Motte du Château-Gaillard et jardin au duc
Au commencement de l’ancien faubourg de Richebourg, à l’est du Château des ducs, se trouvait la motte du Château-Gaillard, promontoire cultivé de vignes qui fut abattu au début du 15e siècle pour la sécurité de la ville de Nantes.
Une probable motte castrale
Il est intéressant de préciser que de nombreuses localités portent ce nom de Château-Gaillard. Outre la forteresse du 12e siècle édifiée par Richard Cœur de Lion aux Andelys dans le département de l’Eure, plusieurs mottes féodales portent également ce nom. Pour exemple, la motte de Linard, dans la Creuse ou bien encore une motte à Chaugey, dans la commune de Losne (département de la Côte-d’Or). Avant l’édification des premiers châteaux forts, les mottes castrales, buttes faites de remblais de terre et souvent de formes circulaires, avaient une fonction défensive mais également résidentielle.
La ville de Nantes, était autrefois entourée de plusieurs mottes (Saint-Nicolas, Saint-André et Saint-Pierre) ; la toponymie de « Chasteaugaillart » peut évoquer la présence probable d’un dispositif défensif à l’extérieur de la ville fortifiée dont la date de construction serait selon l’archéologue Camille Dreillard « antérieure au perfectionnement et à l'utilisation plus fréquente de l’artillerie mécanique aux 12e-13e siècles, puisque la prise de ces dernières par des ennemis aurait mis la ville intra-muros à portée de tirs des engins dev siège type trébuchet ou couillard, dont la puissance aurait été décuplée par ces positions de hauteur. Les mottes pourraient par exemple avoir été édifiées dans le courant du 11e siècle ».
Un danger pour la ville
C’est justement un potentiel siège que craint le duc de Bretagne Jean V lorsque, le 8 avril 1423, il ordonne d’abattre cette motte de terre « vulgairement appellée icelle motte Chasteaugaillart » ; il trouve sa proximité avec les douves du château de la Tour-Neuve préjudiciable pour la ville si elle venait à être fortifiée par l’ennemi. Certains habitants de la motte qui y cultivaient autrefois la vigne seront indemnisés à la fin de l’année 1424.
Document ordonnant la destruction de la motte du Château-Gaillard
Date du document : 08-04-1423
Les jardins de la conciergerie
C’est à peu de distance du Château-Gaillard que le duc de Bretagne François II fit construire en 1468 la chapelle Saint-Antoine-de-Padoue (actuelle chapelle de l’Immaculée, rue Malherbe) dans les jardins de la conciergerie. Une étude de Jean-Pierre Leguay sur les abords du Château des ducs décrit ce lieu comme étant « un lieu d’agrément très prisé, une sorte de parc avec ses arbres, ses pelouses et ses massifs de fleurs, des vignes et une résidence nommée Château-Gaillard ». Vers les années 1480, le domaine de Château-Gaillard subit un afféagement (démembrement d’un fief et soustraction de terres en échange d’une rente) pour la création de plusieurs chemins « sur ce terrain pour la commodité de la ville ».
Taille de vignes à l’époque médiévale
Date du document : 1480
La présence d’un jardin est également évoquée plusieurs fois dans les registres de la chambre des comptes de Bretagne, comme en 1408 lors d’un contrat passé pour une « place de terre gaste sise à Richebourg près le château-Gaillard, faisant le coin comme l’on va dudit château au jardin de la Tour-Neuve » et en 1500 pour le jardin « des sr et dame (le roi et la reine) […] estant au long d'iceluy chemin ». Un extrait des registres du Parlement de Bretagne concernant les possessions du chapitre indique « qu’on a pris […] des maisons et vignes nommées Chateaugaillard, une motte de terre située entre les deux douves de Richebourg et mise en grand chemin par l’ordre du duc ».
Portrait de François II et Marguerite de Foix
Date du document : 15e siècle
Un faubourg bouleversé par l’agrandissement du château ducal
Le duc François II avait entrepris la reconstruction de son château à partir de 1466. Cependant, les premières expropriations des habitations du faubourg de Richebourg ont débuté dès 1456. L’édification de la Tour du Fer à Cheval à l’est et du reste de la muraille est mise en pause en 1487 lors du siège de Nantes effectué par l’armée du roi de France Charles VIII au cours de la guerre de Bretagne ; si la motte du Château-Gaillard avait été abattue par Jean V plusieurs dizaines d’années auparavant pour éviter un siège, cela n’a pas empêché les troupes royales d’investir le faubourg de Richebourg. Si l’issue du siège se solde par un échec de l’armée française, l’occupation de cette motte et l’installation d’armes de siège sur les hauteurs de Château-Gaillard aurait-elle pu avoir raison du nouveau château ducal ?
Kevin Morice
Archives de Nantes
2024
En savoir plus
Bibliographie
De Veillechèze René, Recherches historiques sur la commune du Pellerin et notices sur les communes de Saint-Jean-de-Boiseau, Port-Saint-Père, Cheix, Rouans, Sainte-Pazanne et Vue [En ligne], Impr. de Lafolye, Vannes, 1897 [Consulté le 17 avril 2024], ouvrage en ligne disponible ici
Dreillard Camille, « Les fortifications médiévales et modernes de la ville de Nantes : un état des connaissances historiques, archéologiques et topographiques », Revue archéologique de l'Ouest [En ligne], n°34, 2017, p. 323-352 [Consulté le 17 avril 2024], article en ligne disponible ici
Leguay Jean-Pierre, « Les abords du château des ducs : Sainte-Radegonde, Saint-Laurent et Richebourg au XVe siècle » dans Cassard Jean-Christophe, Coativy Yves, Gallicé Alain et Le Page Dominique (dir.), Le prince, l’argent, les hommes au Moyen Âge [En ligne], Presse Universitaires de Rennes, Rennes, 2008 [Consulté le 17 avril 2024], article en ligne disponible ici
Savagner Auguste (dir.), Histoire civile, politique et religieuse de la ville et du comté de Nantes, impr. avec des notes et éclaircissements, tome 2, imprimeur-libraire Forest, Nantes, 1837 [Consulté le 17 avril 2024], ouvrage en ligne disponible ici
Ressources Archives de Nantes
DD 280
Ressources Archives départementales de Loire-Atlantique
G 211
Pages liées
Tags
Contributeurs
Rédaction d'article :
Kevin Morice
Vous aimerez aussi
Folies
Architecture et urbanisme« Folie », de folia – feuille en latin – renvoie à l’idée de maisons entourées de verdure. Le terme signifie aussi, dès le 18e siècle, la propension des gens riches à séjourner alternativement...
Contributeur(s) :Olivier Grenouilleau
Date de publication : 09/03/2020
6780
Ancienne manufacture Mazettier
Architecture et urbanismeSur la commune de Chantenay, Gustave Mazettier achète en 1907 « l'usine du Bois-Hardy » fraîchement construite, pour y confectionner des vêtements de travail imperméables enduits et...
Contributeur(s) :Hélène Charron
Date de publication : 31/01/2022
1500
Écoles de la rue Petitpierre et de Beauséjour
Architecture et urbanismeC’est dans le faubourg de Vertais que la première école communale nantaise voit le jour en 1835 sous la municipalité de Ferdinand Favre. Au cours de la seconde moitié du 19e siècle,...
Contributeur(s) :Nathalie Barré
Date de publication : 19/01/2023
959