Bandeau
Statue du Général Cambronne Canal de Nantes à Brest

1897

Victor Girard (1867 – 1954)


Photographe professionnel et reporter au journal Le Phare, Victor Girard a arpenté la ville de Nantes à la naissance du 20e siècle. Il devient ainsi le témoin de l’histoire de la cité des ducs. Tous ses clichés ont été conservés par sa famille dans un souci de transmission du patrimoine culturel de la ville.

Panonceau publicitaire du photographe Victor Girard

Panonceau publicitaire du photographe Victor Girard

Date du document :

Né pour photographier

1867. Gustave Bazelais est l’un des dix photographes qui ont pignon sur rue à Nantes. Il vit, pour l'essentiel, des portraits qu'il réalise pour les notables, comme tous ses confrères qui affichent souvent comme raison sociale celle de « portraitiste ». Aujourd’hui, 11 novembre, c’est une séance photo un peu particulière. Le bébé de deux mois qu’il photographie dans les bras de sa mère est le fils de Victor Girard, son employé,  Ce dernier a baptisé son fils « Victor », du même prénom que lui-même (une coutume assez répandue à l’époque). L'année suivante, Victor (père) reprend l’atelier de M. Bazelais.

Quelques années plus tard, on retrouve le jeune Victor élève au prestigieux lycée privé Saint-Stanislas à Nantes. Son père s'est très vite inséré dans la bourgeoisie catholique conservatrice, ce qu'indique bien alors le choix de cet établissement scolaire. En 1886, Victor obtient son baccalauréat ès Lettres, un diplôme réservé alors à moins de 2% des jeunes hommes du département.

Portrait d'Alexis de Broca par Victor Girard

Portrait d'Alexis de Broca par Victor Girard

Date du document :

Premiers portraits des soldats

Après l’obtention de ce diplôme, il s'engage aussitôt pour sept ans dans l'armée, au 62e Régiment d’Infanterie de Lorient. À cette période, il fait la connaissance de Alexis de Broca, artiste peintre. qui réalisait alors de nombreux portraits d'officiers, des paysages et des caricatures. Les deux amis eurent plusieurs fois l'occasion d'être invités à la table de Sarah Bernhardt, célèbre comédienne de l’époque, à la Pointe des Poulains à Belle-Île-en-Mer (Morbihan). Pendant son engagement, le sergent Girard se fit remarquer à la grande fête du Drapeau du 62e Régiment, et fut félicité dans les colonnes de L'Avenir de la Bretagne. Avec Alexis de Broca, il avait conçu à cette occasion la décoration de deux salons. Dès cette époque, Victor possède un appareil photo et il immortalise la vie au régiment.

Victor Girard dans sa tenue militaire de sous-officier (sergent)

Victor Girard dans sa tenue militaire de sous-officier (sergent)

Date du document : 1919

Reprise du flambeau paternel

Après son passage à Lorient, Victor envisage de poursuivre une carrière dans la Marine. Ses plans seront contrariés puisque son père décède le jour de Noël 1893. Les pressions de sa mère sont les plus fortes : il prend la succession et devient photographe. En 1907, il se marie à l’âge de 40 ans, et il aura deux ans plus tard une fille, Louise, qui va vite devenir son sujet favori.

Durant sa carrière, Victor ne se contenta pas de rester dans son studio de la rue Boileau. Il descendait dans les rues de Nantes avec ses appareils. Reporter au quotidien nantais Le Phare (ancêtre de Presse-Océan), il se révéla un étonnant chasseur d'Images. C’était l’époque de la Venise de l’Ouest, une ville de Nantes irriguée par plusieurs bras de la Loire et parcourue par l'Erdre, avec ses îles dont seuls les noms nous sont restés (île Feydeau, île Gloriette). Le port fut l'un de ses lieux de reportage favoris. Victor Girard a fixé sur ses plaques avec un talent très sûr de majestueux voiliers, le pont transbordeur (présent à son inauguration), les quais encombrés de marchandises, les chantiers navals. Sa passion de l'armée le conduisait aussi du côté des défilés militaires, des dragons cavalcadant, des canons. Son goût pour le quotidien lui faisait saisir au hasard de ses promenades des anecdotes multiples : les marchés, les petits métiers, les épreuves sportives, le cirque. Son reportage le plus épique fut sans conteste l’effondrement du Pont Maudit en 1913. Il est là quand apparaissent les premières fissures, et il saisit sur le vif la dislocation de l’édifice jusqu’à la fin.

Louise et les soldats noirs américains

Louise et les soldats noirs américains

Date du document : 1917

Un photographe engagé

Pendant la guerre 1914-18, Victor Girard photographia, si l'on peut dire, le cosmopolitisme de Nantes. Il prit en photo les armées en transit, et du côté de son studio, il avait affiché ses tarifs en plusieurs langues. Des soldats venus des quatre coins de monde, Américains, Indiens, Russes, Chinois, Tonkinois, grimpèrent ses quatre étages, pour poser d'une façon martiale. À cet effet, Victor Girard avait réalisé en bois un canon de 75 ainsi que la maquette d'un cavalier sur sa monture. Il proposait aux soldats noirs américains, victimes de ségrégation chez eux comme dans l’armée, de poser avec sa petite fille Louise, alors âgée de huit ans. Ils envoyaient l'épreuve aux États-Unis, pour dire qu'en France le racisme n'existait pas.

Défilé de retour du 265e régiment d'infanterie de Nantes et son drapeau, rue Crébillon

Défilé de retour du 265e régiment d'infanterie de Nantes et son drapeau, rue Crébillon

Date du document : 27-02-1919

Dernier cliché

Grâce à ses activités et sans doute à l'héritage paternel, Victor Girard vit rapidement dans une certaine aisance. Il contribue très généreusement, à hauteur d'un peu plus de 3000 francs-or, aux emprunts de guerre en 1915 et 1916. Il prend sa retraite à 52 ans, en 1919, en se retirant à Trentemoult puis à Pornic dans les années 1930, où il fixe sur pellicule la vie dans la cité balnéaire. Peut-être a t-il connu des revers de fortune, comme de nombreux rentiers lors de la Grande crise de 1929. Toujours est-il qu’il exerce alors divers métiers, dont celui de caissier au casino de Pornic. Dans les années 1940, c’est à Muzillac (Morbihan) qu’il se retire définitivement. Jusqu’au bout il prend des photos, comme en témoigne le dernier cliché qu’on connaisse de lui, le passage du Tour de France cycliste en 1950, quatre ans avant sa mort, à l’âge de 87 ans. Sa fille Louise, quant à elle, demeurera dans la petite cité bretonne jusqu’à sa disparition en 2006. Elle a alors atteint l’âge canonique de 96 ans.

Nicolas Quennec
2019

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