
Algériens
La présence algérienne à Nantes, physique ou mémorielle, est d’abord conflictuelle. Le 17e siècle est le temps du rapport avec les Barbaresques : des armateurs nantais organisent le rachat des marins en captivité à Alger, des corsaires algériens prisonniers traversent Nantes, une captive « mauresque » met au monde son enfant à Rezé en 1624. La sanglante conquête, à partir de 1830, laisse une rue d’Alger (1837) mais c’est pour ses combats en faveur du pape qu’un de ses acteurs locaux, Lamoricière, est honoré dans la cathédrale : il faut déchiffrer une inscription latine pour trouver trace de son zèle dans la mise au pas des « rebelles à la loi » en « Afrique ».
De premiers travailleurs algériens viennent combler les vides en 1914-1918 (une centaine rien qu’à l’arsenal d’Indret), dans une ambiance très coloniale : « Les Arabes sont indolents, peu accessibles aux raisonnements », les Kabyles « actifs, industrieux » mais « réclameurs, raisonneurs », précise le livret de conseils aux employeurs diffusé en 1916. Les tirailleurs laissent évidemment alors une image plus positive mais non dénuée de préjugés (« Y a bon pour Tirailleurs, y a mauvais pour Prussiens », dit ainsi une carte postale), et leurs tombes au cimetière de la Bouteillerie sont vite oubliées. L’histoire se répéterait sans doute pendant la Seconde Guerre mondiale si les occupants allemands n’obtenaient l’expulsion des « Arabes » récemment arrivés, le 3 octobre 1940.
Cette sombre histoire se poursuit avec la guerre d’indépendance de 1954-1962, qui marque très fortement la mémoire des appelés, mais fort peu la mémoire des autres Nantais (un « square des Combattants d’Afrique du Nord », l’ajout de plaques sur les monuments aux morts, le trouble souvenir d’une « ligne Morice » et des intérêts alors prêtés à tort ou à raison à son concepteur, le ministre et maire de Nantes André Morice, et une rue dédiée à la postière nantaise Anne-Claude Godeau, tuée par la police lors d’une manifestation parisienne contre l’OAS, au métro Charonne, en février 1962). L’arrivée en 1962 de rapatriés est bien moins spectaculaire que dans le Midi de la France, même si un « village » est « accordé » aux harkis rue de la Mitrie.
Les « musulmans d’Algérie » puis les Algériens des années suivantes constituent pourtant à cette époque la principale communauté étrangère de Nantes : environ un millier, presque uniquement des hommes, en grande majorité des Kabyles venus de Taher et des environs, pour des périodes excédant rarement deux ans avant la relève par un parent chargé de rapporter à son tour de quoi améliorer le sort de la famille restée au pays. Installés dans le bidonville édifié autour du foyer du quai Ernest Renaud, puis aussi au foyer de la rue des Alouettes, au Plessis-Cellier, ils y sont harcelés par la police et peu à peu contrôlés par le FLN. Ils se retrouvent dans des cafés au Bouffay, dans le restaurant Au bon couscous qui nourrit gratuitement les chômeurs, nombreux vers 1958, et plus tard dans la dynamique Jeunesse sportive djidjellienne qui réunit les footballeurs kabyles, puis dans le premier lieu de culte concédé en 1975 dans une partie de l’église Saint- Michel de la Croix-Bonneau.
En 1974, la rupture des accords franco-algériens fait des Algériens des immigrés ordinaires : un consulat a ouvert dès 1971. Les habitants d’origine algérienne (dont 2 000 citoyens algériens) sont aujourd’hui parmi les plus discrets des « Nantais venus d’ailleurs ».
Alain Croix
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)
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