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Sport à Bonne Garde


L’histoire du sport à Bonne Garde est une porte ouverte d’une certaine histoire du sport en France. Celle de son organisation, celle de la concurrence entre laïcs et catho qu’aura accentué la séparation de l’Église et de l’État (1905), comme si cette concurrence n’était, de fait, qu’un effet collatéral d’un conflit qui se déroulait à un autre niveau. Bonne Garde n’échappera pas à cette stratégie d’emprise sur le football et le basket, les deux disciplines en développement entre les deux guerres. Mais ce n’est pas avec ces deux sports collectifs qu’elle brillera après la Seconde Guerre, ce sera avec la gymnastique et le tennis de table.

Le sport, un enjeu de concurrence entre laïcs et catho

L’histoire du sport dans un ancien patronage, comme dans les amicales laïques, est indissociablement liée aux stratégies visant à encadrer la jeunesse, d’où, pour beaucoup dans l’entre-deux-guerres, cette opposition que l’on entend encore aujourd’hui laïc/catho. Ce qui est remarquable, de la fin du 19e siècle au tout début du 20e siècle, c’est d’observer l’évolution des rapports entre les deux fédérations omnisports (à cette époque l’organisation du sport n’était pas principalement disciplinaire) : l’une laïc (l’USFSA), la seconde catholique (la FGSPF, l’actuelle FSCF). À cette période, les rapports sont faits de respects mutuels. En 1905, la séparation de l’Église et de l’État marque une rupture. Le nouveau pape Pie X s’écarte de la conception conciliatrice de son prédécesseur et affiche tout de suite une politique conservatrice et une stratégie emprunte d’intransigeance.

Souvenir du concours de gymnastique  de Nantes

Souvenir du concours de gymnastique de Nantes

Date du document : 01-08-1909

Les patronages catholiques prennent de l’avance. Les dates de création des clubs sportifs nantais sont là pour en témoigner. L’ADN sportif des patronages se précise dès le 19e siècle avec la gymnastique, mais cette concurrence, s’exprime surtout ensuite avec le football et le basket. Un accord entre les deux fédérations omnisports, l’USFSA (laïc) et la FGSPF (catholique), assure « l’emprise » des patronages sur le football, les laïcs se réservant le rugby. Cette emprise est si marquée que ce sont eux qui, en 1919, sont à l’origine de l’actuelle Fédération Française de Football (la FFF). La personnalité qui donna son nom à la coupe de France (Claude Simon) était le secrétaire général de la fédération des patronages. La création de la Fédération Française de Football, clora progressivement, à sa façon la concurrence dans cette discipline. Elle aura surtout un effet structurant encore visible aujourd’hui sur l’organisation du sport en France, car elle a été à l’origine de la distinction entre fédération délégataire et fédération affinitaire.

Le basket, importé par les Américains par leur présence sur le territoire lors de la Première Guerre mondiale, prend le relais de la concurrence entre laïcs et catho. À Nantes, là aussi, les patronages catholiques conquièrent le terrain dès 1920. Ce n’est qu’à partir de 1935 que les clubs laïques rattrapent leur retard.

Equipe de basket  de Bonne Garde

Equipe de basket de Bonne Garde

Date du document : vers 1937

Football et basket à Bonne Garde

Bonne Garde, pourtant sans concurrence sur le quartier, emboîtera la stratégie de l’Église via la fédération des patronages en créant en 1921 un club de football et en 1924 une section de basket.

Les footballeurs de Bonne Garde s’entraînaient sur des terrains situés au clos Torreau, à l’époque couvert de champs et de tenues maraîchères. Quand on parle de terrains, il faut bien sûr relativiser le terme. Les terrains ressemblaient plus à un espace herbeux parsemé de trous et de bosses qu’à une pelouse, version gazon anglais. Très rapidement, l’effectif s’est étoffé. En 1922, une seconde équipe (de jeunes, on présume ?) a pu être constituée. Aucune archive, seulement des témoignages relatés en avril 1951 ont été retrouvés dans un livret publié à l’occasion des 50 ans de l’association. Ce que l’on sait par contre, c’est que les fondateurs n’avaient peur de rien, ils s’étaient donnés comme nom d’équipe « l’intrépide ». Le football cessa d’exister en 1927. Pour quelles raisons ? Les archives ne le précisent pas non plus. On peut cependant penser que les conditions matérielles peu motivantes, un terrain peu praticable et surtout éloigné du patronage ont été déterminantes.

