Bandeau
Atlanpole Famille Schwob

898

Impacts du chemin de fer sur le territoire de Doulon


À partir de 1845, la création des lignes de chemins de fer modifie le paysage de Doulon et la manière de vivre des habitants en coupant le lien au fleuve et à la prairie de Mauves, ancienne « richesse de la commune ». L’implantation des rails induit la fermeture d’un domaine important, appartenant encore aujourd’hui à la SNCF.

La construction du domaine ferroviaire

À partir de 1845, le projet de prolongement de la ligne Nantes-Paris entraîne des transformations profondes des terrains situés sur le tracé de la ligne de chemin de fer car pour la mise en œuvre de la ligne, la compagnie du Paris-Orléans va acheter une vaste bande de terre le long de l’étier de Mauves.

L’attention de la Compagnie d’Orléans puis de l’État qui reprend la concession en 1878, se concentre sur deux points les terrains, longeant l’étier de Mauves jusqu’à l’actuel canal Saint-Félix, et la Bonnetière, lieu-dit et ancienne maison noble, sur lesquels sera construite la gare de triage.

Le rachat des parcelles sur et autour du tracé de la voie de chemin de fer commence en 1846 quand l’évêché vend 7000 mètres carrés de terrain près de la Bonnetière. Dès 1857, la compagnie dresse un plan des terres vaines et vagues en vue de préparer l’acquisition des terrains nécessaires pour un premier agrandissement du domaine ferroviaire. La bande de terrain nécessaire pour l’établissement d’une double voie avoisine le plus souvent les 25 mètres de large mais pour l’établissement d’un dépôt, la distance moyenne sur la partie doulonnaise de la ligne est portée à 95 mètres de large.

Puis, en 1892, un nouvel agrandissement est lancé : avec l’achat des domaines de la Bonnetière et de l’Hébergement, la largeur du domaine ferroviaire est portée à 500 mètres - la moitié de la largeur totale de la prairie de Mauves - sur une longueur d’1,4 km. Aujourd’hui, le domaine ferroviaire de la prairie de Mauves représente environ 230 hectares.

En parallèle, la création de la ligne Segré-Châteaubriant occasionne, en 1874, une nouvelle cession d’acquisitions pour créer une bande d’environ 40 mètres de large. Les Petites Portes, le Haut et le Bas Landreau sont impactés. Le frère Thadée, directeur du pensionnat Notre-Dame-de-Toutes-Aides adresse à la compagnie d’Orléans un vibrant plaidoyer pour que son établissement soit épargné par le passage de la ligne.

En 1876, le jugement d’expropriation de tous les terrains et édifices nécessaires scelle la création d’un nouveau domaine ferroviaire d’environ 10 hectares entre le territoire du « bourg de Doulon » et le quartier de « Toutes-Aides ».

La disparition de l’étier de Mauves

L’étier de Mauves est sans doute l’élément le plus touché par la création du chemin de fer. Canalisé sur sa partie nantaise jusqu’au gué Robert, il est dévié au sud des installations ferroviaires jusqu’à la Clarière. Les ports qui y étaient installés au Ponceau/Blottereau ou au gué Robert disparaissent et ne sont pas réinstallés sur le nouveau tracé : ils sont devenus inutiles puisque le lien avec la rive nord de la Loire n’existe plus.

Le long de l’étier, le chapelet de maisons nobles qui existait depuis le Moyen Âge est profondément perturbé par la disparition de la Bonnetière. Le Grand Blottereau perd son commun et la terrasse en demi-fer-à-cheval installée dans l’axe du château, sa vue sur l’étier, la prairie et la Loire. Elle sera définitivement détruite entre 1941 et le début des années 1950, lors de la mise en place du centre de triage.

En 1926, les travaux liés aux comblements de la Loire à Nantes et à la canalisation du canal Saint-Félix entraînent le comblement définitif de l’embouchure du seil pour autoriser de nouveaux agrandissements de la gare de Nantes. Avec une embouchure obstruée, l’étier n’est plus alimenté par la Loire. Il devient le prolongement des ruisseaux des Gohards et de l’Aubinière et est dévié vers la Loire entre le boulevard de Doulon et le Grand Blottereau.

Des liaisons modifiées vers la prairie de Mauves

À partir de 1845, la mise en place du chemin de fer entre Nantes et Paris sépare le bourg de Doulon de la prairie de Mauves, créant une rupture physique presque infranchissable. En effet, la création du chemin de fer coupe  le chemin de la Rivière qui menait à l’étier et à la prairie, jusqu’à la construction du pont des Américains ; elle coupe également le chemin de la Bonnetière, du Grand Blottereau et du gué Robert.

