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Usages portuaires Restaurants coopératifs pendant la Première Guerre mondiale

Ancienne cité provisoire du Chêne-des-Anglais


En 1952 et 1953, des baraquements sont construits au lieu-dit du Chêne-des-Anglais afin d’accueillir les sinistrés des bombardements de la Seconde Guerre mondiale et les habitants du Marchix. À l’origine provisoire, cette cité abrite plusieurs centaines de familles jusqu’à sa destruction en 1970-1971.

La crise du logement d’après-guerre à Nantes

Pendant la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de bâtiments subissent des dommages à Nantes. Les réfugiés qui ont fui la ville, surtout après les bombardements de 1943, reviennent progressivement une fois la paix revenue. Les capacités d’accueil de la ville sont insuffisantes. Des solutions, peu onéreuses, doivent être trouvées. La construction de cités d’urgence constituées de logements provisoires en bois ou d’habitations en « dur » à faible coût est privilégiée. À Nantes Nord, deux cités de ce type sont construites : le « Pressoir » et le « Chêne-des-Anglais ».

Une cité provisoire en bois au Chêne-des-Anglais

En 1952, le ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme (MRU) construit sur la propriété du « Chêne-des-Anglais », au nord de Nantes, 100 baraquements comportant 176 logements destinés à reloger les personnes sinistrées lors des bombardements. Cette première tranche voit le jour à l’instigation de l’Office des anciens combattants qui a assuré la gestion de la cité pendant environ un an. Il s'agit de logements en bois avec jardin. Une deuxième tranche est édifiée par la Ville de Nantes en 1953 pour reloger 97 familles, suite à la démolition d’îlots insalubres du centre-ville (dont le quartier du Marchix).

La voierie de desserte est assurée par des rues goudronnées, bordées de trottoirs et de fossés, mais sans issue. Les locataires viennent de « tous horizons sociaux et n'ont en commun que la recherche d'un logement ». Très vite, ceux qui ont les moyens économiques d'obtenir un logement plus confortable dans les nouvelles cités HLM partent de la cité. Pour les autres, le « provisoire » va durer longtemps.

Des conditions de vie difficiles

Très rapidement, les conditions de résidence des habitants de cette cité d'urgence ne sont pas jugées satisfaisantes par les services de la Ville. À la séance du conseil municipal du 23 décembre 1953, un rapport met en exergue plusieurs insuffisances :
• Les problèmes d’hygiène et de salubrité publique : ils sont liés à l’absence d’un système d’évacuation des eaux usées et d’un établissement de bains publics, les baraquements ne disposant pas du nécessaire pour permettre à ses occupants de faire une toilette complète,
• L’accès à la cité rendu difficile par le manque de voirie : la route de la Chapelle-sur-Erdre est trop étroite, la circulation y est très dense,
• Le manque d’isolation des constructions, notamment des baraquements du MRU,
• Les loyers trop élevés par rapport au confort des logements,
• L’absence d’un auvent pour abriter de la pluie les parents allant chercher leurs enfants à l’école de la Chauvinière.

Dès 1960, le ministère de la Reconstruction et du Logement (MRL) envisage de détruire la cité, sans apporter de véritable solution de remplacement. Devant l'opposition des habitants, regroupés dans une association de « Défense des Baraquements », le MRL repousse sa décision.

Améliorer collectivement le cadre de vie

Au début des années 1960, la population du « Chêne » est alors d'environ 1500 habitants avec des familles nombreuses (jusqu'à 12-14 enfants entassés dans 4 pièces). Les difficultés s’accumulent au cours des années : chômage, alcoolisme, difficultés scolaires des enfants... L’entretien de la cité provisoire est délaissé par les pouvoirs publics, la population se paupérise, et les familles les plus aisées et insérées socialement déménagent vers un logement plus confortable.

À l'écoute des gens, Lucien Guitteny, directeur de l'école de la Géraudière (Georges Sand aujourd'hui), aide les familles à se prendre en charge. Une organisation sociale reposant sur la solidarité se met en place. En 1962, le Centre d'Action Éducative (CAE) est créé ; des éducateurs accompagnent les jeunes en-dehors du temps scolaire. Toujours en concertation avec Lucien Guitteny et son adjoint Jean Gatard, les familles sont invitées à s'organiser. Des actions sont engagées sans l'accord des pouvoirs publics pour améliorer le cadre de vie des habitants de la cité. Cette mobilisation collective aboutit à plusieurs évolutions positives, notamment en termes de sécurité et de salubrité :
• L’envoi d’une équipe municipale pour assainir le quartier (entretien des fossés et des canalisations),
• L’installation de trois gros extincteurs sur roues, répartis dans la cité et placés sous la responsabilité des habitants,
• L’installation de trois postes de téléphone placés sous la responsabilité de trois familles,
• La rénovation des baraquements : durant les étés de 1964 et 1965, l’intégralité des maisons en bois est repeinte,
• Le nommage des rues : avant 1966, les rues de la cité provisoire ne portent aucun nom. Dans le cadre d’échanges qu’ils entretiennent avec l’association France-Québec, Lucien Guitteny et Bernard Vrignon (éducateur au Centre d’action éducative) proposent de donner aux rues du Chêne-des-Anglais des noms évoquant le Québec. Ces noms ont été repris pour nommer les rues des cités du Bout-des-Landes et du Chêne-des-Anglais.

