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Révolution de Juillet 1830 (1/2)


Les 27, 28 et 29 juillet 1830, un soulèvement populaire entraîna la chute du roi Charles X et l’instauration de la Monarchie de Juillet. Nantes participa à la Révolution et fut la seule ville de province où des soldats et des insurgés périrent.

Charles X (1757-1836), roi de France depuis 1824, décide au cours de l’année 1830 d’annuler des élections qui lui sont peu favorables, et publie le 25 juillet des ordonnances contraires aux principes de la Charte constitutionnelle de 1814. Celles-ci ont déjà fait l’objet d’un projet de publication le 20 avril 1827, avant d’être retirées devant les contestations du peuple. Afin de rétablir son autorité dans un royaume où les opinions libérales croissent, Charles X décide de supprimer la liberté de la presse en exigeant une autorisation préalable avant toute publication des journaux, de dissoudre pour la seconde fois en 70 jours la chambre des députés, de convoquer de nouveaux collèges électoraux et de changer les modes électoraux en rendant les conditions de vote plus restreintes. Ces ordonnances renforcent considérablement le pouvoir monarchique, supprimant les institutions pour lesquelles la population s’était battue quelques années auparavant. La France se trouvant depuis 1827 dans une situation de crise financière ayant entraîné de nombreuses faillites dans les usines et une hausse du chômage, le peuple réprouve ces décisions jugées comme étant inconstitutionnelles et de nature à provoquer un retour à l’absolutisme.

Estampe présentant la Charte constitutionnelle

Estampe présentant la Charte constitutionnelle

Date du document : 09-08-1830

29 juillet : les premières arrestations à Nantes

À l’époque, la presse provinciale ne publie les nouvelles venant de Paris que plusieurs jours après que les évènements aient eu lieu en raison de la lenteur des moyens de transport et des dispositifs d’imprimerie. Alors qu’à Paris, les premières manifestations ont lieu dès le 27 juillet, Nantes ne prend connaissance des fameuses ordonnances que le 29 juillet au matin. Parmi les plus grands journaux nantais de l’époque, on retrouve le quotidien libéral L’Ami de la Charte, fondé en 1819 par l’imprimeur Victor Mangin, Le Breton et le Journal de Nantes. La colère ne cesse de croître tout au long de la journée, plusieurs groupes, composés principalement d’ouvriers et de jeunes bourgeois libéraux consternés par les nouvelles lois, se réunissent spontanément vers 18h, devant les portes du Théâtre de la ville, place de la Comédie, afin d’exprimer leur mécontentement. On entend alors crier « À bas Charles X, vive la Liberté, vive la Charte ! ». Vers 21h, les autorités demandent aux forces armées, déjà présentes sur les lieux, de prendre des mesures, et leur ordonnent de débarrasser la place de ces manifestants. Loin d’être intimidés, ces derniers se munissent de pierres et autres projectiles. Les forces armées procèdent à l’arrestation d’une quinzaine de personnes, parmi lesquelles on put compter deux serruriers, deux boulangers, un capitaine, deux commis-négociants, un horloger, un tonnelier, deux menuisiers, un poêlier, un tailleur, un scieur de long, un tailleur de pierre, et un terrassier. 

30 juillet : l’insurrection gagne toute la ville

Le lendemain matin, dès l’aube, impatients d’apprendre les évènements qui se déroulent à Paris de nombreux groupes se réunissent rue Bertrand de Molleville (aujourd’hui rue Santeuil) où se trouvent les bureaux de poste. Un voyageur du nom de Gonnet les informe qu’une lutte violente s’est engagée à Paris entre les insurgés et les forces armées. Cette nouvelle a pour effet immédiat de galvaniser les ardeurs révolutionnaires de la foule. 

Une délégation se rend à la mairie et somme le maire Louis-Hyacinthe Lévesque de faire libérer les prisonniers de la veille, et de rétablir la garde nationale « dans le but unique de protéger les personnes et les propriétés et non dans celui d’organiser la résistance aux ordres du gouvernement ». Le Maire refuse cette délégation. 

Les manifestants se réunissent place Graslin, où une rumeur se répand, laissant supposer que deux cents cuirassiers arrivent pour renforcer les garnisons du Général Despinois. Un petit groupe se forme sous l’impulsion du médecin Ange Marie François Guépin. Ce dernier ordonne de couper une des arches du Pont de Pirmil, afin d’empêcher les hypothétiques troupes armées venant de Fontenay, de gagner la ville. Cet acte exécuté en à peine 35 min, est suivi par l’élévation de multiples barricades à divers endroits de Nantes, ainsi que par l’occupation des rues principales et des autres ponts nantais. On décide également de ramener les bateaux sur la rive droite du bras de la Loire, toujours avec l’intention d’empêcher les forces armées d’atteindre la ville. L’insurrection gagne rapidement toute la ville. Des groupes armés sillonnent les rues et la place de la Bourse devient le quartier général des émeutiers. Certains décident de se rendre à la prison du Bouffay pour délivrer leurs camarades. Le Général Despinois transfère alors les prisonniers au Château qui lui semble plus sûr. 

