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Février 1904 : inondations à Nantes


Tout au long de son histoire, Nantes a régulièrement subi des inondations. Les plus importantes se sont produites en automne et en hiver, comme celles de 1843 et 1872. En février 1904, les éléments naturels se déchaînent de nouveau, et la ville connaît sa première grande inondation du 20e siècle.

Un hiver rigoureux

En ce début de mois de février 1904, l’ouest de la France subit une véritable tempête. Alors que les quais de Roscoff, de Saint-Pol de Léon et de Tréguier sont inondés, Brest essuie un raz-de-marée. Plusieurs bateaux sont brisés et coulés tandis qu’un jeune homme de 17 ans meurt noyé. Un drame similaire est à déplorer à Lorient où les quais du port militaire sont envahis par les eaux, entraînant le décès d’un ouvrier. Selon le journaliste du Phare de la Loire, « l’hiver actuel pourra compter pour les plus mauvais qu’on ait vu depuis dix ans. Les tempêtes n’ont pas cessé de se succéder sur les côtes depuis le mois de décembre ».

Progressivement, la tempête se rapproche de Nantes. À Guérande, la foudre tombe sur le clocher de l’église. À Saint-Nazaire, à cause de l’orage, les cours du Collège ont été suspendus. Dans l’après-midi du 9 février, un violent ouragan s’abat sur Nantes. Ce sont d’abord des averses torrentielles accompagnées de coups de tonnerre puis de véritables bourrasques de vent. Vers 4 heures, une gabare, amarrée en face de la gare maritime, sombre en Loire ; la cheminée de l’hôtel du Cheval Blanc s’effondre, une autre s’écroule rue Lekain. Sur les quais de la Fosse, une guérite de douanier est renversée par le vent. Le lendemain, deux nouvelles cheminées tombent sur la voie publique, place Royale et rue La Pérouse.

Enfin, la crue de la Loire est annoncée pour le 11. Selon les prévisions, le maximum présumé est estimé à 4 mètres à Ancenis. Mais dès le lendemain, la presse annonce pour Ancenis une cote de 5 mètres prévue pour le 15 février, puis 5,55 mètres. On attend 4,50 mètres au pont de la Bourse à Nantes. Les premières inondations sont annoncées le 15 : « Les habitants des rues de la Loire et de la prairie d’Amont sont bloqués dans leurs maisons, l’eau ayant envahi la chaussée. D’après les prévisions du service de la Loire, la crue actuelle va atteindre, sinon dépasser, celle de 1897 ».

La ville sous les eaux

À partir du 18 février, les journalistes recensent les nouvelles rues inondées : « C’est aujourd’hui, dans tous les bas quartiers de la ville, l’inondation et une inondation qui paraît malheureusement devoir être plus dangereuse que celle de 1897. Ce matin, à 8 heures, la crue atteignait 5 mètres 30 à l’échelle de la Bourse, en augmentation de 25 centimètres sur la cote d’hier. La Loire déborde sur l’Île Gloriette à l’extrémité. La rue Kervégan, ainsi que nous le prévoyions, est envahie par l’eau qui atteint une hauteur de 50 à 60 centimètres au milieu de la chaussée et dans les couloirs des maisons ; On y circule maintenant en bateau. L’eau atteint l’établissement de bains du quai de la maison Rouge et va jusque dans la rue des Olivettes. Dans cette rue, ainsi que dans les rues Marmontel, Laënnec, Pérelle, les habitants ont du établir des appontements pour rentrer chez eux ».

Et chaque jour, de nouvelles rues, de nouveaux quartiers sont envahis. Le service des Travaux publics de la Ville va totaliser 6395 mètres d’appontements construits. Plus de 3 kilomètres de madriers sont loués tandis que la Ville investit dans 200 tréteaux neufs. Pour équiper son personnel, le service achète des bottes d’égoutiers en caoutchouc. Entre l’acquisition du matériel et le temps passé à établir les appontements, la dépense s’élève à 3000 francs. Parallèlement, un service de bateaux aura assuré la desserte de 21 rues complètement inondées.

Mais les inondations ont d’autres conséquences qui jouent directement sur l’économie locale, notamment sur le chômage.

Des conséquences économiques

Lors de ces inondations, on ne compte plus les usines et les commerces qui sont obligés de limiter voire d’arrêter leurs activités.

Chez Lefèvre-Utile, une partie du personnel est mise au chômage ; à la Manufacture des Tabacs, les fosses où se trouvent les transmissions des machines sont pleine d’eau, bloquant la production ; dans les magasins de la Chambre de Commerce, on déménage les sacs de sucre ; à l’usine de papier d’emballage Leroy, on évacue 125 tonnes de fournitures.

