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Pierre Boaistuau (1517 – 1566) Serres du Jardin des Plantes

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Foyer Sonacotra


À partir de 1947, la France connaît un courant important d'immigration des « Français musulmans d'Algérie » (FMA) soit 185 000 entre 1947 et 1953. Bien que Nantes soit restée à l'écart de cette vague, le mouvement est néanmoins suffisamment important pour que s'ouvre en 1952 un premier foyer-logement de dépannage quai Ernest-Renaud, première réalisation de l'Association d'entraide aux Nord-Africains (AENA), tout juste créée, d’obédience catholique.

L’accueil des travailleurs algériens

En novembre 1954, selon les Renseignements généraux, 210 Algériens sont présents dans la cité. Certains logent dans des hôtels-meublés ou des garnis dans le quartier insalubre du Marchix. Mais face au refus habituel de logeurs de louer à des travailleurs algériens, beaucoup d'entre eux trouvent refuge dans les trois baraques installées par l'AENA. Ces dernières deviennent vites insuffisantes et sont doublées par des « gourbis » constituant un véritable bidonville, fréquemment objet de rafles policières comme en novembre 1957. Cette même année, ils sont sur Nantes un peu plus de 530 Algériens pour atteindre 650 environ en août 1958.

La particularité nantaise de ce mouvement migratoire est également l’origine géographique de ces travailleurs en règle générale peu qualifiées, OS ou manœuvres, embauchés dans les secteurs du BTP, de la métallurgie et de la chimie : la majorité d'entre eux sont Kabyles et non Arabes, notamment originaires des trois douars de la région de Taher, près de Djidjelli. En 1958, un deuxième foyer dit « des Alouettes » a été créé pour les héberger au Plessis-Cellier dans le quartier Chantenay non sans réactions parfois virulentes et racistes du voisinage. Sur un terrain acquis par la Ville au 70, rue des Alouettes, l'AENA installe initialement quatre bungalows qui permettent l'accueil de 136 personnes puis trois autres pour un total de 220 lits. Cette capacité est néanmoins insuffisante, d'autant plus que les baraques du quai Ernest-Renaud sont simultanément détruites, le bidonville persistant cependant quelque temps. Le foyer des Alouettes est donc rapidement en sureffectif et loge jusqu'à 450 personnes, certains résidents en travail posté se succédant parfois sur le même lit ! On peut remarquer que le logement collectif des Algériens sur Nantes n’aura donc reposé jusqu’en 1969 que principalement sur le secteur associatif, avec le seul concours de la municipalité. Ni l’État ni les entreprises n’auront pris d’initiatives en ce sens dans la métropole régionale.

L’ouverture du premier foyer Sonacotra

Cependant, l’État se préoccupe d’un hébergement décent sur l'ensemble du territoire français en créant par la loi du 4 août 1956 (art. 116) la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens (Sonacotral). La création de cette société d’économie mixte et de ces logements doit aussi permettre de renforcer le contrôle et la surveillance de ces travailleurs algériens. Après l’accession à l’indépendance de l’Algérie, l'opérateur devient la Société nationale de construction de logements pour les travailleurs (Sonacotra) en 1963 et ouvre ses logements à tous les travailleurs immigrés, quel que soit leur pays d'origine. C'est après ce changement d'orientation que cette société d'économie mixte ouvre en 1969 son premier foyer à Nantes, boulevard des Martyrs-Nantais-de-la-Résistance, après avoir acquis en 1966 un terrain entre les deux usines métallurgiques Sudry et la Nantaise de Fonderies.

L’Association pour la promotion des travailleurs immigrés (Asprom) est créée en avril 1969. Ces fondateurs, issus du Secours catholique, souhaitent élargir les questions posées par l'immigration à l'ensemble des travailleurs étrangers et non plus seulement aux travailleurs nord-africains. Après une fusion avec l'ANEA, l'association devient en 1972, le Gasprom-Asti (Groupement Accueil Service Promotion – Association de Solidarité avec les Travailleurs Immigrés) et joue un rôle essentiel de représentation des travailleurs immigrés auprès des collectivités publiques et celui de véritable école associative pour ses membres.

En 1971, 500 hommes vivent dans les deux foyers pour travailleurs étrangers : 340 au Plessis-Cellier et 160 dans le foyer Sonacotra. L'année suivante, le foyer des Alouettes ferme ses portes et ses résidents sont dirigés vers le deuxième foyer Sonacotra ouvert rue Félix-Ménétrier. On peut rappeler que, dans les années 1970, les foyers de la Sonacotra vont faire l’objet d’une grève massive des loyers, près de 30 000 résidents dénonçant alors des « foyers-prisons ».

Une nouvelle résidence Adoma

À partir des années 1980, les missions de ces foyers s'adaptent aux évolutions de la société et du monde du travail. Ils sont progressivement intégrés dans la politique de lutte contre l'exclusion et d'accueil des demandeurs d'asile. Un effort est également porté à la prise en compte du vieillissement des travailleurs immigrés arrivés dans les années 1960 et qui sont restés vivre dans les foyers. Cette évolution se traduit en 2007 par un changement de nom : la Sonacotra devient Adoma. À Nantes, le foyer Beaulieu, vétuste et inadapté aux nouveaux publics confrontés aux difficultés de logement en dépit d’une réhabilitation en 1993, fait l'objet d'une opération de déconstruction-reconstruction dans le cadre du projet urbain Île de Nantes. En mars 2016, une nouvelle résidence sociale de 179 logements, rebaptisée Résidence Adoma Fonderies, ouvre ses portes au 25, rue Louis-Joxe.

Certains travailleurs maghrébins isolés, une fois retraités – les Chibanis – sont restés en France métropolitaine, devenant des résidents permanents des foyers puis des résidences sociales, des « migrants oubliés »…

Nathalie Barré (Archives de Nantes), Yvon Gourhand (chercheur indépendant)
2022 (mis à jour en 2023)



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En savoir plus

Bibliographie

Archives de Nantes, Le quartier des Ponts, coll. Quartiers, à vos mémoires, Nantes, 2021

Gourhand Yvon, Routhiau Henri, « Les communautés algériennes en Loire-Atlantique (1954-1962) : étude démographique et sociale », Le mouvement ouvrier et la guerre d’Algérie. Le cas de la Loire-Atlantique, n. p., 2022, p. 91-98, ouvrage en ligne disponible ici

Pages liées

Dossier : le quartier République – Les Ponts

Tags

Association Beaulieu-Mangin Migration Ouvrier Solidarité

Contributeurs

Rédaction d'article :

Nathalie Barré

Témoignage :

Jean-Claude Valomet, Paul Bouyer

Enrichissement d'article :

Yvon Gourhand

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