Premiers terrains de rugby à Nantes
Les clubs de rugby nantais durent s’armer de patience avant de pouvoir disposer d’un véritable terrain où pratiquer leur sport favori. De l’hippodrome du Petit-Port au vélodrome de Longchamp en passant par les prairies inondables de Pont-Rousseau, les rugbymen firent preuve d’une grande capacité d’adaptation pour jouer dans des lieux avant tout réservés à d’autres sports ou au pâturage.
Les terrains du Petit Port et de Pont-Rousseau
Si pour les coureurs à pied, les chemins ou les routes étaient un excellent terrain de jeu, il n’en fut pas de même avec les sports collectifs comme le rugby ou le football. Il fallait trouver un terrain assez grand et sur lequel il y aurait de préférence un peu d’herbe.
Le premier terrain trouvé pour les pratiquants de rugby fut le champ de courses du Petit-Port. Au milieu des pistes de l’hippodrome, de vastes zones planes permettaient de tracer à la chaux un terrain de football ou de rugby. Ce terrain était aussi le lieu favori d’entraînement de l’armée et de sa cavalerie. Il devenait, suivant les saisons, soit très boueux, soit très sec, mais il était surtout très caillouteux. Ce sont les élèves du lycée de Nantes (actuel lycée Clemenceau), membres de l’association du Stade Nantais, qui, les premiers, y jouèrent au rugby à Nantes.
Champ du course de Petit Port
Date du document :
À sa création, le Sporting Club Universitaire Nantais (SCUN) se mit à la recherche d’un terrain. C’est sur le terrain du Châtelet à Pont-Rousseau que furent disputés les matchs. Avant chaque match, les joueurs devaient eux-mêmes tracer les lignes marquant le terrain et planter les poteaux. Ils ignoraient également le confort d’un vestiaire et le bien-être d’une douche.
Vue du terrain du Châtelet à Pont-Rousseau en face l'embarcadère de Vertou
Date du document :
« Le terrain de nos exploits sportifs fut, après les cailloux du Petit Port, une prairie bordant la Sèvre, près du pont de Pont-Rousseau. Le vestiaire était dans le bistrot du coin. Ce terrain, d'une largeur insuffisante, était bordé sur chacune des touches par des douves de 3 mètres de largeur et de 1 mètre de profondeur environ. Ces douves, qui communiquaient avec, la Sèvre, se remplissaient d'eau et à chaque marée montante ; aussi, le ballon allait-il fréquemment à la flotte et, pour le repêcher, nous nous servions d'une longue épuisette qui faisait partie du matériel indispensable à nos matchs de rugby. Parfois, c'était un joueur qui y piquait une tête. » (Docteur Yves Thomas, Annuaire du SNUC, 1949-1950)
Les agriculteurs, propriétaires des terrains, mettaient aussi à paître leurs braves vaches. L’herbe du bord de Loire était bien grasse et le fruit de cette digestion restait dans le champ, un peu partout, ce qui n’était toujours des plus agréables, surtout sur les plaquages. Les masques de boue sont meilleurs que les masques de bouses !
Saut à la perche sur le terrain du Châtelet à Pont-Rousseau
Date du document :
Le vélodrome de Beauséjour
À la fin du 19e siècle, le vélo était le sport le plus populaire. À cette époque, posséder son vélo était un signe de richesse. On pouvait s’en procurer un dans les nombreux magasins de location situés dans le centre-ville, sur la route de Vannes près de la Ville-en-Paille, et sur la route de Rennes.
Henri Joly Blason du Sabla (28 mai 1866-10 novembre 1954) était propriétaire d’une auberge à l’angle de la route de Vannes et de l’actuel boulevard du Massacre. Son café était le rendez-vous des cyclistes. En 1894, il décida de construire un vélodrome privé derrière son café. La piste ne faisait que 400 mètres, les virages 100 mètres de développement et la ligne droite n’était que de 100 mètres.
Le vélodrome de Beauséjour lors d’une course de vélos
Date du document : 19eme siècle
M. Du Sabla, souvent appelé ainsi, était réputé pour sa gentillesse et son dynamisme dans l’organisation des courses. En partie sur terre battue à ses débuts, la piste fut entièrement cimentée en 1897 car la concurrence du vélodrome de Longchamp, fraîchement inaugurée, lui faisait perdre des clients : « Monsieur Du Sabla a fait d’heureuses transformations à son vélodrome. Les tribunes commencent à l'arrivée pour aller jusqu'au dernier virage, soit une longueur de 80 à 100 mètres : des chaises seront installées et on y sera assis très commodément pour voir les courses. De plus, le jardin du milieu fait place à une pelouse où les entraîneurs pourront s'échapper à l'aise. En face, des locaux spéciaux seront affectés aux coureurs amateurs et aux professionnels. Avant peu, Beauséjour sera un lieu de rendez-vous charmant aussi bien pour les cyclistes qui vont s'y entraîner que pour les pédaleurs qui y trouveront un but de promenade. » (Extrait du Phare de la Loire du 5 avril 1898)
Le vélodrome fonctionna avec un groupe d’habitués et le concours de quelques sociétés vélocipédiques qui obtenaient des tarifs pour utiliser la piste.
