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Étienne Destranges et Jeanne Salières Ancienne chocolaterie de la Compagnie Nantaise des Chocolats

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Colonne de Juillet 1830


Le monument commémoratif de la révolution de Juillet est achevé au cours du mois de juillet 1833, soit trois ans après la disparition des dix victimes nantaises. 

Trônant au centre du cimetière de Miséricorde, il se compose à la fois d’un mausolée et d’une colonne, érigés dans le but de perpétuer le souvenir des hommes morts pour leur patrie. La sobriété et la simplicité sont visiblement un choix délibéré de la part de l’architecte, mais on peut toutefois se demander si l’aspect financier n’a pas également peser dans sa réalisation. Le mausolée se situe au milieu de l’allée centrale du cimetière de Miséricorde, où il contraste véritablement avec l’ensemble des chapelles monumentales et autres nombreux monuments funéraires présents en cet endroit. 

Un hommage aux défenseurs de la constitution et de la liberté

Les victimes du 30 juillet 1830 ont été inhumées dans le cimetière de Miséricorde le 23 mars 1831, dans un caveau sous-terrain, situé sous le monument qui leur est dédié. Sur chaque face de la base rectangulaire du mausolée, une plaque en marbre blanc a été fixée, chacune ayant été ornée d’une inscription en lettres dorées rappelant le sacrifice des dix patriotes nantais. À l’ouest, sur la plaque faisant face à la rue de Miséricorde est inscrite une dédicace aux dix victimes : « À NOS CONCITOYENS morts pour la défense de nos droits », laquelle est surmontée de la date « 30 JUILLET 1830 » en lettres de bronze.

Quant aux trois autres côtés, une sentence a été gravée sur chacune des plaques, prônant les valeurs de liberté, de constitutionnalité et de patriotisme : 
• Celle située au sud, du côté rue du Bourget proclame ainsi : « LA NATION QUI N’HONORE PAS les martyrs de sa liberté n’est pas digne de rester libre » ;
• Celle au nord, du côté de la rue de Pelleterie, affiche : « Le pouvoir viole la constitution signe lui-même l’arrêt de sa déchéance »,
• Celle, à l’est, faisant face à la rue du Limousin laisse lire la phrase suivante : « LA DÉFENSE DE LA CHARTE est confiée au patriotisme de tous les citoyens ».

Parmi les artistes souhaitant participer au projet du monument commémoratif, ce fut l’architecte Armand Guillemet qui fut choisi. Quant au sculpteur, il s’agit d’Étienne Nicolas Edouard Suc. Il se chargea de réaliser le dôme, l’urne funéraire et les différents ouvrages sculptés du Monument de Juillet 1830.

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Date du document : 23-01-2020

Un monument controversé

Déjà impatienté par le retard pris dans la construction du monument si attendu, le public dut également subir la déception de voir qu’il ne répondait pas non plus véritablement à leurs attentes. En effet, de nombreuses critiques furent formulées à son égard. Ainsi, l’auteur du livre intitulé Souvenirs d’un nantais 1808-1888 reproche à l’architecte d’avoir réalisé un monument trop simple, avec une colonnade mal proportionnée vis-à-vis du reste de la construction, et d’avoir même effectué un travail bâclé comme l’atteste son érosion beaucoup trop rapide. En effet, alors qu’il n’écrivit cet ouvrage qu’une cinquantaine d’années après l’achèvement du mausolée, il constata déjà que les inscriptions étaient à peine lisibles, que la rouille avait déjà attaqué le monument, et que la pierre s’effritait par endroit. Ce sont surtout les libéraux qui, les premiers, ne manquèrent pas de critiquer vivement ce monument dès son achèvement, lui reprochant entre autres de manquer d’envergure, et de ne pas rendre ainsi un hommage à la hauteur du sacrifice des patriotes nantais.

Mais ils ne furent pas les seuls à blâmer l’apparence trop peu gracieuse du mausolée, puisque le docteur Guépin lui non plus n’approuva pas les choix artistiques qui avaient été faits. En effet, ce dernier déclara : « Au Moyen Âge, on eut compris autrement un semblable monument funéraire. Des statues placées dans autant de niches gothiques, posées sur un piédestal, orné d’arabesques, eussent servi à consacrer le souvenir (souvenir trop vite effacé) de ceux qui s’étaient dévoués pour le pays. A notre époque de lâche économie, où la question d’argent l’emporte toujours sur les autres, tous les projets présentés au concours dans lequel M. Guillemet l’a emporté avaient en quelques sorte d’ingrat : ceux-ci étaient lourds, ceux-là par trop emblématiques. »

Ainsi, les critiques formulées ne s’adressaient pas directement à l’architecte lui-même, mais plutôt aux tendances stylistiques de l’époque qui manquaient de légèreté aux yeux de ceux qui dénigraient ce monument. D’autre part, la situation économique du pays, en pleine crise financière à l’époque, avait dû également jouer un rôle important dans le choix de la conception de ce mausolée ; ce qui explique d’ailleurs pourquoi le trésorier de la Commission, M. Henry Toché, eut tant de mal à réunir les fonds nécessaires pour ce projet commémoratif.

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Date du document : 1878

Le financement 

Après les évènements de juillet 1830, les différentes autorités de la municipalité nantaise ne mirent que quelques jours pour se décider à lancer une souscription auprès de la population, afin de pouvoir élever un monument  commémoratif en l’honneur des victimes de juillet 1830. 

Les journaux nantais participèrent à cette démarche et publièrent à la fin de chacun de leur quotidien, un article invitant les citoyens à y prendre part. 