Equipe de football de Bonne Garde dite « l’intrépide »

Equipe de football de Bonne Garde dite « l’intrépide »

Date du document : 1925

Bonne Garde a été parmi les premiers clubs à s’initier au basket, ce nouveau jeu, d’abord en mode loisir en 1924 puis en compétition en 1929, dans le même calendrier que celui de l’Hermine, de la Similienne, de Toutes Aides, de Saint-Paul de Rezé, etc. L’aventure se termine pendant la Seconde Guerre. On retrouve en effet des traces de licences à cette époque, des comptes rendus de réunion qui regrettent le délitement du groupe. Mais les archives n’ont par contre pas laissé de trace de compétitions à cette époque. Il est fort probable que le volet compétitif n’était plus actif juste avant la déclaration de la guerre.

Sport pour tous et sport de haut (ou bon) niveau après 1945

L’existence, au sein d’une même entité, du sport pour tous et du sport de haut (ou bon) niveau est une situation rare dans un club de quartier. Bonne Garde a été dans cette situation dans les années 1970 avec le tennis de table et l’est encore aujourd’hui avec la gymnastique.

Les contraintes et exigences du sport de haut niveau sont à la fois d’ordre structurel (financier, gestion des effectifs…), technique (les entraîneurs) mais aussi associatif (le maintien des valeurs dans toutes les situations, le respect du projet associatif). Quel club n’a pas été tenté, de se maintenir au haut niveau, en payant, ce que l’on appelle péjorativement, des « mercenaires » c’est-à-dire des sportifs qui ne viennent que les jours de compétitions ?   

La gymnastique masculine

Le club en tant que tel est créé en 1945. Il est d’abord le fruit d’une initiative des dirigeants et surtout de la paroisse (car elle seule avait les moyens financiers de s’engager dans un tel projet), à savoir la construction en 1942 d’une salle spécialisée. Initiative étonnante, car à cette date la gym n’était pas implantée. Seule la référence à l’ADN des patronages pour la gymnastique dès le 19e siècle peut expliquer ce choix.

Construction du gymnase de Bonne Garde

Construction du gymnase de Bonne Garde

Date du document : 1941

Cette initiative a eu pour effet de constituer un premier groupe de jeunes et d’adultes désireux de pratiquer cette discipline, et ce dès 1943, mais sans atteindre un effectif suffisant. Les circonstances de la guerre ont comblé cet obstacle. Faute de pouvoir s’entraîner dans leur propre salle, des gymnastes des clubs de la Madeleine (Nantes) et de la Cambronnaise (Saint-Sébastien-sur-Loire) ont rejoint à Bonne Garde. C’est l’association de ces trois entités qui a ouvert la porte à un parcours sans cesse en progrès puisque l’équipe adulte, à partir des années 1970, monte 40 fois sur le podium du championnat national fédéral, « rafle » 26 titres et fournit à l’équipe internationale de la FSCF douze éléments. C’est encore, à ce jour, le club le plus titré de la FSCF. Le Gymnaste Jean Yves Leroy a été particulièrement brillant puisqu’il a été champion de France, FFG, en catégorie promotion -1974.

La gymnastique féminine

La création de la section féminine de gymnastique en 1966 aura un impact structurant sur l’association, au sens où elle renversera, au profit du genre féminin, la composition des adhérents de l’association qui était alors presque exclusivement masculine. Aujourd’hui, 72 % des adhérents sont des femmes. Cette discipline est sans doute la plus symbolique de cette « cohabitation et coproduction » entre sport pour tous et sport de haut niveau. Il n’y a pas deux clubs, mais un seul.

De 1989 à nos jours, quatre gymnastes ont été retenues pour intégrer les pôles France espoir. Plusieurs gymnastes ont, par équipe ou en individuel, brigué les phases finales de championnat de France FFG et pour certaines d’entre elles sont montées sur la plus haute marche du podium. En 1995, Julie Baconnais participe au stage préparatoire et sélectif de l’équipe qui représentera la France aux Jeux olympiques d’Atlanta (1996). Elle ne sera finalement pas retenue dans l’effectif présent aux Jeux.

