Aménagements portuaires au Moyen Âge et au 16e siècle (2/7)
Au Moyen Âge, le port de Nantes est essentiellement concentré sur une activité fluviale. Les toues, les escaffes ou les gabarres, bateaux à fond plat typique de l’espace ligérien dont le tonnage varie de 6 à 30 tonneaux, apportent à Nantes denrées et matériaux depuis l’aval - espace appelé « bas pays » - et l’amont - espace nommé « haut pays ».
Les navires de mer qui ne dépassent pas les 70 tonneaux rapportent, quant à eux, dès le 14e siècle, des marchandises de Guyenne, d’Espagne et d’Angleterre tandis que des bateaux chargés de vin, de toiles et de chanvre partent vers les îles britanniques. Si la présence dominante des petites embarcations s’explique par la proximité de la Bretagne, de la Normandie et même de l’Angleterre vers lesquelles s’exporte une grande partie des produits débarqués à Nantes, le mouvement incessant des barges est également nécessaire en raison des caractéristiques du fleuve, de la présence de la ligne des ponts, barrière infranchissable pour les navires, et de la physionomie du port.
Idée de la ville de Nantes à la fin du 15e siècle
Date du document : 2018-2020
Organisation et physionomie du port de Nantes
Avant le 16e siècle, le port de Nantes - qui est essentiellement connu par les droits perçus sur les marchandises descendant ou remontant la Loire - est constitué d’un chapelet de petits points de chargement et déchargement dont les équipements sont sans doute rudimentaires. D’après Jean-Baptiste Ogée, deux d’entre eux sont installés au pied du château par Pierre de Dreux dit Mauclerc, duc de Bretagne de 1213 à 1237 : le port Pierre-de-France et le port Briand-Maillard.
Le premier, aménagé dans une anse proche de la tour de Sainte-Radegonde (entrée actuelle de l’édifice), disparaît dans l’agrandissement du château en 1490 ; le second est situé en front de Loire, sur une grève étroite entre le château et le pont de la Poissonnerie. Par leur situation, ces ports qui communiquent avec la ville fonctionnent sous une étroite surveillance castrale. En-dehors de la muraille urbaine léchée par le fleuve, le port Maillard n’est qu’une grève d’échouage d’environ 30 toises de profondeur (58 mètres environ) séparée de la porte de ville par une boire ; un pont couvert d’ardoise mène donc à la poterne d’entrée dans la ville.
Agrandissement du quai de la Poterne
Date du document : 1595
Au début du 16e siècle, la physionomie du lieu évolue un peu car les échevins décident de combler la boire et d’établir une chaussée continue entre la ville et le port. Autour de cette chaussée, l’espace est divisé en deux zones. Dans la zone aval, proche de la porte de la Poissonnerie, un petit pavillon carré est bâti pour protéger un treuil à bateaux. Sa présence permet également d’imaginer qu’au début de la Renaissance cette partie de la grève d’échouage a été consolidée en pierre ou en bois afin de pouvoir arrimer le treuil et de construire un bâtiment. La physionomie de la zone amont n’est en revanche pas connue et il est vraisemblable qu’elle soit restée à l’état de grève naturelle propice à l’échouage des barges à fond plat. Par ailleurs, il est certain que le port Maillard médiéval n’est protégé par aucun quai et reste donc soumis aux inondations.
En 1554, l’insuffisance du port Maillard est criante et ses utilisateurs réclament un quai. La ville demande donc à Roger Varier de fournir un « devis et portrait d'un cail » pour lequel il perçoit quatre écus. Mais le coût du projet ne permet pas de lancer ces travaux. Entre 1575 et 1579, les échevins sollicitent deux fois le concours de la communauté des marchands fréquentant la Loire « afin d'établir au port Maillard, près du château, un quai dont le manque est de la plus grande incommodité ». Le refus opposé par la communauté fait que le premier quai de Nantes ne sera établi qu’en 1582 alors qu’à Strasbourg, les palissades de l'Ill sont remplacées par un quai maçonné entre 1412 et 1423.
Le port Lorido, nommé port de la « Pouterne » au 16e siècle et situé le long de l’actuelle allée Flesselles, subvient également aux besoins de la navigation. Mais en 1590, ce port est « incommode, pour le peu de grandeur et longueur d'icelluy, que à peine peult l'on descharger à la foiz troys vaisseaulx ensemble, qui est cause que advenant une tempeste et temps pluvieulx, les marchandises le plus souvant se gastent et dépérissent, et sont contrains les mariniers faire grand séjour actendant la descharge des ungs des aultres, en leur ranc ou selon leur arrivee, chose qui apporte grand préjudice au général et particulliers de ceste ville, auquel aisément il peult estre pourveu en accroissant ledict port de longueur compectante ».
Fortification de l'île de la Saulzaie
Date du document : 15-03-1808
Un petit port est également en place sur une grève naturelle devant les murailles du faubourg de Richebourg avant l’extension du village qui absorbera le port et reportera ses activités sur Nantes. Un autre se met également en place dans l’étier de Mauves.
