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Vitrail médiéval de l’église Saint-Similien Édouard Nignon (1865-1934)

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Nantes la bien chantée : A la cour du palais

Jeannette Lebastard, le 22 août 2018 à Nantes d’après la version recueillie par Séverine Lenain auprès de Simone Hervoche à Herbignac (44), le 22 février 1999


Une servante courtisée par plusieurs prétendants choisit un cordonnier qui lui fait sa demande en lui chaussant des souliers.

Le thème global du mariage est l’une des principales préoccupations du répertoire traditionnel. L’abondance du répertoire concerné par le mariage, depuis la rencontre jusqu’aux réalités du ménage est telle qu’une organisation en un certain nombre de catégories s’est imposée aux chercheurs, à commencer par Patrice Coirault. Parmi celles-ci, se trouve les catégories des chansons rituelles, des chants satiriques, chants de cortège - de cortège de noces, s’entend -, récits de jeunes filles pressées de convoler, des maris trompés etc.
La catégorie dite des « demandes et fiançailles » n’est pas la plus modeste, comme on peut s’en douter.

Nantes, dans le texte

Nantes n’apparait pas de façon systématique au fil des innombrables versions de cette chanson-type et lorsque c’est le cas, c’est toujours dans la scène cordonnière – si vous me permettez cette qualification - du récit, lorsqu’on y décrit des souliers de si belle facture qu’on en vient à penser qu’ils ont eu quelque influence sur la décision de la belle servante. Certaines versions, comme celle recueillie par Hervé Dréan à Saint-Dolay (56) en 1975, évoquent des souliers confectionnés « à la mode de Nantes ». L’autre option est celle présentée ici du matériau employé, le mystérieux « maroquin de Nantes ». Y avait-il à Nantes une manière singulière de travailler le cuir au point de contribuer à la notoriété industrieuse de la ville ? Une recherche annexe s’impose. A toute fin utile, précisons au passage que le maroquin est un cuir souple et résistant, le plus souvent du cuir de chèvre, utilisé en cordonnerie certes, mais aussi pour les travaux de reliure.
Quoi qu’il en soit et à l’instar d’autres chansons mentionnant cette ville, la localisation à Nantes est cependant accessoire et non significative, le principal étant de respecter la coupe de la chanson : alexandrins assonancés en « an-e ». Dans bien des cas, peut-être plus nombreux, il s’agit de maroquin « de France ».

Une célèbre demande

La chanson connue sous le titre A la cour du palais est peut-être la plus célèbre des demandes en mariage, pour ce qui concerne la chanson traditionnelle, s’entend. Les catalogues de Patrice Coirault et Conrad Laforte en recensent des dizaines de versions auxquelles viennent s’ajouter les nombreuses versions issues des collectes sonores.
Ce qui rassemble pratiquement toutes les versions, outre le scénario global bien sûr, c’est que le récit commence par localiser l’action. Ce qui est d’ailleurs très courant. Beaucoup la situent au palais, à la cour du palais ou sur les marches du palais. Une vague étude - au demeurant discutable à plus d’un titre - effectuée par un membre de l’académie de Bretagne la situe au Pallet (44) en ajoutant que les marches, dont il est si souvent question, sont les Marches de Bretagne. Personnellement, je n’en crois rien et privilégie largement l’hypothèse d’un lieu emblématique et romanesque à souhait (le château), où évoluent différents personnages qui sont autant de stéréotypes essentiels à la construction de nombreux récits, qu’il s’agisse de chansons, de contes ou de romans : la servante, le prince ou le roi, le soupirant de modeste condition et une fin heureuse pour les amoureux…

Un scénario aussi convenu qu’indémodable

Une servante travaillant dans un château ou un palais est courtisée par plusieurs galants, parfois énumérés dans le détail et qui comprennent le fils du roi, dans bien des cas. Après quelques hésitations (« elle ne sait lequel prendre »), son choix porte sur le cordonnier (« qui a eu la préférence »). Celui-ci lui apporte des souliers et, en les chaussant à sa Cendrillon, fait sa demande en mariage. D’une certaine manière, la chaussure épouse parfaitement le pied, ce qui semble lui insuffler une bonne idée…
L’offrande de souliers remplace ici l’anneau mais on notera qu’il y a comme une forme de familiarité dans les deux gestes : chausser des souliers et passer un anneau. La forme symbolique de la demande reste explicite. Au final, on n’échappera pas au jeu de mot de circonstance selon lequel, dans cette idylle naissante, chacun semble avoir trouvé chaussure à son pied.
La version de Madame Hervoche s’arrête après la demande mais dans beaucoup de cas, le récit se poursuit vers des considérations plus érotiques quoi qu’exprimées dans un registre symbolique qu’il n’est pas facile de décrypter. Le lit fait l’objet d’une attention particulière : en plus d’être couvert de toile blanche, quatre pommes d’orange seront disposées aux quatre coins, au milieu de ce lit la rivière sera courante et le rossignol y chantera, tous les chevaux du roi viendront y boire en bande, le noir s’y noiera (le plus beau de la bande)...  Ceci fera – peut-être ! – l’objet d’un prochain article…

