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Nantes la bien chantée : Chanson de la Jonelière Juifs

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Ancienne chapelle Saint-André


À l’emplacement du 64 rue Préfet-Bonnefoy, se trouvait la chapelle Saint-André, aujourd’hui disparue. Probablement édifiée au 5e siècle, elle est détruite lors des raids scandinaves aux 9e et 10e siècles. Reconstruit à plusieurs reprises, cet édifice devient bien national lors de la Révolution française. La chapelle est définitivement démolie au cours du 20e siècle.

Le martyr de saint André

André, frère de saint Pierre, est le premier disciple de Jésus-Christ. Après la crucifixion de ce dernier et la dispersion des apôtres, saint André se serait rendu en Scythie mineure, aux environs du delta du Danube. À Patras, dans le Péloponnèse, il aurait converti plusieurs personnes dont Maximila, épouse du proconsul Egeas. En l’an 60, André est arrêté, jugé et choisit le martyr de la croix plutôt que de se soumettre au proconsul. 

Au 5e siècle, l’évêque de Nantes, Léon, natif de Grèce, aurait apporté de son pays les reliques de saint André et les aurait déposées dans une chapelle bâtie en son honneur dans les faubourgs de Nantes. Léon y aurait été inhumé en l’an 445, d’après le théologien Albert Le Grand. Cependant, cette date semble erronée car l’évêque participe au concile d’Angers en 453.

Une occupation gallo-romaine

En 1636, le mémorialiste Dubuisson-Aubenay observe la chapelle Saint-André et mentionne dans ses écrits qu’« un pan de très antique muraille » fait partie de la chapelle. Il compare ce dernier au mur d’enceinte antique situé dans le jardin des Régaires, près de la porte Saint-Pierre. 

Les soupçons de Dubuisson-Aubenay sont confirmés au 20e siècle. Des fouilles archéologiques sont en effet menées sur l’édifice en 1922 par le chanoine Durville. Ce dernier précise que, même si les murs ont été démolis, la découverte de débris de briques et de tuiles romaines (tegulae) et de « tout un ensemble de pierres cubiques » indique le réemploi de matériaux gallo-romains pour construire la chapelle Saint-André. Des fouilles archéologiques menées en 1992 ont pu confirmer l’occupation gallo-romaine du site. De plus, la chapelle se trouvait en bordure d’une voie romaine en direction de Châteaubriant, suivant aujourd’hui le tracé de la rue Préfet-Bonnefoy. 

Sarcophages mérovingiens

Lors des fouilles de 1922, un terrassier fait une découverte fortuite. Creusant avec sa pioche, ce dernier découvre 18 sarcophages anciens. Ils sont décrits comme étant en falun des Cléons, l’un d’entre eux est en grès, d’autres en schiste ardoisier ou encore taillés dans la pierre tendre.

Sarcophages anciens découverts en 1922

Sarcophages anciens découverts en 1922

Date du document : 1922

D’après le chanoine Durville, le sarcophage en grès placé dans le chœur et dans l’axe de l’édifice pourrait être le premier à avoir été inhumé à cette place d’honneur. Il pourrait ainsi s’agir de l’évêque Léon. Sa description précise qu’il est fait de grès gris, il est par ailleurs « le seul de cette matière plus rare et plus dure à travailler ». Sa cuve est « légèrement évasée à ses deux extrémités comme certains sarcophages du 4e siècle ». Il est «le seul à ne pas être orné de la croix trinitaire», ce qui s’expliquerait par son époque, durant laquelle cette ornementation « n’était pas encore d’usage ». Il contenait le squelette d’un homme d’un âge avancé. Les traces d’oxydation de bronze à l’intérieur du sarcophage pourraient être le témoignage des objets inhumés avec le prélat.

Ces sarcophages, qui pourraient dater du 5e au 7e siècle, permettent à Georges Durville de suggérer que la première chapelle Saint-André pourrait dater du 5e siècle et qu’il est possible que son fondateur, l’évêque Léon, y soit inhumé.

Une chapelle dévastée et reconstruite

En 843, un premier raid venu de Norvège attaque la ville de Nantes. Les raids vikings se multiplient aux 9e et 10e siècles, les guerriers scandinaves remontent la Loire pour piller la cité nantaise fortifiée. 

La Chronique de Nantes fait mention d’une abbaye de Saint-André, dont la chapelle faisait partie, (Abbatiolam Sancti Andreae), dévastée par des attaques normandes (normanorum vastitate). Ce texte ajoute que l’abbaye a fait l’objet d’un don du duc Alain 1er le Grand à l’évêque Foucher entre 897 et 907. 

Le chanoine Durville évoque dans un article qu’il a découvert « plusieurs pierres de granit rougies par un feu violent et qui s’effritaient au frottement, ainsi que celles de larmes de plomb fondu » ; ces dernières pourraient provenir d’un incendie du toit de la chapelle, peut-être survenu lors des attaques normandes. 

