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Souvenirs d’enfance et de jeunesse de Jules Verne (extraits) Barbara (1930 – 1997)

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Jean-Baptiste Daviais (1878-1945)


Fervent républicain, humaniste, anticlérical mais également tolérant, tel pourrait être résumée la figure de Jean-Baptiste Daviais. Ses positions et engagements auprès des plus faibles, en temps de paix mais aussi pendant l’occupation avaient d’ailleurs convaincu les membres du Comité départemental de libération de le désigner comme le maire de la ville à l’heure de la victoire. Sa déportation à Dachau en 1944 et sa mort en captivité ne le permettront pas. 

Formation dans la navale

Né dans une famille d’ouvriers, Jean-Baptiste Daviais se forme à l’école professionnelle de l’avenue De Launay à Nantes puis en apprentissage en qualité de charpentier de navires. À 20 ans, il est chef-traceur aux Chantiers de la Loire à Nantes. À 21 ans, il effectue son service militaire au 6e Génie d’Angers. 

Attiré par la vie coloniale, il part en 1907 pour l’Afrique-Occidentale française (AOF). Il est chargé par l’administration coloniale d’installer des voies ferroviaires le long du Niger et de gérer l’achat de bois. Recruté par une société privée de navigation au sein de laquelle il est distingué pour ses compétences, Daviais se voit proposer le poste de directeur général en AOF. Il décline cette proposition pour revenir à Nantes en 1918. Avec son associé Mailliaud, il y crée une société d’importation de bois associée à un chantier, situé au 16 rue du Dahomey (actuelle rue Marcel-Hatet), qui prospère régionalement.

Portrait de Jean-Baptiste Daviais

Portrait de Jean-Baptiste Daviais

Date du document : 1947

Investissement au service des plus faibles

Soucieux de la condition des plus démunis, Jean-Baptiste Daviais intègre en 1920 le « Secours Immédiat » afin d’apporter aide et assistance « à toutes les infortunes qui lui seront signalées, le plus rapidement possible, après enquête, et dans la mesure de ses moyens ». Son engagement envers les enfants se concrétise en 1932 lorsqu’il crée « La Maternelle ». Cette association a pour objectif d’aider les orphelins de l’Assistance Publique. Ce soutien prend la forme d’envoi de colis, adressés dès 1939 aux pupilles mobilisés sur le front de l’est puis à partir de mai 1940 aux prisonniers en Allemagne. Durant la guerre, l’œuvre organise plusieurs galas de charité et tombolas pour récolter des fonds. Entre septembre 1939 et février 1944, 4000 colis sont ainsi envoyés aux pupilles.
 
Partisan de l’école laïque, Jean-Baptiste Daviais est actif dans l’Amicale des anciens élèves de l’école de la rue Noire. En 1935, il initie la fondation de la Fédération des amicales laïques de la Loire-Inférieure (FAL). Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une lutte de pouvoir entre les amicales laïques et les patronages catholiques, ces derniers s’investissant de longue date auprès des jeunes sur les temps extrascolaires. Face à cette concurrence rude, la FAL multiplie les fêtes laïques et kermesses pour se faire connaître. Les bénéfices servent au développement des activités sportives, culturelles et de loisirs des amicales pour gagner en influence. En reconnaissance de son rôle dans la création de la fédération, Jean-Baptiste Daviais est nommé président-fondateur dès 1935. Il prend part aux projets de la FAL en tant que membre de plusieurs commissions. Il est secondé par le socialiste Maurice Daniel, résistant fusillé en 1942 au Mont-Valérien.

Engagement auprès des victimes de l’occupation allemande

En mai 1940, en réponse à l’afflux de réfugiés en provenance de Belgique et du Nord de la France, Jean-Baptiste Daviais étend les missions de la Maternelle. L’œuvre ouvre impasse Saint-Laurent un centre d’accueil où, chaque jour, entre 60 et 80 personnes sont reçues. Le centre, équipé d’une cuisine, d’une dizaine de chambres avec le confort de l’eau courante, offre vêtements et repas « soignés et abondants » aux réfugiés. Ce lieu est également utile pour cacher juifs et réfractaires au Service du Travail Obligatoire (STO) ; leur fuite vers la zone sud est facilitée avec la fourniture de faux-papiers. Régulièrement, Daviais se rend à Châteaubriant avec Alexandre Fourny et porte assistance aux prisonniers du camp de Choisel. Dans un article de presse de juin 1946, Jean Avoué, ouvrier de l’entreprise Daviais et Maillaud, se remémore le jour où son patron s’est rendu au camp et l’a cherché longuement : « Il s’attendrit jusqu’aux larmes sur mon sort. »

Suite aux exécutions des 50 otages, Jean-Baptiste Daviais participe au comité d’aide aux fusillés en organisant notamment des collectes de fonds pour aider les familles. Il prend également soin de fleurir les tombes des victimes de la barbarie nazie.

