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Le dessous des sols : fouille archéologique au 5-9 rue évêque Émilien


Le diagnostic archéologique réalisé par la Direction du Patrimoine et de l'Archéologie (DPARC) au 5-9 rue évêque Émilien, durant le mois de mai 2011, a été déclenché par la construction de logements et de locaux commerciaux sur un secteur sensible, compte-tenu de la présence à proximité immédiate de deux entités archéologiques dont les origines anciennes ne sont plus à démontrer.

Commentaire historique 

En effet, le site se trouve aux abords d’une voie qui, dès l’Antiquité, relie Condevicnum (Nantes) à Juliomagus (Angers). Cet axe de circulation important perdure très certainement aux époques médiévale et moderne et se retrouve encore à l’heure actuelle par le biais de la rue Saint-Donatien, qui en reprendrait le tracé selon des plans anciens du 17e siècle.

Par ailleurs, la parcelle investiguée est située à une trentaine de mètres seulement de l’église Saint-Donatien-et-Saint-Rogatien, dédiée aux deux « enfants nantais » Donatus et Rogatianus martyrisés sous le règne de l’empereur Dioclétien, au 3e siècle de notre ère. L’historique du site de Saint-Donatien nous provient principalement des fouilles menées par A. Cahour en 1873 lors de la reconstruction de la nouvelle basilique, agrémentées des premiers relevés stratigraphiques nantais réalisés par son collaborateur R. Kerviller. La lecture de ces données témoigne d’une occupation des lieux continue entre le début du Haut-Empire et le 10e siècle, quasiment exclusivement dédiée à l’activité funéraire. 

5-9, rue Evêque Émilien

5-9, rue Evêque Émilien

Date du document : 2011

Si la plupart des vestiges antiques concerne des urnes à incinération, attestant clairement la présence d’une nécropole à crémation, d’autres font référence à des éléments de construction, dont un possible mausolée, et à de l’habitat. Ainsi, la présence de ces éléments d’architecture, l’éloignement de l’agglomération antique et la discontinuité d’une occupation funéraire le long de la voie, incitent à restituer ici une nécropole probablement associée à une vaste villa péri-urbaine du Haut-Empire, dont la localisation reste à définir.   

Cette nécropole perdure jusqu’au 4e ou 5e siècle, notamment par le biais de sarcophages en plomb, de coffrages en tuiles et de cercueils en bois, avant que ne soit érigé un premier édifice chrétien de plan rectangulaire à abside, dont les fondations ont été reconnues sous la basilique actuelle. Les espaces intérieur comme extérieur étaient occupés par près d’une centaine de sarcophages en pierre attribuables aux 6e-7e siècles, et dans une moindre mesure aux 8e-9e siècles ; ils sont tous postérieurs à l’édifice à abside, lequel peut être interprété comme la première basilique paléochrétienne, probablement datable du 5e ou 6siècle. La présence d’une cavité aménagée dans l’abside, associée à la forte densité d’inhumations regroupées dans sa périphérie immédiate, plaide pour l’hypothèse d’une basilique martyriale.

Il nous faut ici rappeler qu’au sud de la basilique, au cœur du cimetière actuel, est aujourd’hui conservé un édifice rectangulaire dénommé « chapelle Saint-Étienne », dont le mur gouttereau nord présente un mode de construction en petit appareil caractéristique de l’Antiquité, ou plus probablement de l’Antiquité tardive. D’après A. Cahour, la tradition attribue sa construction à l’évêque Épiphane au 6e siècle, pour le dépôt des reliques de Saint-Étienne ramenées de Jérusalem. Les données archéologiques ne permettent pas de trancher à ce jour entre une identification de l’édifice comme élément intégré au complexe de la villa et de sa nécropole, ou comme bâtiment annexe de la basilique paléochrétienne. Toutefois, les deux hypothèses ne se contredisent pas nécessairement et une réaffectation d’un bâtiment antique associé à la première basilique, en tant que chapelle annexe par exemple, paraît vraisemblable.

Cette basilique est reconstruite à la suite de l’occupation viking des 9e-10e siècles, et perdurera jusqu’en 1872, date à laquelle est décidée sa reconstruction sous la forme que l’on peut encore observer aujourd’hui.

Plus généralement, le site de Saint-Donatien s’inscrit dans un paysage rural dont le parcellaire n’a semble t-il guère évolué au cours des trois siècles précédents, étant déterminé par la présence de deux axes viaires principaux que sont la route de Paris et la route du Coudray. On y observe une urbanisation principalement localisée le long de ces routes et autour desquelles se développe un paysage composé de grandes parcelles à vocation culturale.

Vue d’ensemble du mur nord de la chapelle Saint-Étienne

Vue d’ensemble du mur nord de la chapelle Saint-Étienne

Date du document : sans date

Commentaire archéologique 

Vue des sols 5 -9 rue Evêque-Emilien

Vue des sols 5 -9 rue Evêque-Emilien

Date du document : 03-05-2012

Deux sondages ont été réalisés manuellement, du fait de l’exiguïté des lieux, sur des parcelles revêtant aujourd’hui la fonction de cours ou de jardins. Ils ont permis de mettre au jour des vestiges de datation moderne et contemporaine (niveaux de sols et remblais, creusements divers), ainsi qu’un fossé antique. Aucun niveau médiéval n’a été reconnu ; les fortes perturbations attribuées à la fin de l’époque moderne (17e-18e siècles) expliquent certainement leur absence.

Vue du fossé antique 5 - 9 rue Evêque-Emilien

Vue du fossé antique 5 - 9 rue Evêque-Emilien

Date du document : 10-05-2012

Le principal fait archéologique demeure donc la présence de ce fossé précédemment mentionné, parcellaire ou de voirie, dont le comblement sommital comporte une forte concentration de fragments de terre cuite architecturale.

Fragment de tuile vestige du 5 - 9 rue Evêque-Emilien

Fragment de tuile vestige du 5 - 9 rue Evêque-Emilien

Date du document : 25-05-2012

Plusieurs d’entre elles, de forme caractéristique, témoignent de la présence à proximité d’un édifice antique pourvu d’un système de chauffage par hypocauste, dont les remblais de destruction ont été partiellement rejetés dans ce fossé. Ce bâtiment pourrait éventuellement se rattacher à l’occupation reconnue à l’emplacement de la basilique Saint-Donatien-et-Saint-Rogatien et de la chapelle Saint-Étienne, toutefois sans certitude.

Christian Le Boulaire, Karine Prêtre
Direction du Patrimoine et de l'Archéologie, Ville de Nantes / Nantes métropole
2012

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En savoir plus

Bibliographie

Amouroux  Dominique, Croix Alain, Guidet Thierry, Gyuvarc'h Didier (dir.), Dictionnaire de Nantes, Presses universitaire de Rennes, Rennes, 2013

Pages liées

Dossier Archéologie

Basilique Saint-Donatien et et Saint-Rogatien

Saint-Donatien

Chapelle Saint-Étienne

Tags

Archéologie Malakoff - Saint-Donatien

Contributeurs

Rédaction d'article :

Christian Le Boulaire, Karine Prêtre

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