Haluchère-Batignolles
En 1984, le nom d’un petit hameau de l’est de Nantes, la Haluchère, est devenu familier aux Nantais. Cette année-là, s’achevait la première partie de la ligne 1 du nouveau tramway qui, provisoirement, s’arrêtait au boulevard Jules-Verne. Pourquoi donc avoir donné à ce premier terminus le nom d’un hameau inconnu ? De l’autre côté du boulevard, à quelques dizaines de mètres, la grande usine métallurgique des Batignolles avait, depuis les années 1920, donné son nom à toute cette partie du quartier.
Le tramway nantais
Imaginons ce qui a pu se passer, à la commission municipale chargée de baptiser rues et places de Nantes. Le nouveau tramway nantais, c’est la plus grande réalisation de la municipalité d’Alain Chénard, une municipalité très à gauche. En 1983, elle est remplacée par la municipalité de Michel Chauty, une municipalité très à droite. Michel Chauty ne veut pas du tramway ; il a tenté d’arrêter les travaux, mais ils étaient vraiment trop engagés. Il refusera d’inaugurer la première ligne. Une rue de la ville, la rue Maurice-Thorez, au nom très marqué politiquement, a déjà été débaptisée. Les Batignolles avaient la réputation, méritée, d’être l’usine rouge de Nantes. Déjà, en 1986, ce quartier ouvrier nantais avait été rattaché à la circonscription électorale d'Ancenis... A-t-on voulu, en donnant au terminus le nom d’un hameau rural, faire oublier le nom des Batignolles ? Les faucilles blanches contre les marteaux rouges ? Qui sait ? Qui a une autre réponse à ces questions ?
Des cultivateurs aux maraîchers de la Haluchère
La Haluchère, jusqu’en 1908, fait partie de la commune de Doulon. La frontière naturelle entre Doulon et Nantes, c’est au nord la route de Paris, et à l’ouest un ruisseau, dit de la Sècherie ; elle est renforcée depuis 1877 par la ligne de chemin de fer Nantes-Châteaubriant.
Plan du hameau de la Haluchère
Date du document : 23-10-2012
Le cadastre de 1834 nous montre une grande maison, et deux autres plus petites. Les registres des recensements nous donnent une idée de leurs habitants : en 1872, les trois maisons abritent trois ménages de jardiniers, regroupant au total 14 personnes.
Plan du hameau de la Haluchère
Date du document : 24-08-2018
En 1911 – Doulon a été rattachée à Nantes en 1908 – l’agent du recensement n’inscrit que 11 habitants ; la maison Grimaud est occupée par Louis Briand, cultivateur, son épouse, ses deux enfants et deux domestiques. La maison Thébaud abrite Donatien Thébaud, jardinier, son épouse, ses deux enfants et un domestique.
En 1921, on relève encore l’existence de trois maisons, abritant 6 ménages et 18 habitants. Donatien Chevalier (maison Thébault) est jardinier. La maison Grimaud est occupée par François Dupé, cultivateur, et sa famille ; par Frédéric Lemesle, au chômage ; par René Tendron, ouvrier jardinier. Une autre maison Thébault est occupée par Victoire Thébault, patronne jardinière, et par le ménage de Jean-Baptiste Thébault (son fils ?), jardinier.
Urbanisation
En 1931, le hameau s’est peuplé ! On y recense 10 ménages et 38 habitants. Les Thébault, Alexandre et Jean, y sont encore jardiniers ; Yves Abguillerm y est cultivateur (on retrouvera cette famille quelques années plus tard à Clermont-Ranzay) ; un chef de famille travaille chez Bodinier (un transporteur), un autre chez Byrrh (le célèbre apéritif a un dépôt à Nantes) ; deux autres sont ouvriers aux Batignolles : les cités en bois n’abritent que 500 des 3 000 ouvriers de l’usine !
En 1946, le recensement englobe le hameau et ses abords (le chemin dit de la Haluchère, qui permet d’atteindre la route de Paris) dans un ensemble qui compte 110 habitants. Les Thébault sont devenus maraîchers, mais ils ne sont pas les seuls, puisque le secteur compte 5 tenues maraîchères, qui peuvent employer plusieurs « domestiques ». Les autres habitants travaillent à la SNCF, aux Batignolles ; les épouses et les filles sont secrétaires, sténo-dactylos, employées de commerce… Avec l’urbanisation du quartier, dans les dernières décennies du 20e siècle, le hameau a disparu sous le bitume du parking Paridis. En 1970, le cadastre en montrait encore un plan pratiquement inchangé.
Rues et chemins
Les Batignolles ont failli être rayées de la mémoire nantaise. Elles avaient elles-mêmes fait disparaître en partie le nom de Saint-Georges, un domaine sur lequel l’usine avait été bâtie. Jusqu’au 18e siècle, la route de Nantes à Carquefou passait par Saint-Georges ; notre rue de Koufra, notre avenue de la Gare-de-Saint-Joseph, formaient le chemin de Saint-Georges, le début du grand chemin de Carquefou. Étroit et tortueux, il avait été remplacé en 1791 par une large voie plus carrossable, en face du hameau du Chemin-Rouge ; elle est devenue l’avenue du Professeur-Auvigne (Auvigne, sans accent sur le « e » final), et le vieux chemin a été coupé, en partie vendu à l’usine des Batignolles dans les années 1920.
Visite guidée de la nouvelle gare d'Haluchère
Date du document : 03-11-2020
À son tour donc, le nom des Batignolles aurait pu être oublié, remplacé par celui de la Haluchère, et surtout par celui du grand stade voisin, la Beaujoire, qui utilise lui aussi le nom d’un minuscule hameau disparu. C’était sans compter avec les Batignollais ! Lorsqu’il fut question de donner un nom à la nouvelle gare multimodale, des habitants du quartier, soutenus par des associations comme Batignolles-Retrouvailles, demandèrent très fort qu’on lui donne le nom des Batignolles ; ils ont été entendus. C’est pourquoi aujourd’hui la gare porte le nom de Haluchère-Batignolles ; si on a voulu garder aussi le nom de Haluchère, c’est qu’il avait été utilisé pendant 28 ans et qu’on avait fini par s’y habituer.
Louis Le Bail
2018
En bref...
Localisation : Petite Baratte (rue de la), NANTES
Date de construction : 2014
Auteur de l'oeuvre : Davy, Luc (architecte) ; Geffard, Stéphane (architecte)
Typologie : architecture civile publique et génie civil
En savoir plus
Documentation
Exposition sur l'histoire des Batignolles par l'association Batignolles-Retrouvailles
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Rédaction d'article :
Louis Le Bail
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