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Willy Pelletier (1913-1944) Nantes / Saint-Nazaire

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Pauline-Isabelle Lefèvre-Utile (1830-1922)


Pauline-Isabelle Utile naît le 30 juin 1830 à Marle dans l’Aisne. L’histoire de sa vie, c’est aussi celle de la célèbre marque de biscuits LU qu’elle a contribué à créer aux côtés de son époux Jean-Romain Lefèvre et de leur fils Louis.

La rencontre entre un jeune pâtissier et une demoiselle de boutique

Le père de Pauline-Isabelle, gendarme à cheval, devient par héritage propriétaire terrien, ce qui lui permet de vivre de rentes. Lorsque Pauline-Isabelle atteint l’âge de seize ans, ses parents l’envoient à Varennes comme demoiselle de boutique. En effet, au cours du 19e siècle, les femmes commencent à quitter la sphère privée ou leur atelier à domicile pour se mettre à travailler dans les manufactures et les usines. Le métier de demoiselle de boutique apparaît alors comme un moyen efficace de s'élever dans la société, permettant aux femmes de constituer elles-mêmes leur dot.

La jeune fille rejoint donc deux de ses tantes, Anne et Agnès, dans cette nouvelle ville. Elles aussi sont devenues demoiselles de boutique dans leur jeunesse, les grands-parents maternels de Pauline-Isabelle n’étant pas capables de prendre en charge leurs deux dernières filles. Après avoir toutes les deux travaillé à Reims, Anne et Agnès se marient et s’installent dans la ville d’origine de leur conjoint respectif, Varennes.

C’est en travaillant dans cette ville de la Meuse que Pauline-Isabelle Utile fait la rencontre de Jean-Romain Lefèvre, de onze ans son aîné. Jean-Romain est originaire de Varennes, où il a grandi aux côtés de ses trois frères et de sa sœur. Une fois son service militaire terminé, le jeune homme a rejoint son grand frère Antoine à Nancy pour travailler à ses côtés en tant que fabricant de biscuits et de pain d’épices.

En 1846, Jean-Romain reçoit une lettre d’un ami l’informant qu’un pâtissier recherchait un successeur pour sa boutique située au 5 rue Boileau à Nantes. L’ambitieux varennois saisit cette opportunité, promettant de revenir épouser Pauline-Isabelle lorsqu’elle sera un peu plus âgée. En attendant, cette dernière poursuit son activité de demoiselle de boutique, peut-être auprès d’Auguste Lallement, un pâtissier de Varennes proche de ses tantes.

Portrait de Pauline Isabelle Lefèvre-Utile

Portrait de Pauline Isabelle Lefèvre-Utile

Date du document : 19e siècle

Le succès nantais du couple Lefèvre-Utile

Jean-Romain Lefèvre débute sa nouvelle vie à Nantes. La cité des Ducs de Bretagne, avec ses 94 000 habitants, est alors une ville très dynamique économiquement et en plein essor démographique. De nombreux ouvriers viennent y vivre afin de travailler dans l’industrie, et notamment dans l’une des quinze raffineries sucrières. Le commerce du sucre réunionnais à Nantes est une aubaine pour les pâtissiers qui peuvent se fournir facilement en matière première. Jean-Romain travaille dans la pâtisserie située au 5 rue Boileau, au cœur du quartier chic de Graslin. Il propose d'y vendre des biscuits anglais de la marque Huntley & Palmers, très prisés de la bourgeoisie nantaise, mais aussi ses propres confections, inspirées des traditions de sa région natale.

Le 7 octobre 1850, la famille Lefèvre se réunit à Varennes pour célébrer le mariage de Jean-Romain, rentré quelques temps dans la Meuse, et Pauline-Isabelle, alors âgée de vingt ans. La jeune épouse a pris pour témoin son cousin Émile, le fils de sa tante Anne. A son tour, elle quitte sa ville d’adoption pour suivre son mari à Nantes. Le 29 octobre 1851, elle donne naissance à leur premier enfant, Ernest.

