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Armoiries de la Ville de Nantes Gilbert Declercq (1919 – 2004)

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Architecture


Chaque jour davantage, le nombre des réalisations contemporaines dépasse celui des anciennes, amplifiant le constat que, déjà, au 20e siècle, on avait plus construit qu’au cours de tous les siècles précédents. Ceci est particulièrement visible au centre même de Nantes où s’additionnent secteur sauvegardé et Île de Nantes, soit un coeur ancien, au tissu dense et aux éléments historiques multiples, percé de part en part d’édifices modernes et contemporains, et un coeur neuf, vitrine des témoignages architecturaux successifs de la créativité du 21e siècle.

Ces deux territoires urbains expriment la tempérance nantaise conduisant à refuser les attitudes architecturales tonitruantes considérées comme incontournables par les autres métropoles européennes, à ne sacraliser ni son patrimoine 20e siècle ni certaines exigences environnementales liées à la pollution, à utiliser toute la palette des interventions possibles pour transformer son territoire.

Immeuble Vaudou et Luthi (construit en 1964)

Immeuble Vaudou et Luthi (construit en 1964)

Date du document : 06-02-2013

L’héritage

De la ville médiévale et de ses bâtiments ne subsistent qu’un nombre limité de constructions : le Château des ducs de Bretagne témoigne de l’architecture militaire des 13e et 15e siècles ; la cathédrale est caractéristique de l’architecture religieuse du 15e siècle et les maisons à pans de bois, colombages et encorbellements apparents rappellent ce que furent les habitations urbaines, notamment rue de Verdun, rue Bossuet et place du Change.

Place Saint-Pierre

Place Saint-Pierre

Date du document : 16-11-2012

Si le 17e siècle a légué quelques hôtels particuliers, dont ceux investis par la mairie (Derval, Rosmadec, Monti de Rezé) ou des équipements publics (hôtel de Briord), c’est principalement le 18e siècle qui marque le centre-ville de ses hôtels et immeubles établis le long des voies restructurant la ville médiévale. Ils constituent des ensembles résidentiels aux alignements visibles sur les quais (de la Fosse), les cours (Saint-André, Saint-Pierre, Cambronne), les places (Royale et Graslin), des lotissements marquant l’extension de la ville (Feydeau, Graslin). L’essor économique et la spéculation immobilière conduisent à des réalisations architecturales strictement ordonnancées mais marquées par la fragilité de leur fondation qui les transforment en de véritables « vanités architecturales ».

Immeuble Le Cardiff (construit en 1968), cours Olivier de Clisson

Immeuble Le Cardiff (construit en 1968), cours Olivier de Clisson

Date du document : 13-11-2012

Les développements du 19e siècle

Nantes connaît une forte expansion urbaine et bâtit les usines de son essor. Les immeubles de la place Saint-Pierre et de la rue de Strasbourg constituent la principale percée « haussmannienne » nantaise : elle met en relation la cathédrale, la mairie et les quais de l’Erdre. Des édifices frêles (les serres du Jardin des plantes) ou massifs (le Musée des beaux-arts, la Bourse de commerce, le Palais de justice, le Musée Dobrée, l’église Notre-Dame de Bon Port) témoignent des goûts mêlés de l’époque et de techniques de construction permettant d’apporter la lumière naturelle jusqu’au coeur de certains édifices.

La ville vit le passage de l’artisanat à l’industrie, d’une architecture du bois et du tuffeau à celle des grandes portées permises par la fonte et le fer, souvent associés à la brique. Ce développement suit le tracé de l’Erdre et de la Loire et s’illustre notamment dans les ateliers de production textile, les conserveries, la création de la Manufacture des tabacs et le développement foisonnant des bâtiments et des halls indispensables aux chantiers de construction navale. La fonte, le fer et le verre, vedettes des expositions universelles, illustrent à Nantes un nouvel art de vivre (passage Pommeraye, serres du Jardin des plantes),les progrès du commerce (marchés, halles, poissonnerie) et des transports (gare et ponts). Puis, avant même la fin du siècle, s’imposent les premières applications du béton armé pour porter les lourdes charges des Grands Moulins du boulevard de Cardiff ou réaliser des immeubles prudemment habillés de tuffeau, tel celui du 11 rue Lafayette. Mais, lorsque le siècle se cherche un style, la ville recourt très prudemment au néogothique (église Saint-Nicolas) et réduit l’Art nouveau à quelques signes (villa Jeannette).