Le relogement à des habitants du « Chêne » à la Petite-Sensive

En 1967 et 1968, de nombreux échanges ont lieu avec les pouvoirs publics pour envisager la suppression de la cité provisoire du Chêne-des-Anglais. Les partenaires admettent que le relogement doit être concerté. Toutes les tractations sont conduites par la Confédération générale du logement, en association avec les habitants, les assistantes sociales et les éducateurs du Centre d'action éducative du Chêne-des-Anglais.

La Ville de Nantes, cogestionnaire de la cité de baraquements du Chêne-des-Anglais, met à la disposition de l'État 5 hectares de terrain à la Petite-Sensive. Dans un premier temps, il est envisagé de reloger l'ensemble des familles dans des maisons individuelles sur les 13 hectares disponibles : 8 au Chêne-des-Anglais, à l’emplacement de la cité provisoire à détruire, et 5 à la Petite-Sensive. Ces « hameaux sociaux » regrouperaient de 20 à 50 maisons jumelées reliées par des cheminements destinés à favoriser la vie collective. 

Mais très vite, il est apparu qu'il ne serait pas possible financièrement de maintenir le projet de 270 pavillons. Seuls 90 maisons, réparties en trois hameaux sociaux et associées à 285 logements collectifs, sont construites à la Petite-Sensive. La contrainte des coûts impose le recours à des plans-types : le Modèle du groupe Mallève utilisé pour la ZUP de Bellevue est reconduit. Le chantier est achevé en 1970.

Les maisons individuelles, en rez-de-chaussée, sont regroupées en trois hameaux sociaux. Les immeubles collectifs, constitués de trois barres, sont tournés vers la campagne. Mais très vite, en 1975, l’aménagement de l’A11 vient perturber la qualité de vie et la tranquillité des locataires.

La construction au moindre coût a conduit à engager une première tranche de travaux de réhabilitation dès 1981. En 2004, cinq pavillons sont bâtis à l'emplacement de la supérette.

Le relogement concerté

Le Centre d'Action Éducative a fait un énorme travail de préparation du relogement. Après une assemblée générale houleuse, réunissant 300 personnes, un « Comité du relogement » de 25 à 30 personnes est constitué. Une vingtaine d'étudiants de l'École d'architecture de Nantes, accompagnée d'un professeur et d'une sociologue, est chargée d'un recensement précis de la population. 250 familles sur 270 acceptent de recevoir ces enquêteurs.

Ce travail aboutit à la rédaction d'un « livre blanc » du relogement contenant les conditions jugées nécessaires pour accepter d'être relogé. Présenté à la Mairie et à l'Office public d’HLM de Nantes (OPHLM), il est bien reçu. Beaucoup de propositions sont acceptées, dont celle de donner la possibilité aux habitants de choisir leur logement. La demande de l'installation de chauffe-eau est refusée, l'OPHLM craignant de créer un précédent trop coûteux pour les futures opérations.
Certaines cages d'escaliers des immeubles collectifs sont constituées par des familles se connaissant bien ou par des personnes de la même origine familiale. Le Comité doit imposer, malgré quelques réticences, que les 90 maisons soient attribuées en priorité aux vieillards, handicapés physiques et familles nombreuses. D’après Bernard Vrignon, les habitants sont relogés dans les hameaux sociaux à partir de février 1970, puis dans les logements collectifs. 15 à 20 familles font le choix de s‘installer dans les baraquements du Grand-Blottereau. La cité provisoire du Chêne-des-Anglais est détruite entre 1970 et 1971.

Le relogement des habitants du « Chêne » n'est pas sans créer une inquiétude chez les résidents du lotissement de La Rivière et celui des Castors, situés dans l'environnement immédiat de la Petite-Sensive. Les riverains craignent pour leur tranquillité. Le hameau de 20 maisons situé rue de Bolivie, mitoyen de ces deux lotissements, est particulièrement visé. Ses occupants étant des personnes âgées et des familles stables, la cohabitation ne pose au final aucun problème.

En 1974, les 841 logements collectifs de la nouvelle cité HLM du Chêne-des-Anglais sont achevés à l’emplacement de l’ancienne cité provisoire.

Francis Peslerbe
Groupe Histoire des quartiers Nord de l’association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB)
2025



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En savoir plus

Bibliographie

Peslerbe Francis, Association d'action socio-culturelle et éducative de la Boissière (AASCEB), Histoire des quartiers nord de Nantes. Entre Cens et Erdre, un quartier « mosaïque » des années 50 à aujourd’hui, livre 4, AASCEB, Nantes, 2007

Ressources Archives de Nantes

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Grand Blottereau

Tags

Nantes Nord Maison Extension et limite urbaine Solidarité

Contributeurs

Rédaction d'article :

Francis Peslerbe

Témoignage :

Olga Chalon, Bernard Vrignon

Anecdote :

Francis Peslerbe

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