Hugo Aribart
Dastum 44
2018

[forme]
A la cour du palais, lundi, mardi, tralala
A la cour du palais il  y’a t’une servante
Il y a t’une servante
Lundi, mardi, danse

Qui a tant d’amoureux, lundi, mardi, tralala
Qui a tant d’amoureux qu’elle ne sait lequel prendre
Qu’elle ne sait lequel prendre
Lundi, mardi, danse

    Etc.

[texte]
A la cour du palais il  y’a t’une servante
Qui a tant d’amoureux qu’elle ne sait lequel prendre
C’est un jeune cordonnier qu’a eu la préférence
Il lui fit des souliers en maroquin de Nantes
En lui mettant aux pieds il lui fit la demande
La belle, si tu voulais, nous coucherions ensemble
Dans un beau lit carré couvert de toile blanche.

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En savoir plus

Bibliographie

Coirault Patrice, Répertoire des chansons françaises de tradition orale, ouvrage révisé et complété par Georges Delarue, Yvette Fédoroff, Simone Wallon et Marlène Belly, Paris, Bibliothèque nationale de France, 1996-2006, 3 volumes

La Flamande qui a tant d’amoureux (Demandes en mariages – Fiançailles - N° 04801) : 47 versions référencées

Laforte Conrad, Le catalogue de la chanson folklorique française, Québec, Presses de l’université de Laval, 1977-1987, 6 volumes
La mariée s’y baigne (I, D–01) : 144 versions référencées

Fribourg Jeanine, Poésies chantées de tradition orale en Flandre et en Bretagne, Paris, librairie Honoré Champion, 1991
Poulain Albert, Carnets de route – Chansons traditionnelles de Haute-Bretagne (Presses Universitaires de Rennes, Dastum, 2011, page 201

Discographie

Tri Yann : Suite Gallaise, Marzelle, 1974, plage N° 1
Mme Marigot : Dastum N°4 – Pays de Loudéac, Dastum, 1986, plage N° 1
L’Echo des Luths : Musiques de Haute Bretagne, Escalibur, 1987, plage N° 4
Emile Houeix : Chansons amoureuses en Haute-Bretagne, Pixie, 1996, plage N° 10
Les Mangeouses d’Oreilles : Plaignons les coureurs de nuit, Dastum, 1996, plage N° 16
Les Traines-Meuriennes : Chants à Danser du Pays d’Oust, Pixie, 1997, plage N° 2
Gwerz : Au-delà, Coop Breizh, 1998, plage N° 1
Gaël Rolland : Ramaojrie, La Bouèze, 1999, plage 25
Hamon-Martin Quartet : Allune, Coop Breizh, 2001, plage N° 8
Roland Brou, Mathieu Hamon, Charles Quimbert : Garçons Sans-souci, Coop Breizh, 2002, plage N° 3
Les Baragouineurs : BPM, Coop Breizh, 2003, plage 10
Les Chantous de Loudia : D’hier à aujourd’hui, Autoproduction, 2004, plage N° 1
Jacal : Voici venu… Kerig productions, 2004, plage N° 15
Sylvain Girault et Pierre Guillard : Chants de Haute-Bretagne, Coop Breizh, 2006, plage N° 8
Filifala : Vorona, Coop Breizh, 2007, plage N° 6
Yudal Combo : Yudal Combo,  Autoproduction, 2007, plage N° 2
Francine Ecobichon : Veillées à Sant-Carreuc… De Ouip en OUap, 2009, plage N° 3.10
Alexis Malard : Pays de Ploërmel, chanteurs, sonneurs et conteurs traditionnels, Dastum, 2017, plage N° 5 (CD 1)

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Rédaction d'article :

Hugo Aribart

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