Hangar à bananes
Bâtiment emblématique qui marque l’arrivée dans le port de Nantes par la voie fluviale, le hangar à bananes fait partie d’un projet d’entrée portuaire monumentale pensé dans le contexte de la renaissance du port au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Les premières halles du quai des Antilles
En 1903, la Chambre de commerce, qui est autorisée par le décret du 26 août 1893 à établir et à administrer les installations provisoires sur les quais de Nantes, construit une première halle, de dimension réduite, sur le bord de la première travée du quai des Antilles. Puis, en 1907, elle bâtit trois nouveaux hangars sur les deuxième et troisième travées du quai. Ces halles en fer sont élevées par l’établissement de construction métallique Joseph Paris, établi à Nantes. Ils sont parmi les premiers édifices nantais à recevoir une couverture en fibro-ciment, un matériau novateur alors obtenu par compression de fibres végétales dans du ciment. Ces hangars se situent à l’entrée du quai et des voies ferrées permettent de transporter les marchandises qui y sont stockées jusqu’à la gare de l’État.
Quai des Antilles dessiné par Charles Friesé
Date du document : 14-09-1948
Des hangars dédiés aux bananes
En 1932, le besoin d’un hangar dédié au stockage des bananes se fait sentir. Dans l’attente d’un nouveau bâtiment, le hangar n°3 est aménagé pour répondre aux conditions de transport des bananes. Puis, en 1934, un hangar dédié est élevé au milieu du quai. Il reprend la même structure métallique que les premiers.
Après la Seconde Guerre mondiale, la Chambre de commerce et le service des Ponts et Chaussées s’engagent dans la reconstruction du port de Nantes et dans la reconstitution voire l’amélioration de son équipement. La construction d’un nouveau hangar destiné à la réception, au triage et à la réexpédition de régimes de bananes en provenance des colonies Françaises est programmée.
Magasins de la Compagnie des chargeurs réunis
Date du document : 11-03-1935
Un projet d’entrée monumentale pour le port de Nantes
Le service des Ponts et Chaussées dessine les grandes lignes du projet de hangar à bananes dont les détails et variantes sont laissées à la libre proposition des entreprises. Le bâtiment à construire doit se composer d’un hall de réception et de classement ayant environ 155 mètres de long et 30 mètres de large, formé d’une nef principale de 30 mètres de largeur et de deux nefs latérales de 4,40 mètres de largeur.
Hangar n°21 pour la réception des bananes
Date du document : 12-07-1946
Le marché est remporté par la SITRAP mais les Ponts et Chaussées demandent à leur architecte consultant Charles Friesé de dessiner la façade sud du bâtiment.
Projet de hangar à bananes proposé par Charles Friesé
Date du document : 19-08-1948
En effet, le service se saisit de l’opportunité de la construction du hangar à bananes pour étudier et mettre en œuvre un projet d’aménagement de la pointe des Antilles. A leur demande, Charles Friesé dessine un projet d’entrée portuaire monumentale bâtie à la proue de l’ancienne île Sainte-Anne. Dans ce projet, la nouvelle façade du hangar à bananes compose l’arrière-plan d’une annexe du bureau du port dont le bâtiment principal est installé sur le quai de la Fosse dans l’actuel Maison de la Mer Daniel Gilard. L’annexe surmonte une cale et un ponton encadré par des musoirs dont les palplanches s’appuient sur deux piles pour former des volumes cylindriques.
A l’origine du projet, l’annexe du bureau du port devait être un bâtiment comportant des bureaux et une terrasse d’observation. Charles Friesé proposait de donner un caractère maritime affirmé à cette construction par un volume hémicirculaire en bow-window surmonté par un indicateur de marée rappelant la forme d’un phare. L’ensemble était aménagé dans un espace arboré accentuant le caractère accueillant et imposant de cette entrée de ville.
Projet d’aménagement de la pointe des Antilles par Charles Friesé
Date du document : 01-09-1948
La création du musoir des Antilles
En 1949, les Ponts et Chaussées discutent du projet d’aménagement de la pointe des Antilles avec Michel Roux-Spitz, architecte urbaniste en charge de la Reconstruction de Nantes, et son représentant sur place, M. Guillou ; ce dernier propose un nouveau projet pour le bureau du port : l’indicateur si précieux aux yeux du service a disparu, le bâtiment parallélépipédique n’offre plus aucun caractère maritime. Sa construction est abandonnée et remplacée par la mise en place de pelouses dans le but de donner à ce site un caractère accueillant.
Les travaux de création du musoir adjugés à la société des Grands travaux de Marseille sont lancés en septembre 1949 et se termine en 1952 avec la mise en place des pelouses. Dans ce contexte uniquement industriel, celles-ci disparaîtront au début des années 1960.
