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Roquio Le Chantenay Éléphant

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Tour (de) Bretagne


1975 : dans un reportage sur la tour Bretagne, André Routier-Preuvost, adjoint à l'urbanisme sous la municipalité Morice, répond aux questions d'un journaliste. Tout en évoquant l'importance de cette nouvelle construction, l'homme fouille dans sa poche intérieure de veste et en sort un stylo qu'il brandit fièrement et superpose à la tour située à l’arrière-plan sur l’horizon, comme pour souligner la forme audacieuse de la tour.

Une tour pour projet

L'anecdote veut que M. Routier-Preuvost ait eu l'idée de la tour lors d'une réunion et qu'il l'ait matérialisée en dressant son stylo sur la table. Un crayon pour projet ! L'histoire est savoureuse, mais tout ne s'est pas joué en une réunion.

L'idée de la tour remonterait à 1964 : à cette date, le dernier îlot à construire de la place Bretagne, l'îlot B, est toujours en attente. Il s'agit de parachever le projet de la nouvelle cité administrative de Nantes qui a déjà vu la construction de la Poste, de la Sécurité Sociale et du Trésor public. Nous sommes au début des années 1960 et les besoins en bureaux en centre-ville se font sentir. On pense d'abord à une architecture de moindre hauteur. Mais l'étroitesse de la parcelle contraint le projet. C'est pourquoi la Ville propose une tour dès 1964. En 1967, la hauteur de la tour, initialement limitée à 60 mètres, est augmentée. Des tours, il s'en est construit et s'en construit alors dans les grandes capitales mondiales. Ce type d'architecture paraît adapté au besoin de concentration tertiaire et il répond également au souhait de modernité. La tour Bretagne, « la tour la plus haute du Grand Ouest », devient un symbole économique pour la métropole régionale.

Tour Bretagne

Tour Bretagne

Date du document : 1972

Une gestation longue et difficile

Le projet de la tour est confié à l'architecte Claude Devorsine en 1964 qui s'associe a l'ingénieur Marcel André. Devorsine est l'héritier d'une dynastie d'architectes implantés à Nantes depuis le 19e siècle.

Les difficultés sur ce projet sont nombreuses ; programmatique d'abord  : il faut construire sur une parcelle étroite, une tour pouvant accueillir plus de 16 000 m² de bureaux, un centre commercial et un parking privatif, et en parallèle réaliser un parking public pouvant répondre aux besoins des administrations et des commerces environnants. La Ville souhaite également profiter de ce projet pour repenser la voirie afin de faciliter la circulation automobile.

La tour doit répondre également à des défis techniques. Il s'agit de s'assurer de la solidité et de l'équilibre des fondations du building, lesquelles s'échelonnent sur une déclivité de 12 mètres et reposent à la fois sur le socle rocheux du Sillon et sur le lit sableux de l'ancien cours de l'Erdre. Une étude géologique complète en 1972 les études techniques initiées par l'ingénieur Marcel André.

Le défi est également d'ordre urbanistique et architectural. Créer une tour en centre-ville est hors norme. Ce qui implique de déroger aux règles d'urbanisme qui ne prévoyaient pas la construction d'édifices de grande hauteur. Par ailleurs, la réalisation de cette tour donne lieu à des échanges nombreux sur l'insertion de la tour dans le paysage, d'une part, et sur son esthétique, d'autre part.

La Préfecture prend avis auprès de différentes commissions : commission des Sites, commission régionale de l'architecture et des espaces protégés, Inspection générale des Monuments Historiques.

Si l'emplacement choisi est jugé recevable, le projet architectural, lui, amène à davantage de réticences. L'inspecteur général des Monuments Historiques, en 1970, écrit : « C'est dire l'importance que cette tour va prendre dans la composition urbaine de Nantes et que, si son principe est définitivement retenu, il est absolument indispensable que cette construction soit une réussite. Malheureusement je ne pense pas que, au stade actuel de l'étude, ce soit le cas du projet présenté. La silhouette massive et le volume trop important du parallélépipède qui nous est proposé, est sans communauté d'échelle avec la plupart des constructions qui l'entourent, au milieu desquelles il apparaît comme un élément étranger. Cette tour semble avoir du mal à s'implanter sur un terrain trop exigu. Elle ne s'accroche pas à sa base qui semble d'une conception différente, base par ailleurs trop encombrante et dont les volumes ne s'articulent pas avec le terrain en pente sur lequel ils sont posés. »

Ces remarques amènent à de nouvelles propositions architecturales qui, cependant, ne remettent pas fondamentalement en cause le projet initial.

