Pont Haudaudine
La construction du pont Haudaudine, axe vital entre la ville de Nantes et les infrastructures liées au port, lance le désenclavement de l’île de la Prairie-au-Duc et la mise en œuvre de la seconde ligne de ponts envisagée depuis plus de deux siècles. Ce pont marque la frontière entre la Loire fluviale et la Loire maritime.
Les projets d’une seconde ligne des ponts
Dès 1846, M. Pelloutier demande l’autorisation de construire une passerelle sur le bras de la Madeleine entre l’île Gloriette et la Prairie-au-Duc moyennant l’octroi d’un péage. Après trois ans d’enquête, ce premier projet est refusé par le service des Ponts et Chaussées qui en souligne le peu de solidité.
Placard pour l'enquête d'utilité publique sur la construction d'une passerelle de l'île Gloriette à la Prairie-au-Duc
Date du document : 20-02-1854
En 1848, le projet d’une nouvelle voie pour rejoindre la future gare de la Prairie-au-Duc est évoqué mais l’incapacité financière communale oblige à l’abandonner même si, en 1849, le pont est tracé sur le plan Amouroux.
En 1850, M. Pelloutier présente un second projet pour un pont charretier. Celui-ci est approuvé par le conseil municipal mais n’est pas mis en œuvre.
En 1855, une mise à l’étude pour un nouveau pont est demandée aux Ponts-Vergniais établis à Paris par M. Pelloutier sans concertation avec le conseil municipal. La Ville classe l’étude dans ses archives.
Avant-projet d'un pont à construire suivant le système Vergniais sur le canal de la Madeleine dans le prolongement de la rue Haudaudine
Date du document : 1855
En 1868, M. Pelloutier, accompagné de ses homologues MM. Voruz et Coicaud, se propose de construire un pont moyennant une subvention de 350 000 francs et la concession d‘un droit de péage pendant 12 ans. Le maire reconnaît alors que le pont projeté est d’une indiscutable nécessité mais la Ville ne peut concourir à la dépense.
Le premier pont Haudaudine
A la suite de cette ultime demande privée, les ingénieurs des Ponts et Chaussées proposent, en 1874, un pont situé dans le prolongement de ceux de la Bourse et du pont Maudit pour constituer une ligne de pont.
Plan des îles de la Loire dressé par Jouanne
Date du document : 1889
Il est composé de cinq arches de 29 mètres à 35 mètres d’ouverture et d’une largeur de 10 mètres entre les garde-corps. Son arche centrale a un tablier à 8,50 mètres au-dessus du zéro de la Bourse afin d’offrir une hauteur de passage de 7,50 mètres en mortes-eaux et de 6,50 mètres en vives-eaux ; une hauteur suffisante pour les bateaux à foins puisque le pont Haudaudine marque l’entrée dans le port fluvial. Le projet évolue ensuite pour porter à 12 mètres la largeur du pont.
Demi-coupe en long suivant l'axe du pont Haudaudine en arches métalliques
Date du document : 1874
Pendant le temps d’étude, la Ville demande l’aide financière de la Compagnie des chemins de fer nantais. Celle-ci accepte de participer à hauteur de 150 000 francs.
Un ouvrage ancré dans la modernité
En 1876, les travaux sont lancés. Le coût total de 860 000 francs est supporté pour moitié par l’État via l’administration des Ponts et Chaussées – bien que le pont ne soit nullement utilisé pour le service du port maritime – et par la commune de Nantes dont le budget est consolidé par les subsides de la Compagnie des chemins de fer nantais.
La construction confiée à l’entreprise Ducos est lancée en 1878. Comme tous les ouvrages de la Loire, les arches reposent sur une forêt de 450 pieux en pichepin d’une longueur de 19 mètres. La structure se compose de 475 tonnes de fonte et 200 tonnes d’éléments en fer ou en acier.
En 1879, les passerelles métalliques sont mises en place. Puis, en 1880, la Ville confie au même entrepreneur le raccordement du pont aux rives et à la rue « du nouveau pont ».
Pont Haudaudine
Date du document : Vers 1885
Dès sa mise en service, le pont Haudaudine va être un axe central de diffusion des progrès techniques dans la ville de Nantes : câbles télégraphiques et câbles téléphoniques y sont rapidement installés. Le pont est également utilisé par les voitures. L’évolution de la conduite et la présence des alliés pendant la Première Guerre mondiale oblige le conseil municipal à limiter à 6km/heure.
