Ancien moulin militaire
L’Erdre fut pendant longtemps animé par l’activité de moulins. L’un d’entre eux, le moulin militaire de l’actuel quai Henri Barbusse, était affecté à l’approvisionnement de l’armée en farine.
Les moulins à eau de la chaussée de Barbin
Jusqu’à l’ouverture du canal de Nantes à Brest en 1830, il existe sur l’Erdre un certain nombre de « chaussées » qui supportent des moulins. Parmi elles, la chaussée de Barbin est faite d’un amalgame de matériaux qui tient davantage du barrage que du pont. La navigation fluviale est en effet rendue impossible à cet endroit du fait de la formation d’un étang de rétention, la rivière ne pouvant s’écouler normalement pour se jeter dans la Loire. Néanmoins, la présence de cet étang, régulé par un système de vannes, permet le bon fonctionnement des moulins édifiés sur la chaussée.
A l’origine, il y avait trois moulins à eau sur cette chaussée : le moulin Robinard, le moulin Chamaneau et le Grand Moulin. Ils fournissaient une grande partie de la farine aux Nantais. La construction du canal de Nantes à Brest entraîne le percement de la chaussée de Barbin. Les anciens moulins à eau ne peuvent donc plus fonctionner normalement. Pour les remplacer, un nouveau moulin à vapeur, dit également « moulin militaire », est bâti en 1840 à proximité des quais.
Le moulin militaire
Les propriétaires de ce nouveau moulin se sont engagés à remettre le bien à l’État dans un délai de 25 ans à compter du 10 août 1840. Le moulin est exclusivement affecté à la mouture du grain pour le ministère de la Guerre afin de fournir l’armée en farine. Il est équipé d’une grande cheminée, de deux paires de meules d’un diamètre de 1,30 m et fonctionne grâce à une machine à vapeur (100 à 120 tours/minute). Cette dernière est alimentée en eau par une douve qui prend naissance dans l’Erdre près de l’ancienne chaussée de Barbin, et retourne à la rivière par une « bonde » passant sous le quai de Barbin.
Moulin militaire
Date du document : 26-02-2014
Le problème de la pollution de l’Erdre
Rapidement, le moulin militaire est accusé par certains habitants du quai de Barbin de rejeter des émanations empestant le voisinage qui seraient causées par le déversement d’eau polluée dans la douve. Or, un rapport écrit par le conseil de salubrité dans les années 1850 démontre que les origines de la pollution de la douve sont tout autre. Celle-ci n’est pas due à l’activité du moulin mais plutôt au rejet d’eaux souillées par les riverains et les propriétaires de petites industries installées le long de la douve, sur le quai de Barbin. Les ouvriers du moulin sont même les premières victimes de cette pollution. Contrairement à ce qu’affirment les habitants, le moulin ne déverse pas d’eau polluée dans la douve. Cette eau malpropre est puisée dans la douve où reposent des immondices pour faire fonctionner la machine à vapeur, provoquant des émanations de gaz incommodants pour les ouvriers du moulin : « L’eau qui alimente la chaudière de la machine est puisée dans la douve, et quand elle y retourne, après condensation de la vapeur, en suivant une rigole à l’air libre, il émane une odeur d’hydrogène sulfuré dont les ouvriers sont parfois sérieusement incommodés, et qui, certainement, ne peut provenir que de la nature propre de l’eau, et non de sa vaporisation et de sa condensation lors des opérations auxquelles elle a servi. » Afin de remédier au problème, les Ponts et Chaussées préconisent de combler cette douve, mais les autorités militaires s’y opposent. Cela reviendrait à condamner le moulin qu’elles se sont engagées à acquérir d’ici à 1865. Ils préconisent un changement du système d’évacuation des eaux usées afin de ne plus souiller la douve. Amélioration qui ne sera réalisée qu’au début du 20e siècle avec le détournement de l’Erdre et à la mise en place d’un système d’égout efficace !
Détail du plan de la ville de Nantes dressé par Justin Vincent
Date du document : 1918
Changements de propriétaires
Dès janvier 1855, les concessionnaires du moulin cèdent leur bien au ministère de la Guerre qui leur verse en échange une indemnité de 70 000 francs. Le moulin continue de fournir de la farine à l’armée. L’activité meunière est alors gérée par une unité militaire en charge de l’entretien et du ravitaillement de l’armée qui prend en 1874 le nom de section de commis et d’ouvriers d’administration (COA). Il existe 25 de ces sections, composées de commis aux écritures et d’ouvriers. C’est la 11e section de commis et d’ouvriers d’administration qui est en charge du moulin militaire de Barbin. Elle dépend du 11e corps d’armée qui encadrent les unités de l’ouest de la France à partir de 1870.
11e section de commis et d’ouvriers d’administration (COA)
Date du document : avant 11-1915
En 1926, l’État vend son moulin militaire aux enchères. Les actes juridiques préparant à la vente décrivent avec précision l’intérieur du moulin, qui comprend un logement pour le sergent-concierge, un abri pour la machine à vapeur, deux latrines, une forge, une remise pour la pompe à incendie et un abri pour les meules à aiguiser. Deux étages sont également réservés au stock de blé et aux meules. La superficie du moulin est d’un peu plus de 713 m². L’édifice est finalement vendu « à la chandelle » à M. Lévêque, fournisseur de l’armée en agro-alimentaire et détenteur de plusieurs biens autour du moulin, afin d’agrandir sa propriété. L’acquisition du moulin militaire par la famille Lévêque marque la fin de la production de farine pour le compte de l’armée. La grande cheminée sera démolie par les nouveaux propriétaires du fait de son état de délabrement avancé.
Noémie Boulay
Direction du Patrimoine et de l'Archéologie, Ville de Nantes/Nantes Métropole
2020
En bref...
Localisation : Barbusse (quai Henri) 9, NANTES
Typologie : architecture industrielle
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Rédaction d'article :
Noémie Boulay
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