Maquette de la tour Bretagne

Maquette de la tour Bretagne

Date du document : années 1970

De tout cela, ressort un temps long de maturation du projet, fait d'allers-retours entre l'architecte et les autorités, d'études complémentaires et de procédures qu'il faut parfois rattraper au dernier moment, comme le dépôt du permis de construire qui a été oublié alors même que le projet avait été approuvé !

Cinq ans de travaux et la crise économique

Ainsi, le chantier ne commence qu'à l'hiver 1971. Les travaux de terrassements sont engagés et les premiers tirs de mine résonnent. Non sans faire craindre le pire au voisinage. Les voisins de la place manifestent leur inquiétude en créant une association de riverains qui réclame un suivi attentif du chantier. Certains craignent des glissements de terrain et la fragilisation des fondations de leurs immeubles. D'autres s'insurgent contre le bruit et les nuisances d'un vaste chantier, fait pour durer.

Et le chantier va durer : cinq ans entre le premier coup de pelle en novembre 1971 et l'inauguration, le 18 novembre 1976.

Premiers terrassements du chantier de la tour Bretagne

Premiers terrassements du chantier de la tour Bretagne

Date du document : 1972

Cinq ans pendant lesquels le paysage économique de la France connaît de profonds bouleversements. Le choc pétrolier de 1973 puis la récession économique marquent durablement la décennie. Les métropoles d'équilibre dont Nantes fait partie, sensés être les chefs de file de la croissance régionale, subissent restructurations industrielles et tertiaires.

Avant même 1973, du point de vue économique et urbanistique, la donne a changé à Nantes. Le centre historique qui jusqu'à la fin des années 1960 concentrait les activités tertiaires est désormais concurrencé : de nouveaux centres commerciaux et tertiaires voient le jour aux abords de la ville et sur l'île Beaulieu (actuelle île de Nantes).

Symbole de ce changement : alors même que les premiers coups de pelle sont donnés sur la place Bretagne en 1971, le président de la République Georges Pompidou annonce la fin d'un modèle : celui des gratte-ciel, qui sont interdit dans les villes moyennes. Pour autant, Nantes ne fait pas exception quand elle poursuit son projet, malgré le changement de cap : la tour Montparnasse à Paris dont la réalisation a commencé en 1969 est inaugurée en 1973 ; à Lyon, la tour de la Part-Dieu est construite entre 1972 et 1977.

C'est dans ce contexte de recomposition économique que s'inscrit la commercialisation de la tour Bretagne. La SCI Tour Bretagne est chargée de trouver les futurs occupants. La prospection peine. Faute d'acteurs privés, ce sont les administrations publiques qui investissent les bureaux vacants. Quant aux 35 locaux du centre commercial, ils sont boudés par les commerçants qui leur préfèrent les premiers centres commerciaux périphériques, dont le foncier est plus abordable. D'ailleurs, après l'ouverture de la tour en 1976, le projet de centre commercial est abandonné, remplacé par le CCO, Centre de Communication de l'Ouest.

Une tour repère

Lorsque la tour Bretagne est inaugurée le 18 novembre 1976, elle est accueillie avec peu d'enthousiasme par les Nantais et les Nantaises, sans qu'on puisse à l'inverse parler d'aversion ou citer de véritables mouvements de protestation. Le plus souvent, les contemporains trouvent qu'elle est laide et qu'elle détonne. Les dates anniversaires sont l'occasion d'articles de presse qui insistent sur le succès et l'accueil mitigés de la tour. Aux 10 ans, Presse Océan titre « Histoire d'une malchanceuse ! » Pour ses 40 ans, il reprend en sous-titre une citation de Julien Gracq extraite de la Forme d'une ville, « cet énorme pieu de Dracula planté en plein cœur de la ville ». Autant de mots qui en disent long sur le désamour des Nantais pour leur tour.

