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Sèvre Charles Brunellière (1847 - 1917)

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Institut Pasteur


Entre 1898 et 2003, de nombreux Nantais ont fréquenté le laboratoire d’analyses du 26, boulevard Victor-Hugo qu’ils avaient communément l’habitude d’appeler l’Institut Pasteur. Pourtant, dès sa création, l’établissement s’est distingué de son homologue parisien puisqu’il abritait deux services distincts : la station agronomique et le laboratoire de bactériologie. Cette particularité est due au caractère pionnier que Nantes a joué dans le secteur de la chimie agricole.

1852 : la première station agronomique de France

Vers 1820, les vertus fertilisantes du « noir animal » sont découvertes à Nantes. Cette poudre noire, formée d’os broyés et calcinés, était utilisée dans les raffineries locales pour la clarification du sucre. La valorisation du noir constitue une aubaine pour les nombreuses petites raffineries nantaises. Très rapidement, l’insuffisance de la production locale nécessite le recours à l’importation. Ce commerce lucratif incite certains à la tromperie sur la nature et la valeur des produits. Certains engrais ne sont en réalité que des mélanges additionnés de substances totalement dépourvues de principes fertilisants. Afin de réprimer ces fraudes, le ministre de l’Agriculture, le chimiste Jean-Baptiste Dumas, prend la décision de nommer, en 1850, un chimiste vérificateur des engrais à Nantes. Pierre-Adolphe Bobierre, un de ses anciens élèves, est chargé de remplir cette fonction.

Né à Paris en 1823, Pierre-Adolphe Bobierre arrive dans la cité des ducs en 1846 pour prendre la direction d’une usine de produits chimiques. Ce jeune scientifique débarque dans une ville devenue la capitale européenne des engrais commerciaux. En 1848, le préfet le nomme à la tête d’une « commission des engrais » qui sera à l’origine de la première réglementation sérieuse dans le commerce des engrais. Lorsque deux ans plus tard, il est nommé vérificateur des engrais, il demande à utiliser la salle que la mairie met à disposition depuis 1845, au 18, rue du Moulin, pour l’enseignement de la chimie.

Pierre-Adolphe Bobierre poursuit l’enseignement de la chimie et pratique des analyses. En 1852, il sollicite le Conseil général pour une subvention lui permettant d’adjoindre un laboratoire d’analyse à la salle où sont prodigués les cours, afin de donner une portée expérimentale plus importante à son enseignement. Le chimiste obtient satisfaction. Cette approbation de l’administration départementale confère, pour la première fois en France, un caractère officiel à un laboratoire de chimie agricole dénommé : Laboratoire pour la vérification des engrais. Le scientifique en prend la direction et met rapidement en évidence l’action de l’ammoniaque et des nitrates issus de la décomposition des matières organiques sur la croissance des plantes.

En 1855, le Laboratoire de chimie agricole et de vérification des engrais est transféré à l’École supérieure des sciences installée entre la place de la Monnaie et la rue Voltaire. En 1864, ce dernier est dénommé : Laboratoire public pour l’analyse des engrais, matières utiles à l’agriculture. Il est transformé en station agronomique 20 ans plus tard, et son nouveau directeur, Ambroise Andouard, le déplace dans les locaux de l’école de médecine. Rapidement à l’étroit, la station va bénéficier de l’opportunité de la création d’un Institut Pasteur à Nantes.

1898 : un Institut Pasteur à Nantes

En 1888, l’Institut Pasteur, centre de recherche, d’enseignement de chimie biologique, de préparation de sérums et de vaccins, est inauguré à Paris. Il est dirigé par son fondateur, Louis Pasteur, qui trois ans auparavant avait mis au point le premier vaccin contre la rage.

À la mort du savant en 1895, plusieurs villes françaises souhaitent se doter d’un institut comparable. C’est ainsi que le Conseil général est saisi du projet de la création d’un Institut Pasteur en Loire-Inférieure dès le 22 août 1895. Mais le projet nantais comporte une spécificité qui le distingue des autres instituts de province. Il s’agit, en effet, de réunir dans le même lieu et sous le même nom, deux services : la station agronomique et un laboratoire de bactériologie. L’institut nantais ne sera alors jamais une annexe provinciale de celui de Paris et demeurera toujours distinct de l’établissement parisien. L’Institut Pasteur de la Loire-Inférieure n’en avait donc que le nom car ses services n’étaient pas analogues à celui de Paris.

Les travaux débutent dès 1896 sur un terrain cerné par le boulevard Victor-Hugo, la boire de Toussaint et la ligne ferroviaire Nantes-Pornic. En 1898, l’Institut Pasteur est inauguré et les deux services sont installés dans deux bâtiments à l’architecture identique mais aux directions et fonctions distinctes. Ambroise Andouard continue à diriger la station agronomique, tandis que le docteur Gustave Rappin est appelé à la direction du tout nouveau laboratoire de bactériologie, poste qu’il occupe pendant plus de 40 ans.

L’Institut Pasteur après 1945 : évolution des services et devenir du site

Après la guerre, les activités de la station agronomique et du laboratoire de bactériologie se développent et s’étoffent. À partir de 1946, la Ville de Nantes passe une convention avec le Conseil général afin de consacrer la fusion du laboratoire municipal (créé en 1894 sur le site de l’usine des eaux de la Roche et détruit par un bombardement en mai 1944), avec le laboratoire départemental. Six ans plus tard, le laboratoire d’hygiène et de bactériologie est scindé en deux sections : analyses des eaux et analyses médicales.

Pour faire face aux demandes accrues d’analyses et au développement de la recherche, l’agrandissement des locaux s’impose dans les années 1970. Un long immeuble à un étage en bordure du boulevard Victor-Hugo est inauguré en 1980, tandis que les deux anciens bâtiments sont entièrement rénovés.

C’est dans cette configuration que les deux services fonctionnent jusqu’à la création, en 1995, de l’Institut départemental d’analyse et de conseil (IDAC) qui réunit le laboratoire d’hygiène, la station agronomique et le laboratoire vétérinaire. L’année suivante, le choix est fait de transférer l’ensemble de ces services sur un nouveau site à la Chantrerie. Les locaux du 26, boulevard Victor-Hugo sont alors laissés en déshérence pendant huit ans. Squattés, ils sont rasés en 2003 et le terrain, ainsi libéré, sert de réserve foncière au Conseil général. Il faut attendre cinq ans pour que le site soit dévolu aux services solidarité, aménagements et ressources du Conseil départemental. Le bâtiment, dont la réalisation a été confiée aux architectes Brenac et Gonzalez, est inauguré en 2015.

Nathalie Barré
Archives de Nantes
2022

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En savoir plus

Bibliographie

Archives de Nantes, Le quartier des Ponts, coll. Quartiers, à vos mémoires, Nantes, 2021

Paillusseau Élie, « L'Institut Pasteur de Nantes et le Docteur Rappin », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°121, 1985

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Rédaction d'article :

Nathalie Barré

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