Les biscuits vendus à la boutique rencontrent un franc succès auprès de l'élite locale. En 1850, les Lefèvre-Utile deviennent propriétaire de la pâtisserie où travaillait Jean-Romain et lui donnent le nom de « Fabrique de biscuits de Reims et de bonbons secs ». Ils y vendent des spécialités de l'est de la France, comme des biscuits de Reims et des bonbons au sucre cuit, peut-être aromatisés à la bergamote et fournis par le pâtissier-confiseur nancéien Antoine Lefèvre. En tant qu’ancienne demoiselle de boutique, Pauline-Isabelle a appris à gérer un magasin, et va mettre à contribution tout son savoir-être et son savoir-faire au profit de l’affaire familiale. C’est elle qui supervise la commercialisation des produits. Cependant, la production de biscuits est limitée. La boutique est étroite, et Jean-Romain ne dispose que d’un seul four. Grâce à la dot conséquente de Pauline-Isabelle, le couple acquiert le numéro sept attenant à leur lieu de vente en 1854. Désormais, la nouvelle boutique arbore fièrement les noms accolés des deux époux et partenaires. C’est une manière de reconnaître et montrer le rôle essentiel qu’à jouer Pauline-Isabelle Utile dans la réussite de l’entreprise, à la fois professionnellement et financièrement. Le nouveau magasin est aménagé avec raffinement, orné de lustres et de boiseries, les gâteaux présentés dans des coupes de cristal. Le couple choisit pour emblème La Renommée, divinité ailée jouant de la trompette, affirmant ainsi la qualité de leurs produits et une certaine ambition commerciale conquérante.
 

Atelier Lefèvre-Utile, 7 rue Boileau

Atelier Lefèvre-Utile, 7 rue Boileau

Date du document : 1885

Pendant ce temps-là, la famille Lefèvre-Utile s’agrandit. Pauline-Isabelle donne naissance à Auguste en 1854, qui survit peu de temps. En 1855, la petite Pauline vient au monde, suivi de Louis en 1858. La famille vit au 7 rue Boileau avec une domestique et un garçon pâtissier.

Tableau à biscuits LU

Tableau à biscuits LU

Date du document : vers 1910

Un savoir-faire familial reconnu

En 1861, la ville de Nantes organise l’exposition nationale afin de vanter le savoir-faire français dans l’industrie, l’agriculture et les arts. Un appel à candidature est lancé auprès des professionnels, et les frères Lefèvre concourent sous le nom de « Lefebvre-Utile ». En octobre, ils remportent une mention honorable dans la catégorie « Biscuits » grâce au biscuit de Reims. Les frères profitent de cette reconnaissance pour accroître la notoriété de leurs trois maisons de biscuits  (Lefèvre-George à Sedan, Lefèvre-Denise à Nancy et Lefèvre-Utile à Nantes) ainsi que celles de leurs cousins de Bruxelles et Verdun. Ensemble, ils forment un partenariat et gagnent en prestige.

En 1883, alors que les Lefèvre-Utile emploient quatorze ouvriers, Jean-Romain décède de maladie après avoir obtenu une médaille d’or départemental récompensant son travail. Il laisse son affaire à son fils cadet, Louis, et à son épouse. Pour répondre à la demande toujours croissante, l’entreprise familiale doit évoluer. Louis rachète une ancienne usine de filature sur les terrains de l’île de la Madeleine et modernise les outils de production. C’est en 1886 qu’il imagine le fameux Véritable Petit Beurre. Les années suivantes, Louis s’associe à son beau-frère Ernest et fondent officiellement la société Lefèvre-Utile qui se hisse parmi les plus importantes biscuiteries européennes.

Chromolithographie,  <i>L'usine LU, la Renommée et le pavillon LU</i>  à l'Exposition universelle de Paris

Chromolithographie,  L'usine LU, la Renommée et le pavillon LU  à l'Exposition universelle de Paris

Date du document : 1901

Le 5 avril 1922, Pauline-Isabelle Lefèvre-Utile décède dans sa 92e année, laissant derrière elle une affaire familiale prospère. Le 7 avril de la même année, L’Écho de la Loire rend un dernier hommage à l’œuvre de cette dame : « Mme Romain Lefèvre-Utile mère fut jadis la très active collaboratrice de son mari, le fondateur de la biscuiterie nantaise. On l’a vu pendant longtemps dans le modeste magasin de la rue Boileau, où la maison prit naissance. L’heure du repos venue, elle eut la joie d’assister au magnifique développement que surent lui donner ses enfants.»

Noémie Boulay
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2020

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En savoir plus

Bibliographie

Adouani Miren, « La saga pâtissière de trois varennois : les frères Lefèvre » In Terres d'Argonne, Société historique et culturelle de Varennes-en-Argone et de ses environs, bulletin n°9,‎ 2017, p. 115

Guyvarc'h Didier, « LU » In Dictionnaire de Nantes, Presses universitaires de Rennes, 2013, pages 601-607

Rubriques « Nécrologie » et « Convoi funèbre », L'Écho de la Loire, 7 avril 1922, p. 8

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Rédaction d'article :

Noémie Boulay

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