Parcs
Des quartiers – les Dervallières, la Lombarderie, la Colinière – ou de grands parcs publics – le Grand Blottereau, Procé, la Gaudinière, la Chantrerie – conservent la mémoire de certains parmi la centaine de parcs et jardins de grandes demeures qui ont connu, au fil du temps, une succession de formes. Le style paysager du 19e siècle s’est diffusé quasi uniformément dans la ville, avant que l’étalement urbain du 20e siècle n’apporte ses bouleversements.
Le style paysager du 19e siècle
Aux 17e et 18e siècles, les châteaux majeurs possèdent des jardins réguliers dits « à la française », qui comprennent un ou plusieurs axes de perspective et de symétrie, comme le montrent, pour Launay, les plans de Nantes établis par Le Rouge (1766) et par Coulon (1794). Au nord de l’édifice se déploient des parterres réguliers et, au sud, une avenue axiale plantée d’arbres. L’accès au Grand Blottereau, reconstruit entre 1742 et 1747, permet toujours d’imaginer l’ampleur de cette mise en scène.
À la charnière du 18e et du 19e siècle, la diffusion des jardins dits « anglais » annonce la remise en cause de ce style. Il s’agit de scènes pittoresques parcourues de sentiers sinueux, au sein de petites parcelles, qui ne bouleversent pas le parti habituel de composition, fidèle à la géométrie. En 1840, l’acte de vente du domaine de la Gaudinière à Jules Gouin mentionne ainsi une maison d’habitation avec chapelle, ménageries, dépendances, cour d’honneur, basse-cour, jardin anglais, verger, étang, bois et futaies, terres et prés, orangerie. À la faveur de la reconstruction de la maison, un nouveau parc, paysager cette fois, recompose l’environnement domestique. Ce style, qui se développe au cours du 19e siècle, bannit la rigidité des perspectives, du réseau hydrographique et des circulations. Les parcs et jardins s’articulent désormais autour d’allées courbes, exploitant le relief et reliant les voies de communication au point d’ancrage qu’est la demeure. Autant que possible, celle-ci ne se dévoile, en totalité, qu’au terme d’un parcours ponctué de scènes et de vues variées, agrémenté de fabriques propres à enchanter la promenade : bancs, kiosques. Le plan d’eau représente un élément pittoresque recherché, mais les commanditaires se contentent souvent de retoucher le contour de quelque ancien bassin géométrique. La création d’une île permet de lancer un pont et d’agrémenter les promenades en barque, comme c’est le cas au Plessis-Tison, où l’étang est creusé vers 1870. Par la largeur de son lit, l’Erdre offre aux propriétés situées sur ses rives l’opportunité de simuler une pièce d’eau. Il est en effet aisé, par des massifs boisés, d’intégrer la rivière dans la composition du paysage vu depuis la demeure. De nombreuses et nouvelles variétés d’arbres d’ornement, souvent exotiques, apportant, par leur feuillage et par leur port, des couleurs et des volumes jusqu’alors inédits, sont introduites dans ces parcs. L’accroissement considérable de la palette végétale alors disponible demeure perceptible puisque de nombreux sujets de belle taille – séquoias, cèdres, cyprès chauves…– ponctuent le tissu urbain et que certaines variétés, notamment le magnolia et le camélia, ont connu une formidable diffusion.
Quatre grands parcs publics, établis sur d’anciennes propriétés aristocratiques, témoignent, inégalement, de cette période. Au Grand Blottereau, la Ville a entrepris, depuis les années 1980, de refaçonner le parc par touches successives afin, autour de jardins thématiques, de faire découvrir les plantes utilitaires du monde entier. La composition paysagiste du 19e siècle se lit en revanche parfaitement à Procé, la Gaudinière et la Chantrerie, même si les emprises initiales ont été rognées et si, pour la Gaudinière, une imposante rocaille a été aménagée, de 1989 à 1991, sur la partie haute du ruisseau de la Patouillerie. Seule la Chantrerie, excentrée, se présente avec tous ses attributs architecturaux – demeure principale, orangerie, dépendances agricoles, chapelle – et apparaît comme le témoignage le plus authentique de la vie passée d’une grande propriété.