En 1906, le SCUN, par l’intermédiaire de son actif président Marcel Pionneau, recherche une solution au terrain de Pont-Rousseau, si souvent indisponible à cause des inondations. Le club trouve son bonheur au vélodrome de Beauséjour : « La pluie nous empêchant d’assister aujourd’hui à l’entraînement à Pont-Rousseau, nous sommes allés rendre visite au nouveau terrain du SCUN, route de Vannes, ancien vélodrome Beauséjour ; les travaux sont très avancés et nous pouvons annoncer que l’on commencera dès la semaine prochaine le tracé des pistes officielles des 100 mètres, 110 mètres haies et de la grande piste circulaire pour les courses de 400 mètres et 1500 mètres plats. Les tennis seront installés dans le courant du mois de mai. Le site véritablement très beau, viendra en aide, nous en sommes sûrs, aux organisateurs des épreuves athlétiques, et nul doute que les sportmen nantais n’apprennent bientôt le chemin de la superbe propriété du SCUN. » (Extrait du Phare de la Loire du 21 avril 1906)
En 1907, le SCUN fusionne avec le Racing Club Basse-Indre Couëron, donnant naissance au Stade Université Club (SNUC). La même année, ce dernier dispute son premier match contre le Sport Athlétique de Bordeaux : « Le terrain a été sensiblement amélioré ; les limites en sont nettement tracées à la chaux ; une balustrade l’entoure, derrière elle les spectateurs suivent commodément toutes les phases de jeu, sans pouvoir gêner les joueurs. » (Extrait du Phare de la Loire du 18 octobre 1907)
Le SCUN puis le SNUC y joueront toutes leurs compétitions jusqu’en septembre 1908 avant d’intégrer le vélodrome de Longchamp, qui avait un terrain plus grand et réglementaire. Le terrain du vélodrome de Beauséjour sera vendu comme terrain à lotir peu de temps après.
Le vélodrome de Longchamp
Situé près de la route de Rennes, à environ 4 kilomètres du centre-ville et desservi par le tramway, le vélodrome de Longchamp fut créé sur une initiative privée, par Eugène Chéreau (11 février 1866-4 février 1949). Ce dernier était un passionné de vélo, marchand de cycles rue de Rennes et aussi champion de France de cyclisme en 1888. Le vélodrome est inauguré en août 1897.
Vue aérienne du vélodrome de Longchamp
Date du document :
Le premier match international du SNUC fut disputé dans cette enceinte contre le London’s Hospital les 25 et 26 décembre 1909. Le public a répondu présent et le vélodrome fut trop vite rempli. Quelques mois plus tard, pour la réception du Stade Français, c’est 4000 personnes qui se bousculaient au guichet.
En 1911, le vélodrome accueillit pour la dernière fois le Grand Prix du Conseil Municipal, une course de vélos avec des champions français et étrangers organisées par le Vélo Sport Nantais. Il fut par la suite supplanté par le Parc des Sports du Champ-de-Mars, inauguré en 1912, et cessa toute activité avec la Grande Guerre de 1914-1918. Laissées à l’abandon, ses tribunes tombant en ruines, les jeunes du quartier y trouvèrent un terrain de jeux des plus appréciables.
Le vélodrome de Longchamp lors d’une course de vélos
Date du document : Fin 19ème siècle – 20ème siècle
Le vélodrome de Longchamp a réussi à fidéliser des supporters de plus en plus nombreux qui ont amené le SNUC à chercher d’autres terrains. Surtout, le club possédait de plus en plus d’équipes et manquait de lieux pour pratiquer le rugby.
La prairie d’Amont
C’est sur un terrain plus proche du centre-ville que l’on aménagea des tribunes pour recevoir les plus grands clubs français de rugby, et surtout, un public de plus en plus nombreux. On conserva ce terrain de nombreuses années. En 1911, le SNUC, avec le soutien de mécènes, décida de construire un stade plus confortable appelé Champ-de-Mars.
Hervé Padioleau
2023
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Rédaction d'article :
Hervé Padioleau
Témoignage :
Yves Thomas
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