
Canal de Nantes à Brest
Le mauvais état des routes, les périls de la navigation en mer, la menace constante des vaisseaux anglais : autant de raisons pour que, dès l’Ancien Régime, les États de Bretagne aient songé à relier la Loire aux arsenaux bretons. Mais il faut attendre Bonaparte pour que commencent les travaux du canal de Nantes à Brest, en 1804. Ils se poursuivent jusqu’en 1842, date de sa mise totale en navigation, sous le règne de Louis-Philippe.
L’ampleur de l’entreprise explique la durée du chantier : une longueur totale de 360 kilomètres, huit rivières à canaliser, trois canaux de jonction à creuser, 236 écluses à édifier de manière à permettre aux bateaux de franchir une dénivellation totale de 555 mètres. Les travaux sont aussi retardés par des problèmes financiers et la difficulté à trouver de la main-d’œuvre, tour à tour des prisonniers de guerre espagnols, des bagnards et des ouvriers maigrement payés.
La paix avec l’Angleterre ne permet pas au canal de montrer son intérêt stratégique et la concurrence du chemin de fer limite très vite son rôle économique. En 1928, l’achèvement du barrage de Guerlédan, au nord de Pontivy, interdit définitivement le passage des péniches. Si bien qu’aujourd’hui le canal présente surtout un intérêt touristique : navigation de bateaux de plaisance, randonnées à vélo ou à pied sur le chemin de halage.
Pendant ses quelques décennies d’utilisation à des fins commerciales, le canal a toutefois stimulé la construction de bateaux en bois puis en fer dans la région nantaise. Dans une Bretagne peu industrialisée, le trafic a surtout servi à l’agriculture en acheminant de la chaux venue de Montjean (Maine-et-Loire), et du sable de l’estuaire, puis les phosphates de l’usine Kuhlmann de Nantes, pour améliorer les sols. Le bois de construction et de chauffage, dont Nantes est grosse consommatrice, figure au premier rang des frets de retour, suivi des céréales et des pommes tandis qu’entre Nantes et Rennes, en remontant la Vilaine, se met en place une véritable route des épices et du vin.
Depuis le détournement de l’Erdre, en 1930, et le comblement de son ancien lit, occupé par l’actuel cours des Cinquante Otages, rien dans le paysage nantais n’évoque les travaux réalisés dans le centre de Nantes un siècle plus tôt : construction d’une écluse – dont seul le nom d’une place garde la mémoire –, de deux ponts, de quais d’embarquement. En remontant vers le nord, l’Erdre retrouve vite son cours naturel, s’élargit et prend des allures de lac sillonné par les voiliers et les embarcations à rames. Il faut poursuivre au-delà de Sucé-sur-Erdre, à une vingtaine de kilomètres de Nantes, pour trouver le vrai début du canal qui conduit vers Blain et Redon à partir de l’écluse de Quiheix, dont le nom était celui d’un château aujourd’hui disparu.
Aujourd’hui, le canal de Nantes à Brest ne part donc plus réellement de Nantes pas plus qu’il n’aboutit à Brest puisqu’il s’achève à Châteaulin, où le quai Jean Moulin porte la borne 360 et où une ultime écluse barre l’Aulne avant que l’eau douce ne se mêle à l’eau salée.
Thierry Guidet
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
En savoir plus
Bibliographie
Aubert Sandra, Benferhat, Kader, Le canal de Nantes à Brest, Éd. Ouest-France, Rennes, 2007
Guidet Thierry, « Le réveil du canal », Place publique, n° hors-série, mai 2017, 63 p.
Guillet Jacques, De Nantes à Brest, les gens du canal, Coop Breizh, Spezet, 2015
Orceau Robert, « Le canal de Nantes à Brest dans la traverse de Nantes », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, n°104, 1965, p. 194-215
Prioul Christian, « Travaux et trafics sur les cours d'eau entre Loire et Vilaine vers 1852 », Cahiers Nantais, n°30-31, janvier 1988, p. 93-106
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Thierry Guidet
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