
Ancienne porte ou barrière de Richebourg
Si le terme de porte évoque souvent une entrée dans l’enceinte fortifiée d’une ville, il peut s’agir également de porte de moindre taille, également appelée « barrière » et se situant à l’entrée des faubourgs et où les municipalités percevaient une contribution. Une « porte » ou « barrière » de Richebourg » se situait ainsi à l’angle actuel des rues Richebourg et Stanislas-Baudry.
Des barrières surveillées
À l’entrée des faubourgs d’une ville, à l’extérieur de ses murailles, ces barrières permettent de filtrer les arrivants et les marchandises. Des personnes étaient chargées de vérifier les denrées apportées dans la ville qui relevaient de la fiscalité des octrois, des fermes du vin et du sel.
À Nantes, les premiers octrois sont liés à la guerre de succession de Bretagne (1341-1364). L’historien Guy Saupin précise : « Par lettres du 16 octobre 1344, Charles de Blois accordait aux bourgeois de Nantes le privilège de lever les taxes exigées par l'entretien des fortifications, afin de maintenir la ville dans son parti ». Supprimé en 1364, cet avantage est rétabli en 1397.
Sur les différents rues qui aboutissent à Nantes, on trouve sur des plans du début du 18e siècle des barrières dont certaines ont changé de place au cours des siècles. Sur l’axe en direction de Paris (actuelle rue Maréchal-Joffre) une porte est posée près du couvent des Chartreux en 1591. Sur ce même axe, la barrière est déplacée plusieurs fois (près de l’angle de la rue Geoffroy-Drouet, près de l’église Saint-Donatien ou bien encore au « puy-percé », à l’angle des rues Dufour et Desaix). On note également la présence d’une barrière sur la rue Saint-André ou bien sur la Fosse, à l’ouest de Nantes, et vers le Moulin Lindet, sur les coteaux de Miséry.
Une première porte au Moyen Âge
Une « porte de Richebourg » est mentionnée dans le premier tome de l’ouvrage Histoire de Bretagne, publié en 1705. Il relate le siège de Nantes de 1380-1381 opposant les troupes de Thomas de Woodstock, Comte de Buckingham, et le connétable Olivier V de Clisson.
Dans ce livre il est indiqué que « Guillaume de Windsor et Hugues de Calveley se campèrent au-dessus du Comte de Buckingham entre la rivière d’Erdre et la porte de Richebourg » puis encore que « Amauri de Clisson […] et le sire d’Amboise avec deux cent lances, sortirent le 8 de décembre par la porte de Richebourg ». Cependant, il semble plus probable qu’il s’agisse d’une porte fortifiée du château de la Tour-Neuve qui était muni d’un pont-levis en direction du faubourg de Richebourg. Ce « pont-leveix » est mentionné en 1469 dans les registres des comptes des miseurs.
C’est en 1408 que semble avoir été construite la première porte (ou barrière) rue Richebourg. Elle prend le nom de « porte du Château-Gaillard », du nom de la motte voisine. Cette motte est arasée en 1423 pour la défense de la ville.

Illustration d’une rue au Moyen Âge
Date du document : 20e siècle
Une porte neuve surmontée d’armoiries
Nicolas Travers indique dans son ouvrage Histoire civile, politique et religieuse qu’en 1589, du temps de la Ligue catholique, « on bâtit au bas de la motte Saint Pierre, proche la contrescarpe, à l’abord de la rue de Richebourg, un grand portail, fermé d’une forte porte afin d’en empêcher l’entrée et la sortie du côté de la ville ». Il s’agit très certainement d’une infrastructure défensive plus proche du château de Nantes et à ne pas confondre avec la « barrière de Richebourg ».
L’auteur indique également qu’à partir de février 1614 « on fit des barrières neuves en plusieurs endroits des faubourgs » telle que la barrière de Couëron (quartier de la Bastille), une autre proche du Gué-aux-Chêvres et enfin de la « barrière des Venelles à Richebourg ». Ce nom de « venelles » est sans aucun doute lié aux ruelles du faubourg Richebourg connues aujourd’hui sous le nom de Saint-François, Rabelais ou Coustou. Dans le même ouvrage, Travers indique pourtant la date de 1622 pour l’édification de cette porte « On bâtit le portail de Richebourg, avec la maison ». La même année ; le maître menuisier, « François Nepvouet » sculpte les armoiries de la ville au « portal neuf » fait au faubourg de Richebourg.

