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Marchix


Rompant avec un passé de misère, le quartier du Marchix n’est plus « une agglomération presque totale de taudis », la « lèpre » de Nantes, comme l’écrivait le directeur du bureau municipal d’hygiène en 1936. Des rues percées ou élargies, des cours intérieures dégagées, des immeubles vétustes détruits, restaurés ou réhabilités : le quartier est bien intégré au centre-ville. Les immeubles récents y sont nombreux, souvent en face-à-face avec ceux du 19e siècle dont la rue Jean Jaurès montre quelques beaux exemples.

Une lente extension

Le Marchix est un quartier fort ancien de la paroisse Saint-Similien, très étendue et essentiellement rurale. Il s’est développé progressivement depuis l’Erdre et le versant du coteau qui la borde jusqu’à la motte Saint-Nicolas, la future place de Bretagne.

Déjà au 15e siècle existent un marché, sans doute à l’origine du nom même de Marchix, et une foire annuelle. La population augmente et, à la fin du siècle, le duc François II envisage de le fortifier. Le projet est repris un siècle plus tard par le duc de Mercoeur, mais les fortifications de la «Ville Neuve » du Marchix ne seront jamais terminées.

Le faubourg se développe de part et d’autre des deux voies principales, la rue du Marchix (Édouard Herriot) et la rue Saint-Similien (Léon Jamin). À partir du milieu du 18e siècle, la première, prolongée par la rue Porte Neuve, relie la place de Bretagne à la toute nouvelle place Viarme, qui accueille en 1752 les foires à bestiaux, notamment celles de la place de Bretagne car, argumente la Ville, cette dernière où « il ne se trouvait autrefois que cinq à six petites maisons, en est actuellement ornée d’une grande quantité ». Dès lors, la place de Bretagne, devenue pleinement urbaine, héberge jongleurs, bateleurs et autres forains.

L'épopée des ateliers et des manufactures

Le bâti ne cesse de se densifier avec le développement des ateliers et des manufactures. En 1589, la première verrerie faïencerie de Nantes s’y installe. Mais le quartier se spécialise dès le 17e siècle dans le travail du textile, qui se développe et se modernise au siècle suivant : la première filature mécanique à Nantes date de 1785. On compte sept manufactures de coton ou de laine en 1821 et vingt-trois en 1844, produisant futaines, calicots, flanelles et draps destinés au marché régional. Liée à cette industrie et peut-être aussi à la présence du théâtre voisin, la maison Peignon s’établit en 1853 rue d’Erlon : elle deviendra l’une des principales fabriques de costumes de scène et de déguisement du pays. Mais, à partir de 1860, cette industrie textile décline progressivement.

Au Bourg-Neuf, sur la rive droite de l’Erdre et le coteau qui la borde, s’établissent, au 17e siècle, tanneries et corroieries. Le nombre d’établissements progresse jusqu’à la Révolution puis diminue progressivement au 19e siècle, la maison Vincent absorbant les derniers avant de migrer vers le quai de Versailles en 1880. Bien d’autres ateliers choisissent de s’installer au Marchix : corderie, fabriques de chapeaux, raffinerie de sucre, faïencerie, manufacture d’outils aratoires, fabrique de chandelles, four à plâtre. En 1835, la Poste aux chevaux s’établit au 18 de la rue des Arts (aujourd’hui Jean Jaurès).

Tandis qu’habitat et ateliers se mêlent étroitement au cœur même du Marchix, des équipements urbains variés voient le jour à sa périphérie, tout au long du 19e siècle : un cirque et un théâtre de variétés en 1830, place de l’Abreuvoir, le théâtre de la Renaissance, place Brancas (Édouard Normand) en 1867, racheté par la Ville en 1875, et détruit par un incendie en 1912. Le temple protestant est construit sur son emplacement après la Seconde Guerre mondiale. En 1829, la Ville inaugure son premier abattoir municipal au nord-est du Marchix, sur les terres encore agricoles de Talensac et non loin du marché de bestiaux de la place Viarme. Transféré à Rezé en 1933, il est remplacé par un grand marché couvert en béton, encore aujourd’hui le plus important de l’agglomération. En 1837 la Compagnie européenne du gaz inaugure son usine de production située rue de Bourgneuf, à l’arrière du quai des Tanneurs. Elle y prospère mais la pollution qu’elle génère lui impose de déménager à proximité de Roche-Maurice en 1935.

Du rejet à l'intégration

Au 19e siècle, au cœur du Marchix vit une population des plus pauvres sans cesse grossie par l’immigration rurale. L’exiguïté des logements, l’étroitesse et la malpropreté des rues et des cours, la médiocrité des conditions d’hygiène alertent le Conseil de salubrité. Au cours des années 1830-1850, on perce de nouvelles rues : Frédureau, Brizeux, de l’Industrie et, la plus importante, la rue des Arts ( Jean Jaurès). Les deux premières, en limite du quartier, sur des terres maraîchères, n’affectent guère le Marchix. Les deux autres aèrent le centre compact du quartier et y amènent un habitat de bon niveau.

Ce quartier déshérité accueille, en 1834, rue Sarrazin, la première salle d’asile de la ville. Cette institution, première forme de l’école maternelle, rend disponibles les mères pour le travail à l’atelier. La crèche fondée en 1845 dans la même rue a une fonction identique, tandis que l’ouvroir de Nazareth, dans la rue de Talensac, prépare les jeunes filles « aux travaux de leur sexe », comme le précise un texte ministériel de 1852. Au début du 20e siècle, le Marchix compte quatre écoles, deux confessionnelles, et deux publiques. Rue de Bel Air, le collège des Frères des écoles chrétiennes (actuel collège public Victor Hugo) complète un équipement scolaire honorable pour un quartier populaire.

Et malgré tout, au lendemain de la Première Guerre mondiale, la rue du Marchix apparaît, dans le souvenir du lycéen Julien Gracq, comme «mal famée, bordée de taudis, et haut lieu un peu fabuleux de la criminalité nantaise ». À la suite d’une méticuleuse enquête de terrain effectuée en 1935, le directeur du bureau municipal d’hygiène estime que le tiers des immeubles devrait disparaître. Le Conseil municipal approuve et prévoit la reconstruction du quartier. Il faut attendre 1945 et sa destruction partielle par les bombardements pour qu’elle soit engagée très partiellement. La place de Bretagne agrandie accueille l’Hôtel des postes, la Trésorerie générale et la Caisse primaire d’assurance maladie. Les habitants touchés par les démolitions ne sont pas relogés sur place, comme prévu initialement, mais au Bout des Landes et au Pin Sec.  La rue du Marchix est rectifiée et élargie et, en 1960, une voie promenade est aménagée entre les places Saint-Similien et Bretagne (actuelle rue Cassegrain). L’intérieur des îlots ne faisant pas l’objet d’un programme d’aménagement, rénovation et réhabilitation s’y font au coup par coup. Seul, celui du Martray bénéficie d’une procédure de Zac en 1983. À cette date, il y a déjà neuf ans que s’impose, à toute la ville et bien au-delà, la silhouette de la tour Bretagne. Ne générant d’autre mouvement vers elle que celui des employés vers ses 3 000 mètres carrés de bureaux, la tour Bretagne n’a pas fasciné les Nantais. L’ouverture, en juin 2012, à son sommet d’un bar artistique entouré d’une terrasse panoramique, parviendra-t-elle à lui donner vie et séduction ? Ce serait la revanche du Marchix.

Georges Gayrard
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

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