Une figure de la Résistance

Jean-Baptiste Daviais s’illustre aussi – de façon clandestine cette fois – dans la Résistance en intégrant Libération-Nord. Le nom de ce mouvement de résistance est tiré du journal clandestin Libération, édité par Christian Pineau et Yvonne Tillault-Houben à partir de décembre 1940. Sa diffusion permet au mouvement de recruter de nouveaux membres, principalement parmi les socialistes et les syndicalistes. Libération-Nord est présent en Loire-Inférieure de 1941 à 1944. Les premiers groupes de résistants y sont organisés à l’initiative de Gabriel Goudy et Auguste Péneau, syndicalistes de la Confédération générales du travail (CGT). Jean-Baptiste Daviais est membre du premier comité directeur de Libé-Nord en Loire-Inférieure. Le mouvement fabrique de faux papiers, collecte des informations sur les Chantiers de Nantes et de Saint-Nazaire. Par ses contacts avec le réseau Cohors Asturies, il participe également à la transmission d’informations vers Londres. 

En 1943, Jean-Baptiste Daviais est avec Gabriel Goudy à l’origine du comité départemental de libération (CDL). L’objectif de cette structure est de proposer une forme nouvelle pour l’administration de l’État après la victoire. Daviais est désigné à l’unanimité par le comité comme futur maire de la ville le jour de la libération.

Arrestation et décès à Dachau

En janvier 1944, le comité départemental de libération subit près de 70 arrestations – dont Gabriel Goudy qui est arrêté et déporté. Le 18 avril 1944, sa direction est démantelée : Daviais, Bodiguel, Rutigliano, Brossaud sont arrêtés et soumis à des interrogatoires musclés, puis transférés à Compiègne. 

En juin, Jean-Baptiste Daviais est déporté au camp de concentration de Dachau. Il y retrouve des camarades, dont Gabriel Goudy qui est le témoin de sa mort le 6 janvier 1945 : « Il a été contraint de rester nu dans la neige au sortir de la douche. Il fut frappé de congestion et mourut deux jours plus tard ».

Malgré ces arrestations, le comité départemental de libération se reforme et poursuit son travail en lien avec les autres comités locaux de la Loire-Inférieure ; les revendications des femmes, prisonniers de guerre et déportés sont synthétisées. Leurs propositions sont reprises au niveau national et mises en place dès 1944-45.

Hommages à Rezé et à Nantes dès 1945

Dès l’annonce du décès de Jean-Baptiste Daviais, les hommages se multiplient à Nantes et Rezé. Le 7 juillet 1945, la Ville de Rezé donne le nom de Jean-Baptiste Daviais à la place de la Mairie. Le 26 décembre de la même année, il en est de même pour l’école publique de garçons, aujourd’hui disparue.

Le 5 mai 1946, la Ville de Rezé inaugure le buste de la République sur la place Jean-Baptiste-Daviais. Dédié aux personnalités rezéennes fusillées par les Allemands ou mortes en déportation, il est composé d’un buste représentant Marianne et d’un bronze à l’effigie de Daviais, « apôtre de la cause laïque mort victime de sa foi pour la République ». Le 30 avril 1995, une plaque commémorative est apposée sur sa maison natale à Rezé lors d’une cérémonie organisée par le Comité d'Entente des Anciens Combattants de Rezé, à l’occasion du 50e anniversaire de la libération des camps de concentration.

À Nantes, le conseil municipal du 17 mai 1946 répond favorablement à la demande de la Fédération des Amicales laïques de Loire-Inférieure de donner le nom de Jean-Baptiste Daviais au square situé sur la place de la Petite-Hollande. Il est prévu d’y élever une stèle supportant un buste à l’effigie de cet « homme généreux, que nulle détresse ne laissait insensible ». Le 16 juin 1946, le préfet inaugure le monument. Prennent la parole à cette cérémonie : le Maire de Nantes, M. Rouxel, président de la Fédération des Amicales laïques, Gabriel Goudy et le Préfet. D’après le journal L’Avenir, « grande était la foule venue assister à l’inauguration du buste élevé à la mémoire de cet homme de bien et de ce héros de la Résistante ». Le même jour, la médaille de la Résistance avec rosette est attribuée à titre posthume à Jean-Baptiste Daviais.

Depuis 1945, les communes de Nantes, de Rezé et la Fédération des amicales laïques de la Loire-Atlantique organisent chaque année au mois de janvier des cérémonies en souvenir de Jean-Baptiste Daviais et de son œuvre. En janvier 2025, la FAL 44 attribue son nom à son nouveau siège, un hommage qui montre la permanence de son attachement aux valeurs de son fondateur. Dès 1945, la fédération revendiquait l’héritage de Daviais dans un communiqué de presse diffusé à l’annonce de sa mort : « L’idéal de notre Président ne tombera pas, le flambeau qu’il a tenu d’une main si ferme continuera à briller avec éclat ».

Delphine Gillardin
Archives de Nantes
2021 (mis à jour en 2024 par Noémie Boulay)





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Laïcité Militant Résistant Syndicalisme

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Rédaction d'article :

Delphine Gillardin

Enrichissement d'article :

Noémie Boulay

Anecdote :

Patrick Durand

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