Colonne Louis XVI
Nantes est une des rares communes, et la seule ville à posséder un monument dédié à Louis XVI. À la fin de l’année 1788, l’architecte voyer Mathurin Crucy, à la tête d’un groupe de confrères, propose d’élever, sur la place d’Armes, entre les cours Saint-Pierre et Saint-André, un monument en l’honneur du roi.
À peine lancé, le projet est pris dans le tourbillon d’une histoire qui s’accélère : suspendu pendant la session animée des États de Bretagne et à l’annonce des États généraux, il réapparaît, en 1790, sous le nom d’une « colonne de la Liberté », transcription symbolique des étages de l’édifice constitutionnel : la Nation, la Loi et le Roi. Après Varennes, en 1791, c’est une allégorie de la Liberté – la place prenant aussi ce nom – qui est commandée au sculpteur Lamarie. Elle ne sera jamais réalisée, pour des raisons financières.
Sur une place rebaptisée successivement « Joséphine » et «Louis XVI » se succèdent le projet avorté d’une colon ne impériale en 1808, lors de la visite de Napoléon ; la reprise du projet initial, en août 1814, sous la première Restauration ; la parenthèse des Cent-Jours… C’est seulement sous la Seconde Restauration qu’une statue du roi, œuvre du sculpteur Molknecht, est inaugurée le 14 août 1823 en présence de la duchesse d’Angoulême. Trente-quatre ans séparent le projet de 1788, dédié « au roi bienfaisant », de la statue de 1823 dédiée « au roi martyr ».
Au soir du 30 juillet 1830, des manifestants tombent, place Louis XVI, sous les balles de la troupe. L’année suivante, des « laboureurs et ouvriers anglais » font sceller, sur le piédestal de la colonne, une plaque leur rendant hommage. Le 20 novembre 1848, les autorités locales proclament solennellement la constitution républicaine sur une place qui reprend, jusqu’en 1852, le nom de « Liberté ». Sous la statue du roi, une bannière : « Respect à la constitution » ! Pendant la Troisième République, la place voit le 14 Juillet enfiévré des Bleus répondre à la triomphaliste Fête-Dieu des Blancs.
Tous les 21 janvier, une poignée de monarchistes, pour la plupart membres du cercle Louis XVI installé dans l’hôtel Montaudouin donnant sur la place, se rassemblent au pied de la colonne pour commémorer la décollation du roi. Le bicentenaire de la Révolution réactive la guerre des mémoires. Constatant que de nombreux Nantais persistent à appeler « Louis XVI » une place dénommée depuis 1929 « Maréchal Foch », des voix réclament, en 1989, le rappel de l’ancienne dénomination sur les plaques indicatrices. Le 21 janvier 1993, libres-penseurs exigeant la suppression de la statue royale et monarchistes recueillis se succèdent au pied de la colonne. Et, tandis qu’en d’autres points de la ville, mémoires blanche et bleue sont prises en compte, sous l’égide de la municipalité, par la pose de plaques célébrant qui les victimes de la Terreur, qui la défense de Nantes par les républicains, la colonne Louis XVI, palimpseste de la Révolution en marche devenu symbole de la contre-Révolution, réactive la rupture inaugurale de 1789. Lieu de mémoire travaillé par des remaniements incessants, elle tient ouverte la brèche du temps.
André Péron
Extrait du Dictionnaire de Nantes
(droits d'auteur réservés)
2018
Album « Colonne Louis XVI »
En savoir plus
Bibliographie
Bourgeon Jean, "Nantes la bleue, Nantes la blanche", dans Guyvarc'h, Didier (dir.), La mémoire d'une ville : vingt images de Nantes, Skol Vreizh, Morlaix, 2001, pp. 11-17
"La commémoration, exercice de styles :1789-1830", 303, arts, recherches et créations, n°21, 1989, pp. 60-74
Durville Georges, La colonne et la statue de Louis XVI, Nantes, 1919
Kahn Claude, "La colonne Louis XVI", Vingt lieux de mémoire à Nantes ou l'Histoire des statues figuratives des places et jardins publics de Nantes, Ouest éd., Nantes, 1989, pp. 14-22
Renoul Jean-Charles, Colonne de la place Louis XVI, Impr. Mellinet, Nantes, 1858
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Rédaction d'article :
André Péron
Anecdote :
Gaëlle Caudal
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