Au début du 11e siècle, tandis que la chapelle et l’abbaye sont reconstruites, « l’église » Saint-André (ecclesiam quoque Sanscti-Andreae) est mentionnée en 1063 dans la charte de l’évêque Quiriac qui la donne au Chapitre. Un titre datant de 1430 qualifie la chapelle de «Prieuré Saint-André».

Reconstruction en 1766

Tandis que les sarcophages mérovingiens sont retirés lors des travaux de 1922, le propriétaire de l’édifice remarque une pierre blanche dans le mur nord du bâtiment. En lettres capitales romaines l’inscription traduite indique : 
« À la plus grande gloire de Dieu.

Cette chapelle élevée en l’honneur de saint André, apôtre, et tombée de vieillesse depuis quelques années, a été relevée par M. Jean Fonreaux, recteur de cette paroisse. Il en a été posé cette première pierre le 9 mai de l’an 1766. Les travaux ont été dirigés par Perraudeau, architecte. »

Ces précieuses informations indiquent et prouvent la présence d’un édifice plus ancien au même emplacement. C’est d’ailleurs la chapelle « tombée de vieillesse » (vetustate eversam) qui est représentée sur le plan Cacault de 1757.

Plan Cacault centré sur la chapelle Saint André

Plan Cacault centré sur la chapelle Saint André

Date du document : 1757

Bien national

Lors de la Révolution française, les biens du clergé sont nationalisés par le décret du 2 novembre 1789. La chapelle Saint-André est ainsi déclarée bien national et est vendue le 11 pluviôse de l’an 3 (30 janvier 1795), lors d’une vente aux enchères. Estimée à 3400 livres, elle est adjugée à la quatorzième enchère au prix de 9500 livres. 

Un procès-verbal décrit le bâtiment jadis dédié au culte : « 1° La chapelle consiste en une seule pièce ayant 34 pieds de longueur sur 19 de largeur […] couverte d’ardoises […] éclairée par quatre grands vitraux, deux vers la partie nord, et les deux autres vers la partie sud ; sa porte d’entrée sur une petite cour […] ladite chapelle est lambrissée sous les combles de charpente en forme d’une ellipse cintrée en planches de sapin. Il existe dans ladite chapelle, la table de l’autel, construite en bois, son marchepied, deux gradins dorés, un tabernacle et, au-dessus, est un tableau qui représente saint André. » 

La chapelle, alors située dans la rue Saint-André renommée rue Pope, est achetée par Marion de Procé, un homme de loi. 

Fourneau municipal

Numérotée au 19e siècle au 40 rue Saint-André, l’ancienne chapelle est utilisée comme atelier, comme l’indique un document de 1843 décrivant le bâtiment  comme « un grand atelier sur la cour ». La chapelle devient par la suite la propriété de Pierre Pichelin. L’édifice est ainsi loué en mars 1875 à la ville de Nantes pour y établir un restaurant social, le fourneau municipal alimentaire. Lors d’un renouvellement du bail en 1894, un rapport de l’architecte inspecteur des bâtiments communaux indique les réparations indispensables à effectuer sur l’ancienne chapelle : la réfection totale de la charpente et de la couverture, qui sont entièrement pourries. Les travaux d’aménagement n’étant pas suffisamment avancés en mai 1914, le bail prend fin en juin et le restaurant municipal est transféré rue Henri-Cochard.

Le fourneau municipal alimentaire

Le fourneau municipal alimentaire

Date du document :

Disparition de la chapelle et nouvelles fouilles

Après les fouilles archéologiques de 1922, l’ancienne chapelle est réhabilitée en maison d’habitation. Cette dernière est détruite dans la première moitié du 20e siècle, sans en connaître la date exacte. À l’occasion de l’aménagement de la Z.A.C. Sully, de nouvelles fouilles sont effectuées en 1992. Celles-ci permettent la découverte de sept nouvelles sépultures mérovingiennes (cinq sarcophages et deux coffres en dalles d’ardoises) ainsi que des morceaux de tuiles (tegulae) datant de l’époque gallo-romaine. Les ruines de la chapelle sont visibles sur une vue aérienne datant de 1993.

Vue aérienne des ruines de la chapelle en 1993

Vue aérienne des ruines de la chapelle en 1993

Date du document : Août 1993

Il ne reste aujourd’hui plus de traces de la chapelle Saint-André, mais le souvenir du martyr chrétien demeure dans la dénomination du cours Saint-André voisin.

Kevin Morice
Archives de Nantes
2024

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En savoir plus

Bibliographie

Brunterc’h Jean-Pierre, Le diocèse de Nantes entre 936 et 1049, Société historique et archéologique de Bretagne

Pierre Antoine et Noël Bruno Daru, Histoire de Bretagne, vol. 1, Paris, Didot et Fils, 1826 

Emile Mâle, Histoire et légende de l’apôtre Saint-André dans l’art, Revue des deux mondes, 1951

Maître Léon, Nantes avant les normands

Ressources Archives de Nantes

1G65 cadastre révolutionnaire 

3M92 

1PER223/18 îlot Sully

Tags

Moyen Age Chapelle

Contributeurs

Rédaction d'article :

Kevin Morice

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