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1823

Dépôt et gare de triage Nantes-Blottereau


Le dépôt et la gare de triage Nantes-Blottereau ont marqué la vie du quartier de Doulon tout au long au 20e siècle. Leur histoire est intimement liée aux deux conflits mondiaux : le dépôt en 1917, le triage en 1940.

1917 : un dépôt lié au débarquement américain

La naissance du dépôt de Nantes-Blottereau destiné à l’entretien des locomotives est la conséquence de l’entrée en guerre des États-Unis contre l’Allemagne le 6 avril 1917. Le 26 juin de la même année, les armées américaines débarquent dans les ports de la façade Atlantique dont Saint-Nazaire et Nantes avec des milliers d’hommes (les Sammies) et un matériel considérable.

Outre l’armement, ils emmènent par bateaux entiers toute la logistique nécessaire au transport. C’est ainsi que des centaines de locomotives arrivent en pièces détachées et sont reconstituées en un temps record : 15 heures par machine, un exploit !

Il s’avère que, très rapidement, les installations ferroviaires françaises sont insuffisantes. En effet, il n’existe sur Nantes que deux dépôts d’entretien des locomotives : celui de Nantes-Mauves situé à côté de la gare de Nantes-Orléans, face à la manufacture des tabacs, et celui appartenant au chemin de fer de l’État situé à l’extrême ouest de l’île Beaulieu.

C’est ainsi que les Américains obtiennent l’autorisation de construire au Blottereau, sur un terrain acheté par la Compagnie d’Orléans, un dépôt d’entretien des locomotives en bout d’un faisceau de voies de garage construites en 1914.

Cette construction entraîne des travaux d’infrastructure routière. En octobre 1918, l’adjudication des travaux de construction d’un pont supérieur de 710 mètres de long pour la déviation des deux chemins vicinaux est signée. Le pont dit des « Américains » est inauguré en mai 1923.

De trois dépôts à un seul au Blottereau

Plusieurs facteurs vont marquer l’évolution des trois dépôts nantais de réparation des locomotives. Tout d’abord, le trafic ferroviaire connaît un ralentissement significatif à partir des années 1930, surtout du côté voyageurs qui subit la concurrence des services d’autocars. Les compagnies privées et dans une moindre proportion l’État sont obsédés par la rentabilité immédiate et oublient d’investir dans des infrastructures qui deviennent obsolètes. C’est particulièrement le cas au dépôt de Nantes-Mauves.

Par ailleurs, les grandes grèves des cheminots en 1920 font avancer l’idée de la nationalisation de toutes les compagnies ferroviaires. En 1930, la Compagnie privée du Paris-Orléans et celle du réseau de l’État envisagent un regroupement et une modernisation de leurs installations.

Enfin, la création de la SNCF le 1er janvier 1938 agit comme un accélérateur : décision est prise de transférer les activités des dépôts de Nantes-Mauves et de Nantes-État sur le dépôt du Blottereau pour le 1er novembre 1941. Les machines et le matériel de Nantes-Mauves sont envoyés le même jour au Blottereau ; en revanche pour Nantes-État – devenu Nantes-Sainte-Anne – la mutation sera beaucoup plus lente.

1940 : une gare de triage initiée par l’armée anglaise...

Les grands conflits mondiaux ont eu des conséquences insoupçonnées sur les évolutions des infrastructures ferroviaires situées au Blottereau. La présence des troupes américaines à Nantes en 1917 fut à l’origine de la création ou de l’embryon du dépôt de réparation des locomotives à vapeur. Les troupes anglaises vont également jouer un rôle dans l’histoire du Blottereau lors de la Seconde Guerre mondiale.

En effet, le 3 septembre 1939, suite à l’agression de la Pologne, la Grande-Bretagne puis la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Nantes, comme Saint-Nazaire, redevient une base de débarquement pour les Anglais qui arrivent, eux aussi, avec une logistique considérable. Les bateaux de la « Royal Navy » accostent quai des Antilles et quai Wilson. Les machines à vapeur britanniques sont garées au dépôt de Nantes-Sainte-Anne… Nantes-État et Chantenay sont saturés et se retrouvent dans la limite de leurs possibilités. Les Britanniques formulent une demande auprès du général, chef de la mission française, pour qu’on leur réserve une plateforme au Blottereau de manière à aménager un triage pour le matériel ferroviaire militaire.

