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Femmes à Bonne Garde


L’association Bonne Garde, issue des patronages catholiques a été pendant près de 65 ans presque exclusivement masculine. Aujourd’hui plus de 70 % des adhérents sont féminins. Cette « révolution » a été précédée par une longue période où la fédération des patronages a eu plus de mal que les fédérations laïques à se défaire des questions du corps féminin que l’on ne devait pas deviner, de la mixité. Des interdits, des règles humiliantes ont longtemps perduré.

De cette période blessante pour les femmes, Bonne Garde n’a connu que des fins de comète, car les femmes ne sont arrivées de façon significative qu’au milieu des années 1960. Par contre, la question de la mixité, on devrait dire de la non-mixité, a été très présente bien au-delà.

Comme dans la très grande majorité des organisations, avoir plus de 70 % de femmes chez les adhérents n’a pas résolu la question de leur place dans les instances dirigeantes, alors que rien n’y fait formellement obstacle. Saluons cependant ce fait « historique » : après 117 ans d’existence, l’association a élu une femme à la présidence en 2018.

La place des femmes dans les activités

Dans l’entre-deux-guerres, on peut affirmer qu’aucune activité ne permettait d’accueillir des femmes au même titre que les hommes. Football et basket étaient des disciplines datant de l’avant-guerre fermées pour elles et la mixité au théâtre n’a été permise que dans les années 1950. Les activités enfantines, les patros du jeudi (centre de loisirs) n’échappaient pas à la règle. L’activité était certes formellement ouverte aux filles, mais ce n’était pas au même endroit, pas avec la même diversité d’activités et surtout pas avec les mêmes effectifs.

La première activité à accueillir les femmes, au même titre que les hommes, a été le tennis de table au début des années 1960. Elles n’étaient pas nombreuses, mais elles s’entraînaient et concouraient à l’identique des hommes. Leur place était d’autant plus acceptée que ce sont elles qui ont atteint, en 1969, le niveau le plus élevé dans la discipline en accédant au niveau national.

Les femmes étaient cependant bien présentes dans l’association, tout particulièrement dans la réalisation des manifestations ou évènements non disciplinaires. Elles étaient bénévoles, mais dans la très grande majorité, leur présence était liée ou consécutive à celle de leurs conjoints eux-mêmes investis dans l’association.

Le grand virage a été opéré avec la création en 1966 de la section de gymnastique féminine. C’est cette activité qui a été le grand déclencheur de la féminisation de la population adhérente, et ce de façon encore plus significative, lorsque l’association s’est ouverte aux activités de la forme et du bien-être dans les années 2000. À cela s’est ajouté la danse (1988), qui était, de fait, exclusivement féminine et la musique brésilienne (2011) où la mixité était assurée dès le départ.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, à Bonne Garde comme au sein de la fédération des patronages (FSCF) plus de 70 % des adhérents sont aujourd’hui des adhérentes.

La question du corps féminin

Cette question a longuement hanté la fédération des patronages qui, dans un premier temps, n’a pas intégré les femmes de plein droit dans leur structure. Elles durent se constituer en 1929 dans une organisation parallèle gymnique, le « Rayon Sportif Féminin », sous le contrôle de la fédération. Les règles et contraintes de l’activité gymnique relevaient de la discrimination. Les garçons n’avaient rien de comparable. Des règles que l’on peut qualifier d’humiliantes et qui se traduisaient notamment dans les tenues vestimentaires.

Elles se manifestaient également dans les mouvements non autorisés, sous peine d’être pénalisée. Enfin, il était obligatoire de transmettre avant la prestation le programme des mouvements libres pour éventuellement les censurer au motif qu’ils pourraient être soit inconvenants, indécents ou incompatibles à la future fonction de mère (comme par exemple le grand écart).

Cet état d’esprit et certaines de ces mesures, notamment vestimentaires, ont perduré jusque dans les années 1960. Elles ont depuis totalement disparu. Au contraire, ce les tenues féminines sont  les plus inventives, les plus colorées, les plus libres.

La mixité

La mixité est une autre façon d’évoquer la place des femmes, même si par essence elle touche aussi les garçons. La règle, c’était la non-mixité. Non-mixité dans les patros du jeudi, non-mixité dans les colos, non-mixité dans le théâtre, non-mixité dans le sport, non-mixité dans le foyer des jeunes…

Cette non-mixité n’était pas une exclusivité des patronages. Il faut se rappeler que la mixité obligatoire dans toutes les écoles date de la loi Haby (1975). Cette difficulté, du monde catholique, jusqu’à des années pas si lointaines, à prendre de la distance sur ce sujet peut faire sourire aujourd’hui, alors que cela ne devrait pas être le cas. Obliger les hommes à jouer et à se grimer en femme pour pratiquer le théâtre, organiser un foyer des jeunes de telle sorte que les jeunes filles et les jeunes garçons ne se croisent pas (la mixité n’a été permise qu’en 1975), inventer des plannings d’entraînements sportifs, de telle sorte que garçons et filles ne pouvaient pas se retrouver…

Quand on sait que l’on ne compte plus le nombre de couples qui sont issus de rencontres au sein de l’association, on peut sérieusement mettre en doute l’efficacité des mesures.

La place des femmes dans la prise des responsabilités

On ne sera pas surpris de ne voir apparaître les femmes dans les instances de direction que depuis peu. Les deux premières femmes à intégrer le bureau directeur l’ont été en 1987. La première femme à assurer la présidence l’a été en 2018, 117 ans après la création de l’association. Rien pourtant ne fait obstacle, y compris dans les mentalités. Le temps est bien passé pour ne plus se référer aux périodes évoquées dans cet article. Cependant, ici comme ailleurs, cela ne se traduit pas dans les faits, tout du moins pas à la hauteur que l’on pourrait escompter. Un sujet qui dépasse largement le cadre associatif, mais auquel celui-ci n’échappe pas.

On aurait tort de penser que dans l’histoire, les questions du corps féminin comme celui de la mixité étaient l’exclusivité des patronages catholiques, même si les clubs laïques ont su se détacher plus rapidement de cette propension à faire obstacle à la pratique sportive et à la liberté des femmes dans les disciplines. Ce panorama d’un ancien temps, aujourd’hui révolu dans le monde des associations issues des patronages catholiques a laissé place heureusement à un monde en phase avec son temps.

La pratique du sport au féminin reste d’actualité, même si là aussi les temps ont beaucoup changé. Enfin, la place des femmes dans les instances dirigeantes reste une situation insatisfaisante qui traverse toutes les organisations, et Bonne Garde n’échappe pas à ce lieu commun.

Extrait du livre À Nantes, mutation d’un patronage en association de quartier : Bonne Garde

Association Bonne Garde
2021



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En savoir plus

Bibliographie

Crétin, Michel – Laigle, Yves – Rousseau, Éric, À Nantes, mutation d’un patronage en association de quartier : Bonne Garde, éd. Association Sportive et Culturelle Bonne Garde, mars 2021

Documentation

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Tags

Association Loisir Sport St Jacques - Pirmil

Contributeurs

Rédaction d'article :

Michel Crétin

Anecdote :

Michel Crétin

Témoignage :

Michel Crétin

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