L’ensemble de ces petits aménagements situés en amont des ponts, dans la partie « fluviale » de la Loire, constituent donc au 16e siècle ce que l’on peut appeler le port de Nantes dont la partie la plus importante comprise entre la porte de la Poissonnerie et le château mesure moins de 300 mètres de long et est sectionnée en plusieurs tronçons.
Profil ou nouvelle scription de la ville épiscopale et port de mer de Nantes en Bretagne
Date du document :
Face à ce port principal en amont des ponts, deux autres aménagements existent. Le premier consiste en une petite grève d’échouage le long du rocher de la Saulzaie. Le duc Jean y installe une cohue au poisson dès le 15e siècle. Cette cohue ne semble pas avoir été bâtie, c’est une criée sur la grève. L’espace dédié à la vente des produits de pêche est divisé en deux : l’un pour le poisson salé, l’autre pour le poisson frais.
Le second aménagement se trouve à la Fosse. Ce faubourg accueille dès le 14e siècle de grosses communautés d’étrangers qui se retrouvent pour discuter de leurs affaires autour de bourses comme celle « des marchandises du Nord » ou comme la « bourse et estappe d'Espaigne », etc. La présence de ces étrangers dans le faubourg ne semble pas être due à l’opportunité d’un port mais s’explique plutôt par les relations tendues avec les Nantais toutes professions confondues. Le faubourg débouche sur la Loire par une grève sur laquelle se développe au cours du Moyen Âge (la période exacte n’est pas connue, mais semble assez tardive) un port nommé « Port-au-Vin ».
Cette grève est sans doute relativement étroite et, en grande partie, occupée par des chantiers de construction navale jusqu’en 1583 où ceux-ci sont déplacés sur l’île Gloriette pour créer un premier quai et une première cale en bois à la Fosse. La situation de la grève du Port-au-Vin peut laisser penser que cet espace est plus propice à recevoir les navires en provenance de l’océan mais la réalité de la navigation à la fin du Moyen Âge et au début de la Renaissance ne permet en aucun cas d’affirmer une spécialisation aussi ancienne. En effet, sans quai, cette grève ne pouvait être abordée que par des bateaux à fond plat : les navires océaniques mouillaient donc plus loin et les barges les déchargeaient amenant les marchandises au plus près des habitations-entrepôts de leurs propriétaires. En revanche, la toponymie du Port-au-Vin suggère que ce lieu était spécialisé dans le déchargement des vins venus du Val-de-Loire et dans leur chargement vers la Bretagne, l’Espagne ou les pays nordiques.
Carte des ports des rives de Loire de Nantes Métropole
Date du document : 2020
Avec son Port-Maillard et son Port-au-Vin, le port médiéval de Nantes est donc, comme dans toutes les villes-ponts de France voire d’Europe, bipartite avec un port amont prédominant et un port aval spécialisé. Si Nantes est un marché de consommation de première grandeur pour les produits locaux, il semble que, jusqu’à l’époque contemporaine, son port soit avant tout un lieu de transit pour des denrées produites en France comme les vins de Loire, le sel de Guérande ou le blé (exporté vers le Portugal) et des marchandises produites en Europe comme le fer d’Espagne.
Naissance du réseau portuaire nantais
Portés par la navigation de cabotage d’une échelle souvent locale, ces échanges donnent naissance à un réseau portuaire s’étendant autant en amont qu’en aval du port de Nantes. Ainsi, entre Mauves-sur-Loire et Le Pellerin, neuf sites portuaires sont attestés d’après les sources médiévales. Plusieurs de ces ports ont à l’origine une fonction fiscale en tant que lieu de prélèvement et de redevance sur les marchandises transitant sur le fleuve de la part des seigneurs locaux. Ainsi, un aveu de 1417 indique qu’en « la paroisse de Saint-Jean et Saint-Père-de-Bouguenais, un devoir nommé vrillage est dû à savoir sur chaque pipe ou vessel de vin ».
À cette fonction fiscale s’ajoute une fonction commerciale motivée par la position stratégique du port de Nantes entre la Bretagne, l'Anjou et le Poitou. Certains de ces sites en rive sud, comme la Roche-Ballue ou Port-Lavigne, se spécialisent dès le Moyen Âge dans le commerce de marchandises en provenance du Pays de Retz, notamment le sel et le vin. Pourtant, ce qui caractérise la plupart des ports médiévaux à l’échelle de la métropole nantaise, c’est une fonction de traverse et donc de mise en communication des deux rives. Nantes forme très tôt un point de convergence d’importantes routes terrestres de l’Ouest de la France où le fleuve constitue un véritable obstacle à franchir.
Trois « passages » sont ainsi identifiés : les ports de Mauves et Thouaré en amont de Nantes et le binôme portuaire de Couëron-Le Pellerin en aval. Ce dernier est attesté en 1469 par la mention dans un texte d'un droit de passage pour le seigneur « détenant le passage du Pellerin à travers la Loire ». Il reste néanmoins difficile d’appréhender l’organisation dans l'espace de ces sites portuaires médiévaux, tout autant que la localisation précise de leur point de contact avec le fleuve.
Suite Aménagements portuaires aux temps modernes (3/7)
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
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Rédaction d'article :
Julie Aycard, Julien Héon
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