèche des ACL, au second étage du bâtiment

Élèves dessinateurs en formation à la crèche des ACL, au second étage du bâtiment

Date du document : 1945

La crèche

Dès 1899, les Ateliers et Chantiers de la Loire créent une école de dessin affectueusement appelée « la crèche ». La mission de cette école est de former les futurs dessinateurs pour l’ensemble de la construction navale française. Ce phénomène de création d’école d’apprentissage par les entreprises va s’accentuer encore avec la loi Astier en 1919. Dès les années 1940, la crèche s’installe dans l’aile ouest du bâtiment de la direction.

Photographie aérienne des chantiers Dubigeon

Photographie aérienne des chantiers Dubigeon

Date du document : 1976

L’apprentissage des dessinateurs à « la crèche » se fait après une sélection sur concours. Selon les époques, les places sont plus ou moins nombreuses. L’apprentissage est spécifique à la Navale car les termes sont très techniques et le vocabulaire spécifique. Les apprentis-dessinateurs apprennent à dessiner le navire dans son ensemble, et tous les calculs qui y sont associés. À noter aussi que la crèche était l’une des rares écoles de France à accepter les femmes dessinatrices.

La vie du bâtiment après la fermeture

En 1987, les chantiers Dubigeon-Normandie ferment définitivement leurs portes et une page de l’histoire nantaise se tourne. Mais pas complètement. Dès 1984, des salariés des chantiers, membres du comité d’entreprise, sentant la fin de l’entreprise arriver, commencent à regrouper, inventorier, conserver des archives, photographies, plans, outils…

En 1986 est fondée l’Association d’Histoire de la Construction Navale Nantaise (AHCNN). L’objectif de l’association est clair : ne pas laisser tomber dans l’oubli le patrimoine de la navale. Un patrimoine technique, bien sûr, mais aussi un patrimoine humain relatif aux savoir-faire et savoir-être propre à la navale nantaise.

Les années suivant la fermeture sont des années difficiles, le traumatisme est fort et le site des chantiers navals est en sursis. Les bulldozers sont à l’œuvre et les ferrailleurs se disputent ce qui reste des chantiers. Le bâtiment de la direction est muré et squatté. Les projets, parfois farfelus, fleurissent ; on parle alors de tout raser et d’y construire une cité internationale des affaires.

Démolition des chantiers Dubigeon

Démolition des chantiers Dubigeon

Date du document : 01-02-1989

Bâtiment des Ateliers et Chantiers de Nantes laissé à l’abandon après la fermeture des chantiers

Bâtiment des Ateliers et Chantiers de Nantes laissé à l’abandon après la fermeture des chantiers

Date du document : 1992

En 1989, après l’arrivée de Jean-Marc Ayrault à la mairie de Nantes, il est décidé de prendre le temps de la réflexion et de suspendre les destructions. En 1993, le bâtiment est rénové et il est décidé d’y installer l’université permanente, à l’étage, et de confier le rez-de-chaussée à différentes associations dont le Centre d’histoire du travail et la Maison des Hommes et des techniques, association créée à l’initiative de l’AHCNN (Association d’Histoire de la Construction Navale Nantaise) dans le but d’offrir au public un lieu d’interprétation du site.

Élise Nicolle
Maison des Hommes et des techniques
2020

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En bref...

Localisation : Léon Bureau (boulevard) 2 bis, NANTES

Date de construction : 1917

Auteur de l'oeuvre : Ateliers et Chantiers de la Loire (commanditaire) ; Le Bot Émile (architecte) ; Ménard Ferdinand (architecte)

Typologie : architecture industrielle

En savoir plus

Bibliographie

Plouviez David, 1987. Dubigeon, la fin de la Navale, Cette année-là à Nantes, éditions Midi-Pyrénéennes, 2021

Webographie

Site internet de la Maison des Hommes et des techniques Lien s'ouvrant dans une nouvelle fenêtre

Site internet du Centre d'Histoire du Travail Lien s'ouvrant dans une nouvelle fenêtre

Pages liées

Île de la Prairie-au-Duc

Docks et bassins de la Prairie-au-Duc

Dubigeon

Chantiers navals

Dossier : Patrimoine industriel (2ème volet)

Tags

Architecture industrielle Chantier naval Ste Anne-Zone Portuaire

Contributeurs

Rédaction d'article :

Élise Nicolle

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