Détail du plan géométral de Richebourg, St-Clément, St-André, St-Donatien et Barbin
Date du document : 1711
L’évasion du Cardinal de Retz
La barrière de Richebourg vit passer un personnage qui fit parler de lui au 17e siècle. Jean-François Paul de Gondi, cardinal de Retz opposé au cardinal et ministre d’État Mazarin, est placé en résidence surveillée au château de Nantes en 1654. Le 8 août, il s’y échappe du haut des remparts à l’aide d’une corde et s’enfuit, aidé de complices. Il relate son épopée dans ses mémoires : « Aussitôt que je fus à cheval, je pris la route de Mauves [il parle ici de la rue Richebourg] […] La Ralde, Ecuyer de M. le Duc de Brissac, qui marchoit devant moi, me dit qu’il falloit galoper d’abord pour ne pas donner le tems au Gardes du Maréchal de fermer la porte d’une petite rue du fauxbourg ».
La raffinerie de la « Porte-Rouge »
Le faubourg Richebourg est connu pour ses nombreuses raffineries de sucre qui s’y installent à partir du 17e siècle. La raffinerie de « la Porte-Rouge », ou « Raffinerie de Richebourg » est ainsi la propriété de Charles Gauvain et René Montaudouin, puis de François Gauvain et Hiérosme Harsely en 1688, et finalement de Jean-Baptiste Renaud au 19e siècle. Les bâtiments de l’ancienne raffinerie sont détruits aux 19e et 20e siècles. Son nom, de « Porte-Rouge » a-t-il un lien avec la porte de Richebourg, située au même endroit ?
Une référence géographique
Tout au long du 18e siècle la barrière de Richebourg est une référence géographique si l’on en croit les différentes annonces publiées : « près la barrière de Richebourg », « jusqu’à la barrière de Richebourg », « au-delà de la barrière de Richebourg »…
En 1792, les Nouvelles étrennes nantaises imprimées chez Guimar indiquent que la porte fortifiée « dite Barrière de Richebourg. […] est détruite aujourd’hui ». L’octroi est supprimé par l’Assemblée nationale constituante le 20 janvier 1791 et rétablis sous le Directoire le 18 octobre 1798. Le terme « Barrière de Richebourg » demeure encore dans les annonces publiées dans la presse jusqu’au début du 19e siècle, au moins jusqu’en 1825. Un nouveau bureau d’octroi de la rue Richebourg se situait alors dans une maison, aujourd’hui démolie, au niveau de l’actuel grand bassin du Jardin des plantes. Les limites de l’octroi se déplacent au fil des années. Un nouveau bureau est visible, sur le même axe, sur un plan de 1849 en bas de la rue des Rochettes et à l’angle de la rue d’Allonville. Sur un plan de 1921, un autre est visible à l’angle de la route de Sainte-Luce et de la rue Camille-Desmoulins. Ce dernier emplacement est à sépare d’environ 2,5 kilomètres de l’ancienne « Barrière de Richebourg ». Cet éloignement est significatif de l’extension du territoire de l’octroi et parallèlement de l’espace urbain.

Détail du plan cadastral parcellaire de la commune de Nantes, section Richebourg
Date du document : 1835
Si cet impôt supprimé en 1943 ne demeure aujourd’hui qu’un souvenir, un débit de boissons installé dans les anciens bureaux de la route de Sainte-Luce a longtemps conservé le nom d’« Octroi ».
Kevin Morice
Archives de Nantes
2025
En savoir plus
Bibliographie
Leguay Jean-Pierre, Un réseau urbain au Moyen Âge : les villes du duché de Bretagne au XIV et XVe siècles, Maloine, Paris, 1981
Guilhembet Jean-Pierre, Dauphin Noëlle, Michaud-Fréjaville Françoise (dir.), Entrer en ville : colloque de l'Université d'Orléans 26-27 octobre 2001, Presses universitaires de Rennes, 2006
Abbé Travers, Histoire de la ville de Nantes, tome 3, 1836
Saupin Guy, « Les octrois de Nantes, de la création de la municipalité à 1732 », Pour une histoire sociale des villes, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2006, p. 43-57
Saupin Guy, « Les fortunes des maires et échevin », Nantes au XVIIe siècle. Vie politique et société urbaine, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2015, p. 211-242
Ressources Archives de Nantes
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Kevin Morice
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