Les élans du siècle des révolutions

Trois réalisations symbolisent l’entrée de Nantes dans une nouvelle modernité au tout début du 20e siècle. La première, le pont transbordeur conçu, réalisé et financé par l’ingénieur-constructeur Arnodin, se dresse sur la Loire. La deuxième s’installe en centre ville : en 1931, l’architecte Henri Sauvage imagine une construction de fer, de verre et de lumière à la peau immatérielle, aux espaces fluides, aux détails éblouissants pour ce qui est alors le plus grand des grands magasins d’Europe installés hors d’une capitale nationale, les grands magasins Decré-Anne, s’érige le symbole de l’accélération de l’évolution sociale qui parcourt l’Europe après 1917, les six immeubles de logements sociaux (242 appartements) de l’Hermitage signés des architectes nantais Gruchet et Ganuchaud.

Après avoir fait, pendant la Seconde Guerre mondiale, le double deuil de la Loire et de l’Erdre, la ville reconstruit ses îlots bombardés entre néoclassicisme (place Royale) et modernité assagie (rue du Calvaire, magasin Decré), tout en affichant ponctuellement un changement de gabarit (place de Bretagne) ou d’échelle (CHU).

Face à cette prudence qui conduit à habiller de pierre l’immense charpente de fer du CHU, la Maison radieuse édifiée par Le Corbusier prend valeur d’un manifeste exprimant toute l’ampleur des progrès à accomplir pour imaginer l’urbanisme et le logement en phase avec le siècle. La haute stature de la Maison radieuse symbolise au-dessus des toits toutes les transformations engagées aux marges de la ville, où se bâtissent alors les Zup (Dervallières, Bellevue, le Breil) et se construisent les deux campus universitaires (la Lombarderie, le Tertre).

Quelques années plus tard, la tour Bretagne résume la prise de pouvoir du secteur tertiaire au détriment de l’industrie, tandis que se poursuit l’évolution de la périphérie sous forme de quartiers de logements sociaux (la Boissière, le Chêne des Anglais, le Petit-Port…), où les équipements de proximité tels que les groupes scolaires et les centres commerciaux témoignent d’une architecture attentive aux usages.

Les Zup n’ayant pas suffi à résorber le besoin en logements, la ville engage l’urbanisation de l’île Beaulieu mélangeant barres et tours (dont celles du grand ensemble de Malakoff ) et équipements à l’architecture significative (dont la salle omnisports en béton rouge et verre noir). S’y liront les effets de la déconcentration (le Tripode), du nouveau rythme des affaires (hôtel Sofitel), puis de la décentralisation (l’Hôtel de région) également traduite par le siège national de l’Institut scientifique et technique des pêches maritimes, du Casier judiciaire et de différents services du ministère des Affaires étrangères. Les grands organismes tertiaires tels la Banque atlantique, le Crédit agricole ou la Société générale préfèrent implanter leur siège régional en périphérie.

Sagement moderne au cours des années 1960 et 1970, l’architecture relit ensuite l’histoire. Elle mélange coupole, colonnade et amphithéâtre grec pour composer le premier Hôtel de région jamais réalisé en France (DMT architectes). Elle associe l’évocation du passage Pommeraye à des oriels pour la Médiathèque (Ferré et Salmon, architectes). Elle joue de la colonnade et des ordonnancements classiques pour bâtir face à la Loire la Chambre de commerce et d’industrie (AIA). Elle se pare des volumétries et des organisations urbaines traditionnelles pour l’ensemble Graslin, l’extension de l’École des beaux-arts et celle de la mairie sur la rue de Strasbourg.Un tel dialogue entre histoire et contexte inspire également l’hôtel La Pérouse (Barto et Barto).