Mouvement de jeunes gymnastes à la poutre

Mouvement de jeunes gymnastes à la poutre

Date du document : 2019

Le tennis de table

Pendant la guerre 1939-1945, les enfants trouvaient au sein de Bonne Garde quelques occupations. Le tennis de table en faisait partie, c’était juste pour se détendre. Mais le noyau dur des mordus du ping, à qui l’on devra un étonnant parcours compétitif par la suite, était déjà là.

Sitôt la guerre finit, les structures se mettent en place au sein du patronage et la section s’affilie directement à la Fédération Française de Tennis de Table en 1945, ce qui par un « hasard administratif » lui a octroyé le numéro d’adhésion « 001 ». Il n’y jamais eu de concurrence entre laïcs et catho, pas de guerre de chapelle. La fédération française de tennis de table préexistait depuis trop longtemps (1927) et les patronages n’ont jamais eu assez d’équipes et d’effectifs pour organiser leur propre championnat (comme par exemple avec la gym).

Les conditions matérielles paraissent aujourd’hui invraisemblables. De 1945 à 1953, le cadre matériel de la discipline ressemblait plus à une installation dans un garage pour amuser les enfants, que celui d’un club. Et c’est pourtant, dans ces conditions inadaptées, avec une seule table, puis deux, que tout a commencé. En 1953, l’association installe un baraquement en bois de la guerre de 1939-1945 localisé sur le terrain de l’aérodrome de château Bougon et pouvant recevoir quatre tables. C’est dans ces conditions modestes que le club brillera dans les années 1970, au niveau régional pour les garçons et national pour les filles. Ce n’est qu’en 1985 qu’une salle spécialisée est construite pouvant accueillir huit tables en format entraînement.

Intérieur du baraquement en bois de Bonne Garde

Intérieur du baraquement en bois de Bonne Garde

Date du document : années 1970

En 1969, l’évènement est l’accession de l’équipe féminine au niveau national 2, où elles se classent la première année à une remarquable 2e place. Mais en 1973, après quatre saisons à ce haut niveau et d’excellents résultats, l’association prend la décision, pour des raisons financières et scolaires de ne pas renouveler l’engagement de l’équipe alors à son apogée. Il fallait pour les joueuses, alors scolarisées, obtenir des autorisations d’absence pour rejoindre le lieu de la compétition à chaque match éloigné géographiquement.

Equipe féminine de tennis de table de Bonne Garde

Equipe féminine de tennis de table de Bonne Garde

Date du document : 1971

Les sportives cessent alors toute activité compétitive. Cette dernière reverra le jour qu’en 1977, et l’équipe se retrouvera aux portes de la nationale en 1981. Mais, comme une histoire qui se répète, l’équipe se retire.

Ce sont là, à deux reprises, les limites d’un club omnisports (et culture) qui ne permettaient pas, pour des raisons structurelles (financières, effectif, équipement) de poursuivre, dans la durée, des compétitions à un bon niveau.

Michel Crétin
Extrait du livre À Nantes, mutation d’un patronage en association de quartier : Bonne Garde
2021



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En savoir plus

Bibliographie

Crétin, Michel, Laigle, Yves, Rousseau, Éric, À Nantes, mutation d’un patronage en association de quartier : Bonne Garde, éd. Association Sportive et Culturelle Bonne Garde, mars 2021

Association sportive et culturelle Bonne Garde, Soixante-dixième anniversaire du patronage Notre-Dame de Bonne-Garde,… : son histoire racontée par J. Benoit, depuis sa fondation à nos jours, Impr. Auneau, Nantes, 1971

Association sportive et culturelle Bonne Garde, Championnat fédéral de gymnastique masculine de la Fédération sportive et culturelle de France : concours départemental 13-14-15 juin 1986 à Nantes, Impr. LNG, Nantes, 1986

Webographie

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Association Sport St Jacques - Pirmil

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Rédaction d'article :

Michel Crétin

Anecdote :

ASCBG

Témoignage :

Pierre Puvis

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