Placard pour la limitation de la vitesse sur le pont Haudaudine
Date du document : 1918
Un état de délabrement de plus en plus inquiétant
L’importance de ce pont, le premier d’une seconde ligne potentielle, explique la surveillance dont il va faire l’objet. Dès 1913, le pont montre des signes de faiblesse à cause d’une baisse de l’étiage. Sans réfection, son état continue à s’aggraver.
Puis, il est partiellement détruit en 1944 par les mines allemandes qui produisent la rupture de deux arches. Celles-ci sont remplacées en 1946 par des arcs en acier laminé.
En 1955, la peinture des arches métalliques reconstruites en 1946 est en très mauvais état et les arcs en acier sont largement rouillés. En 1963, bien que son état se soit encore aggravé, la Ville rappelle que le pont doit encore fonctionner de nombreuses années car la création d’une seconde ligne des ponts via Cheviré reste hypothétique.
En 1973, le poids autorisé sur le pont est limité à 2 tonnes et seules les voitures de tourisme peuvent donc encore emprunter un pont essentiellement dédié au MIN et à la gare. Le trafic du pont Haudaudine est alors transféré sur un pont Bailey construit en aval.
Pont Bailey I
Date du document : 1966
Le pont ayant été construit par l’administration des Ponts et Chaussées, l’État en conserve la propriété et la démolition est gérée par le port autonome. Celle-ci est lancée en 1976. Elle s’effectue en deux étapes : tout d’abord, la démolition du tablier, l’enlèvement des arcs et la démolition complète des piles ; puis, celle des culées. Le 15 mai 1976, les piles sont dynamitées.
La construction d’un nouveau pont Haudaudine
La reconstruction du pont Haudaudine est inclue dans un projet plus large de nouveaux enjambements de la Loire grâce un pont en aval de celui dit de Pornic (futur pont de Cheviré) et à une autre ligne à l’amont de Beaulieu.
La reconstruction du pont qui n’a plus aucun lien avec le port maritime est à la charge unique de la Ville de Nantes. Pour des raisons d’expertise technique, elle est confiée à la direction départementale de l’équipement et l’État apporte un concours financier à hauteur de 40% du coût total estimé à 16 millions de francs.
En 1977, les travaux confiés à l’entreprise Dodin sont lancés.
Une architecture caractéristique des années 1970
Le nouveau pont est un ouvrage en béton précontraint d’une longueur totale de 198 mètres. Sa largeur de 18 mètres entre les garde-corps permet la création de deux chaussées à deux voies encadrées par deux trottoirs piétonniers.
Coupe longitudinale du projet de reconstruction du pont Haudaudine, extrait du dossier d'appel d'offres de la ville de Nantes
Date du document : 1976
Ses quatre travées reposent sur trois piles dont deux en Loire : la première a 45 mètres de portée en rivière, la seconde 77 mètres, la troisième à nouveau 45 mètres, la dernière 27,54 mètres de portée sur la rive droite, au droit d’une future voie de berge. La culée et la pile de la rive droite reposent sur des pieux ancrés au rocher tandis que les piles élevées dans le lit du fleuve sont fondées au rocher par l’intermédiaire de massif en gros béton coulé sous l’eau dans une enceinte en palplanches métalliques.
Son tablier qui culmine à 8 mètres au-dessus du fleuve est constitué de deux caissons solidarisés par précontrainte transversale.
Très proche de son homologue d’Orléans, le pont Haudaudine offre une esthétique typique des années 1970 avec des arches aplaties et un garde-corps métallique qui l’inscrivent discrètement dans le paysage fluvial.
Nouveau pont Haudaudine
Date du document : 1985
Le nouveau pont est inauguré le 22 décembre 1979. Quelques mois plus tard, le pont Bailey sera détruit.
Julie Aycard
Direction du patrimoine et de l'archéologie, Ville de Nantes / Nantes Métropole ; Service du Patrimoine, Inventaire général, Région Pays de la Loire
Inventaire du patrimoine des Rives de Loire
2021
Plan des îles de la Loire dressé par Jouanne
Date du document : 1889
En savoir plus
Bibliographie
Vannier Serge, Ruter, Alain Hel, Charly, Les ponts de la Loire. De la source à l'Atlantique, Communication-Presse-Edition, Romorantin-Lanthenay, 2002
Webographie
Nantes, la métamorphose d'une ville - Auran/Ina : Inauguration des deux ponts BAILEY sur La Loire à Nantes
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Rédaction d'article :
Julie Aycard
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