Pour autant, la tour trouve sa place dans le paysage, devient repère. Par sa taille, elle s'impose à des kilomètres à la ronde, quelle que soit la route empruntée pour rejoindre Nantes. Elle se singularise aussi par la forme caractéristique de son sommet à gradins, ornés d'antennes relais. Haute de 20 à 30 mètres, cette forêt d'antennes la rend unique et reconnaissable parmi toutes les autres. La tour participe de l'horizon nantais (la skyline, diront certains) et devient même un repère visuel identitaire. Les affiches actuelles représentant Nantes lui réservent une place, à côté de la grue jaune ou de la tour LU. Elle devient aussi une composante de paysages imaginaires à travers certaines représentations, comme cette affiche des Utopiales 2019, où on la devine à droite, côtoyant une tour fantastique surmontée du château des ducs de Bretagne.

Affiche du Festival International de Science-Fiction «Les Utopiales»

Affiche du Festival International de Science-Fiction «Les Utopiales»

Date du document : 2019

Offrant une surface de verre sur plus de 100 mètres de haut, la tour est le support d'interventions artistiques depuis au moins 20 ans. En 2000, Pierrick Sorin la met en scène dans sa vidéo parodique Nantes, projets d'artistes. En 2016, un spectacle numérique avec projection en nocturne, est initié par le collectif d'artiste Tundra, à l'occasion de la Digital Week. La même année, le festival des Rendez-vous de l’Erdre s’en empare pour y projeter d’étranges visages de Méliès.

Tour belvédère, la tour Bretagne constitue à partir de 2012, une des étapes du Voyage à Nantes. À plus de 110 mètres du sol, au dernier étage, on y installe Le Nid, un café au design singulier pensé par l'artiste Jean Jullien.

Depuis la terrasse de la tour Bretagne

Depuis la terrasse de la tour Bretagne

Date du document : 07-08-2012

On y vient en famille, avec les amis pour profiter de la vue panoramique sur Nantes et l'on s'amuse à chercher sur les toits de Nantes, des œufs au plat géants dessinés au hasard, qui font écho aux sièges en forme de coquilles d’œuf du café. On y regarde les couchers de soleil et les lumières de la ville.

Dernier étage de la tour Bretagne, «Le Nid»

Dernier étage de la tour Bretagne, «Le Nid»

Date du document : 15-06-2012

Et demain ?

En 2021, la tour du haut de ses 45 ans, doit faire face à un nouveau défi. En 2015, un diagnostic technique a permis de déceler la présence d'amiante dans les gaines techniques du bâtiment. Aussitôt, la question se pose du maintien des personnels dans les locaux. En 2017, le transfert des derniers services de la métropole est décidé. Les derniers employés de Nantes Métropole quittent les lieux en 2019.

Tour Bretagne depuis la rue de l’Arche-Sèche

Tour Bretagne depuis la rue de l’Arche-Sèche

Date du document : 17-03-2019

Depuis cette date, la tour est vide. Et à nouveau en projet …. car après son désamiantage, il s'agit de se projeter vers l'avenir. L'occasion de repenser la tour au regard des enjeux environnementaux et écologiques et d'imaginer de nouvelles manières de vivre ou de travailler dans cette tour bientôt cinquantenaire, remise au goût du 21e siècle.

Irène Gillardot
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2021

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En bref...

Localisation : Bretagne (place), NANTES

Date de construction : 1976

Auteur de l'oeuvre : Devorsine Claude (architecte) ; André Marcel (ingénieur)

Typologie : architecture artisanale, commerciale et tertiaire

En savoir plus

Bibliographie

Aymiot d’Inville Jean, Au pied de la tour, CCO, une aventure de communication, éd. Pierre, Gauthier, Nantes, 1991

SCI Tour Bretagne, La tour Bretagne, à louer, à vendre, Nantes, années 1970

SCI Tour Bretagne, La tour Bretagne, Nantes, 1972

Violeau  Jean-Louis, « La tour Bretagne et son époque », Place Publique, septembre-octobre 2016

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Rédaction d'article :

Irène Gillardot

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