Chantier de construction du hangar à bananes, quai des Antilles
Date du document : 23-07-1949
En l’absence du bureau du port, le hangar à bananes et sa façade dessinée par Charles Friesé ont pour fonction de créer une entrée de ville. L’installation des norias à bananes sur le quai en 1951 témoigne de la vitalité du lieu après-guerre.
Le hangar à bananes
Date du document : 2006
Réceptionner, trier et réexpédier les bananes
Le hangar à bananes se compose d’un hall de réception et de classement d’environ 155 mètres de long et 40 mètres de large. Il est formé d’une nef principale de 20 mètres de largeur soutenue par des poteaux en béton placés tous les 2,45 mètres et accostée de deux nefs secondaires. Un couloir construit au-dessus d’une voie ferrée et destinée au chargement des bananes sur wagons se greffe sur le flanc est. Le poste de transformation à haute-tension, un magasin, le poste de distribution à basse-tension, le hall d’entrée, les réservoirs à combustible et la chaufferie sont construites au nord. Un hall de chargement sur camions, surmonté de bureaux prennent place à l’arrière de la façade sud. Son toit est formé de deux longs pans à pente très faible qui disparaissent derrière la façade principale. Il est ponctué à intervalles réguliers d’édicules vitrés.
Hangar à bananes
Date du document : 09-03-2007
Le hangar est conçu pour l’installation de norias automatiques utilisées pour le déchargement des bananes. Des échancrures sont donc pratiquées dans la toiture pour permettre à la chaîne de descendre directement dans l’aile ouest du hangar où les manutentionnaires peuvent les réceptionner.
Coupe transversales du hangar n°21 pour la réception des bananes
Date du document : 27-06-1946
Un lieu d’innovation dans le domaine de la nutrition-santé
« Fort Carillon » et les cargos bananiers de la Compagnie générale transatlantique ont pendant longtemps arpenté le quai des Antilles pour décharger des fruits exotiques riches en vitamines et magnésium. Jusque dans les années 1970 on y stockait et laissait mûrir les bananes venues par bateau de Guadeloupe, de Martinique, de Guinée et Côte d’Ivoire. Plusieurs nutritionnistes se sont intéressés au rôle de passage de témoin de cet espace comme laboratoire de la nutrition-santé. Une scientifique a joué un rôle déterminant pour décloisonner l’innovation dans ce domaine : Lucie Randoin. Les travaux hygiénistes de cette biologiste ont encouragé l’importance de filières sélectives en quête de produits naturels. Ses recherches ont par exemple encouragé les Terre-Neuvas de Trentemoult à valoriser l’huile de foie de morue et à développer la pêche au saumon de Norvège.
Le hangar à bananes a été un lieu d’inspiration pour puiser d’autres alternatives en Afrique et dans l’océan Indien pour la nutrition-santé, à savoir la farine de manioc de Madagascar. D’importantes pénuries de coquillages et minéraux marins en 1967 pour l’alimentation pour bétail ont conduit les industries Probiomer, créatrices d’un complément alimentaire naturel fait à partir de coquillages et minéraux marins, à s’approvisionner en farine de manioc de Madagascar auprès d’importateurs Nantais. Cette farine fut essentielle pour produire les compléments alimentaires pendant cette pénurie. Ce mouvement qui a agi comme une boite à idées pour faire de Nantes une « Babylone » de l’agroalimentaire et du consommer autrement entre terre et océan, sera encouragé par plusieurs figures du syndicalisme agricole. Un paysan Bouguenaisien encore très jeune, Henri Robichon, fondera l’Union des Syndicats Agricoles de Loire-Inférieure, connue pour son journal La Terre Nantaise. Il sera président de la coopérative agricole de Nantes.
Un lieu d’animation populaire
Mais dès le milieu des années 1970, le hangar est désaffecté, et les aménagements de l’entrée dans la ville par voie fluviale abandonnées. Ce n’est qu’en 2007 que le projet de réaffectation du hangar accompagnera celui du quai des Antilles pour créer une promenade sur les rives de Loire.
Hangar à bananes et   Les anneaux   de Daniel Buren
Date du document : 25-04-2009
Il abrite aujourd’hui des restaurants, bars et salles de spectacle. Ce changement de fonction a nécessité l’ouverture du mur latéral ouest travées par travées. Les parpaings ont été remplacés par des baies vitrées et de nouvelles séparations intérieures ont été créées. En revanche, la structure générale du bâti a été conservée.
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
Enrichissement d'article :
Kevin Lognoné
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