Ancienne raffinerie de Chantenay
Au 19e siècle, l’industrie sucrière, présente à Nantes depuis le 17e siècle, est en plein essor. Dans ce contexte, Louis Cézard reconvertit une ancienne huilerie en raffinerie qui reste active jusqu’en 1968.
La raffinerie de sucre de canne, une tradition nantaise
Sur un terrain de 4900 mètres carrés avec maison de maître, la société Charles Suffisant établit une huilerie en 1858. L'usine consiste en un bâtiment de fabrication à deux étages et un hangar adossé au mur de la rue Jules-Launay. En 1866, Louis Cézard la reconvertit en « petite raffinerie » pour fondre quinze tonnes de sucre par jour. À l'est du bâtiment de fabrication, réutilisé comme halle de cuite, est adossée une extension. La clarification et la filtration en occupent la partie sud et quatre étuves la partie nord. L'ancienne maison de maître sert de magasin et de logement. Un gazomètre, destiné à produire le gaz d'éclairage des ateliers, et une revivification du noir animal de raffinerie usé (os calcinés d'animaux utilisés dans la fabrication du sucre pour le clarifier) sont construits en 1869 pour Albert Cézard, associé et locataire de son frère depuis 1868 et directeur de l'usine de 1868 à 1883.
L'extension de l'usine à l'ouest dans les années 1878-1880 concrétise l'adoption du moulage du sucre en tablettes. L'unité de fabrication des sucres en morceaux est complétée par trois petits bâtiments à l'usage des ouvrières de la casserie (toilettes, vestiaire et réfectoire), bâtis à l'alignement d'appentis (atelier de réparations, dépôt des noirs d'engrais, laboratoire, magasin et cave). L'effectif passe de 33 à 71 ouvriers entre 1864 et 1880.
En 1880, l'usine fusionne avec la raffinerie des Ponts d'Émile Étienne et la candiserie Bourcard et Cie, situés sur l'actuelle île de Nantes, pour créer la société anonyme des anciennes raffineries Émile Étienne et Cézard. Ce rapprochement a pour objectif de renforcer la raffinerie de sucre de canne face à la concurrence des raffineries du sucre de betterave. Néanmoins, la fusion n'empêche pas les pertes. Malgré la fonte de plus de 36 000 tonnes de sucre, la société fait faillite l'année suivante et l'usine ferme.
La création de la Raffinerie de Chantenay
En 1884, la raffinerie est remise en activité par Ernest Souques, industriel guadeloupéen qui cherche à acquérir des raffineries en métropole pour transformer ses sucres et ses rhums. Il devient le directeur-gérant de l'usine en 1886, date de la création de la Raffinerie de Chantenay. Sur une extension de terrain à l'est est construit un bâtiment où le rhum arrivant des Antilles est conditionné après décantation. L'atelier de façonnage et de conditionnement des sucres en morceaux est prolongé. Suivent entre autres la construction d'un atelier de fabrication des sucres en pains, d'une nouvelle filtration, d'une ferblanterie. La chaufferie et la halle des générateurs sont reconstruites ou prolongées vers 1893 par deux halles jumelles, les turbines électrifiées, la pilerie (bâtiment où la vergeoise était réduite en poudre) surélevée et prolongée.
Une raffinerie moderne aux activités diversifiées
En 1905, Lizeray, ingénieur attaché à la société Say devenu administrateur délégué de la raffinerie en 1905, déclare le matériel vieilli et l'organisation trop coûteuse en main-d'œuvre. Une nouvelle raffinerie est construite, où sera transféré l'essentiel de la fabrication, les procédés et les matériels étant ceux déjà utilisés dans la Raffinerie Say de Paris.
Au tout début de la première Guerre Mondiale, la nouvelle usine est pratiquement achevée. C'est dans une partie des bâtiments anciens libérés par le transfert que commence en 1911 la fabrication de sucre cristallisé puis en 1915 de candi et, vraisemblablement, celle d'un aliment mélassé pour chevaux et bestiaux appelé « L'Intensif ». En 1914, la raffinerie a les moyens d'une grande usine et emploie 700 ouvriers. En 1921, la candiserie est augmentée d'un bâtiment pour « L'Intensif » par L. Cormerais et M. Jamin, architectes à Nantes. L'entreprise Hennebique de Nantes, ses agents nantais O. Robiou du Pont et H. Martin, obtiennent les travaux en béton armé de la nouvelle usine de Chantenay dans les années 1920 (une centrale thermique, une centrale électrique, plusieurs malaxeurs etc.).
La société anonyme des raffineries et sucreries Say reprend l'établissement en 1967 et le ferme en 1968, un an après la construction d'un dernier bâtiment. Ceux alignés sur la rue Jules-Launay sont aussitôt démolis pour l'élargir. En 1978, la nouvelle usine et la partie restante de l'Intensif de 1921 sont détruites. Le bâtiment construit à la veille de la fermeture existe encore.
Jacques Cailleteau, Evelyne Robineau
Région Pays de la Loire, Inventaire général ; Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole
1989
Album « Fonctionnement de la raffinerie »
En savoir plus
Bibliographie
Fierain Jacques, L'action des syndicats patronaux dans le raffinage du sucre en France (1844-1914). Enquêtes et documents, 1985, IX.
p. 62
Fierain Jacques, Les raffineries de ports en France, Atelier de reproduction des thèses, Université de Lille III, 1976
« Les usines de la société des anciennes raffineries Émile Etienne et Cézard, de Nantes » in Album industriel et financier publié sous les auspices des la banque de prêts à l'industrie, A. Chaix et compagnie, 1881, p. 210-218
Rochcongar Yves, Capitaines d'industrie à Nantes au XIXe siècle, MeMo/e+pi, 1999, p. 154-155
Valladier Hector, Histoire de la raffinerie à Nantes. Le sucre et les raffineries nantaises, 1940
Webographie
Notice de l'inventaire par la Région Pays de Loire
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Rédaction d'article :
Jacques Cailleteau, Évelyne Robineau
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