Et, de jour en jour, la liste s’allonge. À la fabrique de tapioca Billard, le travail est arrêté. La ferblanterie Delhache, quai Duguay-Trouin, subit le même sort. Comble d’ironie, les chantiers de M. Martin, constructeur et loueur de canots, baignent dans l’eau ainsi que sa maison. Plus grave : la Société Nantaise d’Électricité est obligée de couper le courant sur plusieurs points de son réseau ; les lignes souterraines sont inondées.

De son côté, la Compagnie Française de Navigation se voit contrainte de supprimer le service Nantes-Trentemoult et Trentemoult-cale de Crucy.

L’usine de diamants Royé et Cie met au chômage 350 salariés. Ils retrouveront leurs ateliers une semaines plus tard.

La crue du Gué-Robert à Doulon

De par sa situation géographique, le ruisseau du Gué-Robert menace directement, à chaque montée des eaux, les boulevards de Doulon et de Sébastopol (actuel boulevard de Stalingrad). Le pont de la Moutonnerie est un véritable baromètre des crues. Dans ce quartier, la situation s’aggrave jusqu’au 21. Les tramways ne peuvent plus circuler ; le boulevard de Doulon est complètement immergé, débordant par le fait même sur les rues voisines. Il faudra attendre le 23 février pour constater une amélioration et mesurer un commencement de décrue.

Devant cette catastrophe, le Conseil municipal de Doulon prend les choses en mains et ressort les anciens projets. Suite aux inondations de 1883, une étude avait été réalisée pour expulser les eaux du bassin du Gué-Robert dans la Loire. Même si la Ville s’était réservée le droit d’acheter un terrain pour installer une pompe, le projet reste sans suite.

Il est repris en août 1904 avec l’établissement de deux pompes centrifuges, actionnées par un moteur à air comprimé, capables de débiter 1000 mètres cubes par heure. Mises en place en 1905, ces pompes se révéleront efficaces dès 1906. Pourtant, lors des inondations de 1910, elles montreront leur limite. Fonctionnant quotidiennement jusqu’à 22 heures, elles ne pourront pas empêcher le débordement de l’eau dans les rues avoisinantes. Trois nouvelles pompes élévatoires seront alors programmées.

Février 1904, une crue extraordinaire ?

Si les inondation de février 1904 restent un événement marquant en ce début de siècle, elles ne sont pourtant ni les premières ni les dernières.

La presse locale n’hésite d’ailleurs pas à rappeler les grandes crues passées, comme celles de 1414 où, selon Dom Lobineau, « toutes les parties basses de Nantes, depuis l’église des Prêcheur jusqu’aux portes de Saint-Nicolas et de Sauvetout furent tellement inondées que les habitants de ces quartiers se retirèrent dans les lieux les plus élevés et aux faubourgs du Marchix et de Saint-Clément ».

Puis se sont les inondations du 18e siècle avec, notamment, celle de 1711 qui atteint 7,29 mètres, emportant avec elle une partie du pont de Pirmil. Viennent ensuite les crues du 19e siècle. En octobre 1846, la Loire supérieure connaît sa plus forte inondation qui, pour Nantes, reste cependant une crue moyenne.

Celle de 1856 est beaucoup plus grave et occasionne la destruction de toutes les digues. Enfin, la crue de 1872 semble demeurer la plus traumatisante pour les Nantais. L’usine à gaz est noyée par les eaux, plongeant la ville dans l’obscurité pendant plusieurs nuits. Les Ponts et Chaussées apposeront d’ailleurs une plaque au café de l’Union, à Trentemoult, pour indiquer la hauteur atteinte par l’eau. Pour comparaison, la crue de 1904 restera 38 centimètres en-dessous de cette marque.

Le 20e siècle n’échappe pas au phénomène. Ce sont d’abord les inondations de 1910 qui touchent une nouvelle fois le quartier de Doulon. La population est d’autant moins contente que les pompes installées en 1905 avaient parfaitement rempli leur rôle en 1906. Trois nouvelles pompes élévatoires sont alors envisagées au pont de la Moutonnerie.

Entre 1911 et 1931, les crues sont pratiquement annuelle. On justifie, en partie, les comblements de la Loire et de l’Erdre comme devant juguler ces catastrophes. Pourtant, l’année 1936 contredira les experts.

L’hiver 1960-1961 marque certainement les dernières grandes inondations de Nantes. Cette fois-ci, ce sont les habitants du boulevard Van Iseghem qui se retrouvent les pied dans l’eau.

Xavier Trochu
Archives de Nantes

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