Un triage a pour fonction de trier des wagons isolés (en règle générale de marchandises) ayant des destinations différentes, pour y être couplées. L’objectif est de former un faisceau ou convoi pour l’acheminer en des lieux bien définis. S’il existe plusieurs formes de triage, celui proposé au Blottereau est dit « triage à la gravité ». Il est constitué d’une butte surélevée sur laquelle on pousse un wagon qui descend ensuite par gravité et est orienté sur une voie pour être attelé à son convoi. Une technique relativement complexe et qui peut s’avérer assez éprouvante et très dangereuse pour les hommes qui travaillent en extérieur le long des voies.

Les autorités françaises donnent leur accord à la sollicitation britannique. Une trentaine de soldats anglais ainsi qu’une dizaine de Français sont mobilisés pour cet énorme chantier. Celui-ci qui débute en février 1940 sera de courte durée. L’histoire s’accélère et, le 10 mai 1940, la Wehrmacht envahit les Pays-Bas puis le Luxembourg, la Belgique puis la France par le nord du pays. L’avancée est fulgurante et les Anglais quittent Nantes le 14 juin pour se replier sur Saint-Nazaire. Ils seront des milliers à se réfugier à bord du navire le « Lancastria » qui sera coulé au large.

… terminé par d’anciens militaire de l’armée de la République espagnole

Le dépôt de Nantes est occupé par les troupes allemandes le 21 juin 1940 vers 15 heures.

Bien qu’inachevé le triage est tout de même opérationnel en octobre 1940. Il sera parachevé avec l’aide des militaires de l’armée de la République espagnole qui ont fui les camps d’internement français en s’engageant dans les compagnies des Travailleurs étrangers (CTE). La 178e CTE basée à Doulon est composée de 250 hommes affectés au triage et à des travaux de contournement des voies. Parmi eux, Alfredo Gomez Ollero, un des dirigeants de la résistance clandestine espagnole dans le département. Il sera arrêté, jugé et condamné à mort par un tribunal de guerre allemand (« procès des 42 ») et fusillé au champ de tir du Bêle à Nantes le 13 février 1943 ».

Le fonctionnement de la gare de triage

Le triage se compose de sept voies de réception situées en haut de la butte et de 24 autres voies situées en contrebas (débranchement) où se constituent les convois. Ces derniers sont d’une longueur de 730 mètres. Imagine-t-on les problèmes de communication entre les agents situés tout au bout de ces faisceaux ? C’est ainsi que de puissants hauts-parleurs sont installés en haut des pylônes immenses. Ces derniers servent aussi à l’éclairage de ces hectares de terrain car le travail s’effectue jour et nuit, en 3x8. En 1943, le triage gère plus de 1500 wagons.

Le triage va impacter pendant des décennies toute la vie des habitants du quartier, entre les appels constants diffusés jour et nuit par les hauts-parleurs, le bruit des essieux, les chocs des wagons… Il rythme à sa manière, chaque jour, la vie du Vieux Doulon.

À partir de 1984, le temps de triage est réduit entre 17h15 à 1h15 du matin. Il y a un peu plus de 180 agents occupés à cette activité. Cependant cette période marque le début du déclin du trafic de marchandises qui subit de plein fouet les lobbyings routiers tant français qu’européens.

Malgré de nombreuses luttes et manifestations syndicales, le triage du Blottereau est fermé en juin 1994.

Carlos Fernandez
Dans le cadre de l’inventaire du patrimoine du quartier de Doulon
2021



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1e GM 2e GM Doulon - Bottière Gare Train

Contributeurs

Rédaction d'article :

Carlos Fernandez

Témoignage :

Michel Charrier, Marc Aubert, Julie Aycard

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