Portrait d'Ange Guépin

Portrait d'Ange Guépin

Date du document : 03-07-1909

Le soir, 150 insurgés environ se dirigent place Louis XVI, devant l’Hôtel-d’Aux, où sont retirés le maire, le préfet et le Général Despinois. Les manifestants hissent leurs bonnets au sommet de leurs baïonnettes. Ils se retrouvent face à un piquet de gendarmerie à cheval ainsi qu’à un détachement de 125 soldats du 10e régiment. C’est alors que soudainement, un coup de feu se fait entendre, suivi d’une seconde détonation, déclenchant aussitôt les tirs des forces armées. Chaque camp s’imaginant être attaqué par l’adversaire, l’affrontement tourne immédiatement à la fusillade générale. On totalise du côté des soldats, 6 tués et 18 blessés et du côté des civils, 4 tués et 45 blessés dont 6 succombent quelques jours plus tard. Ce drame a pour effet d’augmenter la colère du peuple, qui décide d’occuper la ville entière, et ses différents postes de police.  Le Général Despinois relâche alors les prisonniers du 29 juillet, et ordonne le repli des troupes dans les casernes. 

31 juillet : le retour au calme

Le samedi 31 juillet 1830 est un jour de deuil à Nantes, le recueillement et la tristesse des citoyens offrant un contraste saisissant avec leur ardeur de la veille. La population découvre placardées dans la ville des affiches annonçant les décisions et les mesures prises durant la nuit par les membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce, qui se sont substituées aux autorités de la ville :
« Les Membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce à leurs concitoyens
Les circonstances se présentent de plus en plus graves. C’est pour les habitants de Nantes une nécessité d’autant plus urgente de maintenir les mesures prises, pour garantir la paix et la tranquillité de notre ville.
Attendons avec calme que les évènements se développent, ce n’est pas à Nantes, ville isolée à l’extrémité de l’ouest de la France, qu’il convient de prendre l’initiative.
Nantes, ville populeuse et commerçante, a pour premier besoin celui d’être tranquille et paisible.
Les membres du Tribunal et de la Chambre de Commerce prient avec instance tous les habitants de se conformer aux mesures qu’ils adoptent dans l’intérêt de tous, de n’arborer aucun signe qui pût être une occasion de trouble ; de ne proférer aucun cri qui exaspérât les passions et compromît la tranquillité que nous avons tous juré de maintenir.
Nantes le 1er août 1830, deux heures de l’après midi. »

Ils décident également de reconstituer la garde nationale afin d’assurer le bon ordre et la tranquillité de la ville. On invite alors tout homme sachant se servir d’une arme à venir constituer une garde urbaine pour veiller à la sécurité publique. Dès 9h du matin, la foule ayant pris connaissance de cette demande, envahit la place de la Bourse. 

Un nouveau régime contesté

Le 1er août, on apprend par l’intermédiaire des journaux, que Paris a gagné la Révolution et qu’un gouvernement provisoire a été mis en place. Charles X abdique le 2 août avant de fuir la France pour se retirer en Écosse. La Monarchie de Juillet commence dès le 9 août, avec à sa tête un nouveau monarque, Louis-Philippe Ier. Le nouveau souverain, afin de satisfaire au plus vite la population et calmer les esprits, adopte la charte constitutionnelle revisitée, avant d’être déclaré roi des français. La ville de Nantes célèbre son avènement le 12 août Place Royale. 

Portrait en pied de Louis-Philippe Ier, roi des Français

Portrait en pied de Louis-Philippe Ier, roi des Français

Date du document : 1841

Mais la Monarchie de Juillet ne répond pas aux attentes de la population, comme le fait remarquer dans son discours René Marie Luminais, député de Loire-Inférieur de l’opposition de 1830 à 1834, rapporté dans le journal Le National de l’Ouest du 31 juillet 1844 : « Je vous parle ici de progrès, et je vous parle devant un monument dont le seul aspect est une sorte d’anomalie avec le présent. En effet, citoyens, reportez-vous aux populaires journées de 1830 et voyez, la main sur la conscience, si le dévouement des victimes dont il rappelle le souvenir a produit ce que le pays avait le droit d’attendre. » 

La Monarchie de Juillet se termine, après une nouvelle insurrection de la population ouvrière et bourgeoise qui oblige Louis-Philippe à abdiquer le 24 février 1848.

Suite Révolution de Juillet 1830 (2/2)

Adeline Biguet
Archives de Nantes
2010

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