Résiduelles, les traces d’autres parcs sont parfois encore bien visibles. Ainsi, sur la rive droite de l’Erdre, la transformation de la Lombarderie, de la Houssinière et du Tertre en un vaste campus universitaire a permis, quatre décennies après l’achat des propriétés, la réorganisation des espaces publics et des circulations dans le cadre d’un projet d’aménagement du campus : depuis 2001, la Communauté urbaine de Nantes refond les masses boisées des anciens parcs en une coulée verte rendue accessible au plus grand nombre. Mais il ne reste rien ou presque rien des parcs du Loquidy, de la Morhonnière, du Ranzay, de la Saulzinière, de la Close, et l’actuel square du Plessis-Tison, à l’angle du boulevard Jules Verne et du boulevard des Belges, n’est qu’un reliquat du domaine de la Tullaye, démembré à la fin des années 1920 et presque totalement urbanisé depuis.
Entre urbanisation et soif de nature
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les besoins impérieux de logements conduisent à utiliser d’anciennes propriétés aristocratiques ou religieuses comme réserves foncières. La réalisation, de 1957 à 1965, de plus de 2600 logements collectifs transforme ainsi radicalement l’environnement du château des Dervallières, finalement démoli en 1985. La récente opération de réhabilitation du quartier mise sur la valorisation de la toute proche Chézine, la remise en eau de l’ancien bassin du parc et sur la création de jardins contemporains « à partager » afin d’améliorer la qualité des espaces publics. Aujourd’hui encore, les derniers parcs et jardins qui subsistent autour des châteaux nantais font l’objet d’âpres convoitises de la part des promoteurs immobiliers. Au sein de l’enclos du Ranzay, une maison de retraite et un ensemble de petits logements collectifs ont ainsi été livrés en 2000. Les abords de la petite propriété de la Basse-Chênaie accueillent, depuis 2003, un ensemble de résidences au dessin inspiré de celui de l’ancienne maison de maître, désormais totalement intégrée à la trame du quartier.
Formes d’habitat élitaire propres à l’espace rural, les châteaux ont progressivement perdu tout rôle d’organisation spatiale avec l’étalement urbain. Leurs parcs et jardins, régulièrement mis au goût du jour jusqu’au début du 20e siècle, ont subi le même sort. Les traces qui subsistent ne permettent pas d’imaginer l’importance des surfaces qui leur ont été jadis dévolues, ni le raffinement de leur conception, et encore moins la portée de leur pouvoir symbolique.
La demande de nature influence aujourd’hui les opérations de restructuration urbaine. Dès 1987, le quartier artisanal désaffecté de l’île de Versailles est transformé en jardin japonais. Le site des anciens chantiers navals, sur l’Île de Nantes, accueille désormais 13 hectares de jeux, de promenade et d’espace de détente, grâce à différents jardins thématiques où se marient le souci de respecter la mémoire ouvrière et celui de compléter la rare végétation existante par l’implantation d’essences adaptées. Le Jardin des fonderies, sur 3200 mètres carrés, prend ainsi place sous les halles d’anciennes fonderies réhabilitées, mettant en valeur le patrimoine botanique et horticole nantais et révélant les traces de l’activité industrielle passée du site. L’aménagement de la carrière de Miséry, à l’abandon, permet de relier les hauts quartiers – la butte Sainte-Anne et Chantenay – à la Loire en favorisant le développement de la végétation typique de l’estuaire, les graminées.
Acheté en 2011 par la Ville à la congrégation des sœurs franciscaines des Oblates du Sacré-Cœur, le parc des oblates est ouvert aux promeneurs en 2013, devenant, symboliquement, le centième parc public de Nantes. Ses 3 hectares richement boisés confortent le parcours de la biodiversité voulu par la municipalité, qui traverse la ville d’est en ouest, jusqu’au Grand Blottereau. Moins emblématique peut-être, le site dit « des Petites sœurs des pauvres », près de Talensac, mobilise l’attention des riverains qui espèrent, avec la vente d’une partie des terrains, une extension importante du parc public existant et une large liaison verte avec la rue Russeil, plutôt que la construction de logements par des promoteurs. Cette passion nantaise pour le jardin s’exprime enfin à travers la « Folie des plantes », principale exposition-vente de plantes du Grand-Ouest, organisée depuis 1988 par le service des espaces verts, au Grand Blottereau, et qui attire environ 40 000 visiteurs.
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018
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Rédaction d'article :
Olivier Rialland
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