La souscription ouverte à 75 centimes ne reçut pas l’accueil espéré par ses organisateurs. Bien que certains firent des dons généreux, en particulier les militaires, probablement en raison de leur implication directe dans les évènements, on déplora à l’époque une faible participation de la population, ce qui entraîna un retard dans l’achèvement de la construction du monument. Son achèvement sans cesse repoussé, obligea même les initiateurs du projet à demander à plusieurs reprises tant à la municipalité de Nantes, qu’au roi lui-même,  les contributions financières indispensables.

Une fois achevé, le monument posera encore pendant quelque temps des soucis d’ordre financier à la Commission qui devra notamment s’acquitter de ses dettes. 

Les différentes propositions de projets

Outre les divers problèmes financiers que rencontrèrent les organisateurs, ceux-ci durent également se réunir à maintes reprises, afin de se mettre d’accord sur le projet architectural final. Si la décision de construire un monument commémoratif ne posa aucun souci, il n’en fut pas de même pour le choix de son emplacement. 

On pensa tout d’abord se servir de la colonne déjà dressée sur la place Louis XVI, lieu qui semblait tout indiqué au docteur Guépin, puisqu’il fut la scène même des combats ; cependant, les modérés participant eux aussi aux débats, semblaient peu enclin à accepter cette proposition, jugeant le lieu public choisi trop en vue. Ne souhaitant pas que ce sanglant épisode historique de la vie nantaise soit transformé en un hommage public permanent, leurs réticences s’expliquent par rapport à cette place qui demeurait à l’époque un lieu de passage très fréquenté. Bien au contraire, les instigateurs dudit projet, désiraient quant à eux que ce monument rappelât quotidiennement aux citoyens ce pour quoi dix hommes avaient péri, afin de leur rendre un hommage vivant, pour que ce triste évènement ne soit jamais oublié. Mais par ailleurs, ils n’envisageaient pas non plus d’utiliser la colonne Louis XVI telle qu’elle. L’idée n’apparaissait ni crédible ni logique à leurs yeux de devoir célébrer la mémoire d’hommes qui s’étaient battus et étaient morts pour la liberté de la France à travers une plaque apposée aux pieds de la statue de l’un des derniers monarques. Ils souhaitaient au contraire faire descendre la statue de Louis XVI pour y ériger à la place un coq gaulois, tenant par on ne sait quel procédé un drapeau français ! 

Colonne Louis XVI, cours Saint-Pierre

Colonne Louis XVI, cours Saint-Pierre

Date du document : 1850

Ce projet ayant été refusé, on discuta de la possibilité d’établir le monument place Royale, soit sur le premier lieu où s’était donné rendez-vous les manifestants ce fameux 30 juillet 1830. Ces deux premières propositions ayant été rejetées (la première étant jugée de caractère trop radical par le gouvernement de Louis-Philippe), le choix se porta finalement sur le cimetière de Miséricorde. 

Le journal L’Ami de la Charte, journal de la bourgeoisie libérale opposé à la politique gouvernementale sous la Restauration, émit lui aussi une proposition quant à la place du monument dans son article du 14 août 1830. Le quotidien proposa d’établir le monument commémoratif place de l’Égalité, soit le premier endroit où les tous premiers citoyens possédant des armes s’étaient donné rendez-vous. 

La longue réalisation du projet

Ce fut seulement le 25 janvier 1831 que la Commission des blessés se réunit afin de se mettre d’accord sur le monument à exécuter. La Commission mandatée pour choisir le meilleur monument fut composée du maire de la ville de Nantes (M. Ferdinand Fabre), du général, du préfet, des représentants délégués par les blessés, de M. Henry Toché jeune (trésorier de la souscription) et de deux architectes choisis parmi ceux qui n’avaient pas concouru. 

Une autre réunion du conseil municipal eut lieu le 14 mars 1831 afin d’examiner la requête de M. Bernard. En tant que délégué de la commission des blessés, il demanda à la mairie de bien vouloir concéder un pan de terrain de 15,80 mètres au sein du cimetière de Miséricorde, afin de pouvoir établir le monument dédié aux dix victimes de juillet 1830. Le maire, tout comme les différents membres du conseil municipal acceptèrent de bonne grâce, en raison du motif invoqué. 

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Colonne du monument commémoratif des Trois glorieuses, cimetière de la Miséricorde

Date du document : 24-07-2015

Grâce aux différentes lettres faisant état de délibérations et autres concertations qui avaient eu lieu afin de sélectionner le meilleur plan du monument commémoratif, on sait que celui-ci fut choisi à la date du 15 février 1831, et que les travaux débutèrent aux alentours du mois d’avril. Ils s’achevèrent aux alentours du 20 juillet 1833, soit juste une dizaine de jours avant la fête donnée pour commémorer la disparition des dix victimes. 

Jusqu’à la fin de ces travaux, on apprend par l’intermédiaire de L’Ami de la Charte dans son article daté du 25 juin 1833, que de nombreux problèmes furent rencontrés par les organisateurs de ce projet. Ainsi, outre les difficultés à trouver les sommes suffisantes pour son achèvement, ils durent malheureusement en plus subir les actions malveillantes d’une bande de malfaiteurs ayant poussé l’indécence jusqu’à voler le tronc d’arbre situé à l’entrée du cimetière, et qui servait à recueillir les donations des visiteurs, ce qui ne manqua pas de retarder là encore un peu plus l’achèvement du mausolée.

Adeline Biguet
Archives de Nantes
2010

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