Les foins ne peuvent plus sortir par les ponts qui étaient installés saisonnièrement. Des tunnels et des petits ponts sont installés au gué Robert et au Ponceau en remplacement des ponts saisonniers qui étaient jusque-là mis en place mais ils obligent la population à faire de grands détours pour rejoindre le bourg et surtout, ils figent l’utilisation de la prairie dans laquelle les cheminements pouvaient se déplacer d’une année sur l’autre selon l’état du sol. En 1888, les délibérations communales rapportent que « la commune n’a plus aucun accès à la prairie car le vieux pont de la cible a été détruit ce qui occasionne des procès sans nombre des compagnies de chemin de fer, les personnes qui s’y hasardent ne voulant pas faire 4 km de tour ».

Une séparation physique entre Toutes-Aides et Doulon

En 1885, l’ouverture de la ligne entre Nantes et Châteaubriant va renforcer la partition entre le quartier de Toutes-Aides et le Vieux Doulon. La nouvelle ligne de chemin de fer inscrit physiquement sur le territoire la séparation qui existe sur le plan urbain, démographique et économique entre la « partie agglomérée » de Toutes-aides et de la Ville-en-Pierre et le bourg.

La coupure physique que créent les rails augmente la distanciation entre les deux pôles de Doulon et exacerbe les tensions entre eux. La voie ferrée condamne Toutes-Aides à poursuivre son développement de faubourg nantais tandis que le Vieux Doulon et ses hameaux conservent leur physionomie rurale originelle.

De nouveaux équipements annonçant la fin de la ruralité

L’implantation du dépôt ferroviaire en 1850 et de la halte de Doulon en 1885 va perturber le caractère rural que Doulon avait depuis le Moyen Age : le noir charbon et le gris acier rentrent en contraste avec les verts majoritaires sur le territoire et le bruit des trains ponctue la journée des éleveurs et des maraîchers.

Au-delà de ces changements sensoriels, l’ouverture des équipements ferroviaires sonne la fin d’une certaine ruralité et accompagne un développement économique et une mutation démographique.

Ainsi, à partir de 1891, le conseil général de Loire-Inférieure et la commune de Doulon réclament régulièrement la transformation de la halte en une gare de voyageurs pour faciliter les trajets des habitants et en 1903, la commune demande la mise en place d’une halle de marchandises pour permettre aux maraîchers d’expédier leurs produits vers la gare de l’État. Le statut de gare est accordé en 1910 tandis que les équipements dédiés au service de marchandises sont ouverts en 1930.

En 1891 également, la commune demande à bénéficier du passage sur la prairie de Mauves de la nouvelle ligne entre la gare d’Orléans et la gare de l’État, par la mise en place d’une halte au poste B, près du pont de la Vendée, pendant l’été, « ce qui éviterait un long parcours à la population de Doulon et faciliterait les affaires de commerces avec les pays de vignobles ». Cette demande reçoit un accord rapide.

En 1941, la construction de la gare de triage de Nantes-Blottereau fait également rentrer le territoire dans une certaine modernité : les imposants bâtiments en béton ou brique rouge ont un impact visuel fort dans ce coin de campagne où les manoirs et les petites fermes anciennes sont encore nombreux. Ses sept voies créent une rupture forte entre les différents hameaux du bourg de Doulon et la prairie de Mauves.

La facilité et la rapidité des déplacements et des relations commerciales offertes par le train sont rapidement prises en compte par la commune et malgré les transformations du territoire, elles sont utilisées pour répondre aux nouveaux besoins économiques et accompagner les métamorphoses démographiques.

Julie Aycard
Dans le cadre de l’inventaire du patrimoine du quartier de Doulon
2021



Aucune proposition d'enrichissement pour l'article n'a été validée pour l'instant.

Vous aimerez aussi

Hôtel de Région

Architecture et urbanisme

En 1972, la Mayenne, la Sarthe, le Maine-et-Loire, la Vendée et la Loire-Atlantique se trouvent réunis au sein d’une nouvelle entité administrative, la Région des Pays de la Loire.

Contributeur(s) :Dominique Amouroux

Date de publication : 25/02/2019

3206

Eugène Cornu (1903-1987)

Société et culture/ Personnalité nantaise

Coqueluche des plaisanciers d’après-guerre, Eugène Cornu popularise la voile avec des types de bateaux encore célèbres aujourd’hui. Le début de sa précoce carrière est également riche...

Contributeur(s) :Gérard Krebs

Date de publication : 06/03/2023

1136

Benjamin Péret (1899 – 1959)

Personnalité nantaise

Au cœur du mouvement surréaliste, Benjamin Péret tente dans ses écrits de lier poésie et politique, en mêlant révolte et créativité.

Contributeur(s) :Chloé Voirin

Date de publication : 13/09/2019

2298