Si les lignes sculpturales du parking de la gare (Santenac) ou le face-à-face entre le centre commercial régional Beaulieu et le garage Volkswagen de part et d’autre du boulevard du Général de Gaulle disent la place de l’automobile dans la vie du citadin, les aubettes de la ligne 1 du Tram (Barto et Barto) marquent l’attention nouvelle portée aux transports en commun.

En associant parking, bureaux, centre d’exposition et boutiques, le programme de l’ensemble Graslin exprime la recherche d’une mixité des fonctions, démarche amplifiée par la reconversion de la Manufacture des tabacs en logements, bureaux et équipements collectifs.

Alors que les grandes signatures (Nouvel pour l’Onyx, Foster pour l’Usine Center…) lui volent la vedette à Saint-Herblain, Nantes accueille les opérations discrètes signées de jeunes architectes qui font leurs premières preuves en renouvelant l’art d’habiter (Les Hirondelles, avenue du Suroît, Rocheteau-Saillard), de travailler (bureaux de l’agence Forma6, rue des Stocks), d’étudier (amphithéâtre Berliet, rue Gaston Veil, Salmon et Gouesnard), de se déplacer en ville (pôle d’échange de Pirmil, Tetrarc).

Le bilan de ce siècle est suffisant pour conduire Nantes Aménagement, la revue 303 puis le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (Caue) de Loire-Atlantique à une publication.

Immeuble, îlot Boucherie - Frédéric Borel  avec Gilberto Pellegrino (construit en 2006)

Immeuble, îlot Boucherie - Frédéric Borel avec Gilberto Pellegrino (construit en 2006)

Date du document : 13-11-2012

La ville en chantiers

Dans les premières années du 21e siècle, la ville se hérisse de grues, traduction construite du gonflement de la valeur des biens, le prix du mètre carré d’un logement neuf doublant entre 1999 et 2007.

Immeubles quai de Tourville - Jean Maëder (construit en 1968) et Barré-Lambot (construit en 2012)

Immeubles quai de Tourville - Jean Maëder (construit en 1968) et Barré-Lambot (construit en 2012)

Date du document : 11-11-2012

L’architecture diversifie ses références et donc ses expressions jusqu’en centre-ville. Quai Moncousu, la Maison de la mère et de l’enfant importe sur la Loire une référence à la loge urbaine que l’Institut forme sur la Seine à Paris. Place de Bretagne, la superposition au sein d’un même immeuble d’un grand magasin, de bureaux et d’appartements de standing s’exprime à travers trois approches esthétiques différentes. Tetrarc développe ensuite cet esprit ludique pour édifier des logements dans l’Île de Nantes (Arborea, boulevard Viviani) puis pour concevoir l’équipement dédié aux musiques émergentes (La Fabrique, boulevard Léon Bureau). Sans renoncer à leur personnalité, certaines réalisations recherchent la discrétion en choisissant de reproduire les caractéristiques dominantes de leur environnement (îlot Boucherie, cours des Cinquante Otages, Frédéric Borel), à dupliquer un voisin célèbre (l’immeuble Loire, quai deTourville, Barré-Lambot) ou à parer leur façade d’un graphisme inspiré par l’ombre des frondaisons qui s’y projette (extension du Conseil général, quai Ceineray, Forma6). Toutefois, la quête d’une esthétique épurée donne à Nantes quelques belles réalisations privilégiant le béton (centre d’incendie et de secours Gouzé, rue Gaston Turpin, Barré-Lambot) ou la brique (le Vasco de Gama, rue Vasco de Gama, Barto et Barto).Tandis que des signatures reconnues s’attachent à la rénovation de grands équipements dans un environnement hostile (Dominique Perrault, Musée Dobrée) ou dans un cadre complexe (Stanton Williams, Musée des beaux-arts), de jeunes architectes déploient un imaginaire tonique pour créer des espaces inattendus à l’aide de matériaux nouveaux (extension de la faculté des sciences, Rocheteau-Saillard) ou en conjuguant vie privée et accueil du public (base d’appui Entre deux, avenue de l’Hôtel-Dieu, Avignon-Clouet).

Immeuble place de Bretagne - Tétrarc

Immeuble place de Bretagne - Tétrarc

Date du document : 2001

Des micro laboratoires dans les faubourgs et les ZAC

Dans l’environnement immédiat du centre-ville, Madeleine-Champ-de-Mars constitue un véritable laboratoire urbain où, à l’arrière d’équipements phares (le Lieu Unique, le Palais des congrès, le siège de Nantes Métropole), s’entremêlent constructions, rénovations et reconversions où s’insèrent logements, activités et bureaux. Un résumé en est donné par la cour des Arts (rue des Olivettes et rue Pélisson, In Situ).

Immeubles Chroma au Pré Gauchet - Plateform Architectures, Reichen et Robert et Associés, TOA architectes (construits en 2009)

Immeubles Chroma au Pré Gauchet - Plateform Architectures, Reichen et Robert et Associés, TOA architectes (construits en 2009)

Date du document : 07-11-2012

À une tout autre échelle, le Pré Gauchet ambitionne de fédérer par un ensemble d’immeubles neufs le centre-ville, la gare reconstruite et le quartier Malakoff rénové. Plus loin, des terres maraîchères cèdent place à des opérations d’urbanisme ambitieuses telle Bottière-Chénaie, quartier au sein duquel Boskop dessine un habitat intermédiaire combinant une forte densité et des logements évolutifs. Le désir de mieux répondre aux besoins diversifiés des familles actuelles s’incarne également dans des appartements en duplex prolongés par une serre et disposant d’un jardin potager (Boréal, Le vallon des Dervallières, Tetrarc).

L’élan de l’île

Après la réalisation d’un premier bâtiment phare, le Palais de justice ( Jean Nouvel), le choix d’une urbanisation par îlots permet à l’Île de Nantes de conserver un caractère aéré et lui apporte une série de volumes affirmés pour constituer un nouveau front de Loire, qu’ils soient verticaux (plusieurs ensembles d’immeubles de logements) ou trapus (École nationale supérieure d’architecture, Lacaton et Vassal).

Immeubles Arborea, boulevard Viviani

Immeubles Arborea, boulevard Viviani

Date du document : 27-01-2013

Elle généralise également le réemploi et la mise en valeur d’anciens édifices liés aux chantiers navals et aux activités portuaires, du plus petit (le Hangar 32 affecté aux expositions sur le projet de l’Île de Nantes) au plus imposant (les nefs Dubigeon, dédiées à l’atelier des Machines et à l’Éléphant), du festif (le Hangar à bananes) au sérieux (le bâtiment des essais des moteurs devenu la Maison de l’avocat), du sociétal (la gare de l’État transformée en Maison des syndicats et des associations) au culturel (les halles Alstom accueillant l’École supérieure des beaux-arts). Elle s’attache à favoriser l’innovation esthétique (Manny, le siège du groupe Coupechoux, Tetrarc) et environnementale (groupe scolaire Aimé Césaire, Bruno Mader et Mabire-Reich), sans oublier d’accueillir des artistes (Les Anneaux de Buren).

L'École nationale supérieure d'architecture - quai François Mitterrand - Lacaton et Vassal (construite en 2009)

L'École nationale supérieure d'architecture - quai François Mitterrand - Lacaton et Vassal (construite en 2009)

Date du document : 02-10-2010

De telles réalisations multiplient la présence de Nantes dans les revues, suscitent l’intérêt des professionnels, attirent des signatures reconnues et tonifient les architectes locaux, toutes générations confondues.

Dominique Amouroux
Extrait du Dictionnaire de Nantes
2018
(droits d'auteur réservés)

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Architecture Architecture et urbanisme

Contributeurs

Rédaction d'article :

Dominique Amouroux

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